«Karim Gharbi, voilà un nom bien tunisien... Je n'ai pas eu la chance de naître et de vivre en Tunisie, mais être tunisien pour moi réside dans le fait de faire le même chemin que mon papa, mais dans le sens inverse». C'est ainsi que le chanteur tuniso-belge s'est présenté, vendredi dernier, à un public nombreux, venu apprécier son concert à Mad'art. Après son dernier passage en décembre 2010 à Ibn-Rachiq, il est revenu, cette année en Tunisie, pour deux dates : le 27 mars dernier au Kef, dans le cadre des «Vingt quatre heures de théâtre non-stop» et le 30 mars à Carthage, pour participer aux Journées de la musique alternative, organisées à Mad'art. Pour ce rendez-vous, la formule du quartet habituel, Karim Gharbi et compagnie, à savoir le saxophoniste Fred Becker, le clavieriste et accordéoniste Eric Bribosia et le guitariste Clément Nourry, s'est élargi pour intégrer Olivier Taskin à la batterie et Alex Aymi à la contrebasse. Karim Gharbi, l'homme en noir, connu pour faire dans la performance musicale, insufflée par son expérience dans la danse, le music-hall et le théâtre, commence en douceur avec une première chanson intimiste, suivie d'une balade romantique jazzy et ne tarde pas à hausser le ton et le geste avec le titre étourdissant Quand les vitrines s'animent. Une chanson, et c'est le cas des autres compositions du groupe, puisée «dans leur vécu, dans la musique et les mots, dans les sonorités et la voix, dans la fusion des matériaux, dans la rencontre entre des personnes singulières, porteuses d'une histoire et d'une culture singulière», écrivent-ils. «Les gens misent mal, mais moi je m'en fous! De toutes les façons, je continue à manger mes œufs durs», lance encore Karim Gharbi en interprétant «Le blues de l'œuf dur», un morceau, aux tonalités rock, écrit au début de la tourmente de la crise financière et livré avec une joie mélancolique. Une sorte d'interprétation hystérique, et dans la voix et dans le geste, qui donne aux propos tout leur sens. Le talent du comédien qu'est Gharbi, venait, des fois, arracher le micro au chanteur pour nous entraîner dans une joie tourmentée, le tout soutenu par l'exécution des excellents musiciens. L'artiste finit par se déchaîner, surtout avec les six courtes interventions «surréalistes» (inédites en Tunisie), sorte de «cadavre» musical exquis, alliant bouffonnerie, imitations improvisées et chansons — ou encore avec le medley de tubes cultes des années 80 —, qu'il a jouées avec brio et humour décalé. Un Belge qui se respecte ne peut omettre de rendre hommage au grand Jacques Brel. Ainsi, Karim Gharbi l'a fait en nous présentant son interprétation du morceau Je ne sais pas, exécuté tout en douceur, au début, pour devenir, petit à petit, plus intense et plus passionné vers la fin, grâce au son, surtout, de la flûte jouée par Fred Becker.