Il y a une dizaine d'années, l'usine Ben Béchir de fabrication de sucre a mystérieusement arrêté ses activités. Du personnel a été mis à la porte, les cultivateurs de betteraves à sucre se sont rabattus sur des activités alternatives : pomme de terre, tomate, etc. Et d'autres travailleurs comme les transporteurs et les commerçants ont vu leurs activités baisser à cause de la fermeture de l'usine. Parmi les causes avancées à l'époque, on évoquait la rentabilité de la culture des betteraves à sucre comparée à d'autres cultures. Mais l'annonce de mise en place d'une nouvelle grande usine de raffinage de sucre à Bizerte à la fin des années 2000 par un gendre du président déchu a permis de comprendre plusieurs phénomènes liés au sucre, entre autres la fermeture de cette usine et la spéculation qui a eu lieu les dernières années sur cette denrée. Cela fait partie de l'histoire maintenant. Aujourd'hui, l'usine a été achetée par un investisseur privé. Il compte la remettre en activité au plus vite. Et la rue exerce une certaine pression dans ce sens, puisque rien qu'au début de cette semaine, un sit-in a eu lieu au gouvernorat de Jendouba pour réclamer l'accélération des mesures «promptes à relancer les activités de l'usine à travers l'extension des superficies agricoles pour la plantation de la betterave à sucre et l'incitation des agriculteurs à semer ce produit pour ne plus l'importer et assurer par la même occasion l'alternance des cultures». C'est ce qu'on lit dans une dépêche de l'agence TAP. Après une série de contacts, nous apprenons que la capacité de production de ladite usine s'élève de 300 à 400 mille tonnes de betteraves par an pour donner 35 à 50 mille tonnes de sucre blanc. Elle peut créer environ 1.000 postes d'emploi permanent et faire travailler des agriculteurs sur 4.500 à 6.000 ha. On nous dit aussi qu'après raffinage, la pulpe peut servir d'aliment pour bétail et la mélasse que nous importons actuellement peut alimenter l'usine de levure, sur le même site. Cela, sans compter les bienfaits de l'introduction des betteraves dans le système d'alternance des cultures, permettant d'augmenter le rendement du blé de 10 à 15 quintaux par ha. Il ne s'agit pas de faire de la promotion à cette usine, loin de là. Il s'agit plutôt de chercher des pistes pour le développement régional, permettant d'exploiter le potentiel existant à même de servir l'intérêt national. Pour le cas d'espèce, le développement de la production locale du sucre permet de réduire la facture à l'import, mais aussi la facture des subventions, puisque le prix de vente actuel est loin des cours pratiqués sur les marchés internationaux. Et d'un autre côté, le compter-sur-soi ne fait que renforcer la sécurité alimentaire. Il ne faut pas oublier que l'Inde, autrefois le plus grand exportateur de sucre, est devenue nettement importatrice et que le Brésil s'oriente vers la production du biocarburant à base de canne à sucre. Cette nouvelle pression sur le sucre presse donc à la conclusion d'une solution rapide, sans doute rentable pour tous.