Depuis mars dernier, ils se sont tous rencontrés, hôteliers, restaurateurs, transporteurs, voyagistes, institutions financières..., pour examiner les perspectives de développement du tourisme tunisien pour la période à venir. Tous les intervenants du secteur ont été associés en vue de mettre en place une feuille de route « dont la concrétisation exige la célérité dans l'action et la coordination permanente entre tous les opérateurs », selon le ministre du Tourisme, M. Lyès Fakhfakh. Une ligne de conduite qui s'est inspirée de l'étude stratégique effectuée en 2010 par le bureau d'études internationales « Roland Berger » et largement soutenue par des consultations menées au cours des derniers mois auprès de différents partenaires. Cette feuille de route serait une version un peu révisée de la « stratégie 2016 » qui, elle, avait vu le jour avant même la révolution. Qualité ? Les détails de cette feuille de route « provisoire » ont été publiés sur les colonnes de la revue Le tourisme. Son premier objectif étant la réalisation d'un gain de temps à l'administration. Cette dernière, concernant l'année 2012 et 2013, comporte trois composantes essentielles : les actions « Quick win » (gains rapides), les actions conjoncturelles pour la saison 2012 et enfin le chantier structurel qui concernera cette année et l'année prochaine. Avec des moyens limités, les actions « Quick win» seront, selon le ministère du Tourisme, « ciblées, symboliques et visibles pour créer une nouvelle dynamique et mobiliser les acteurs. Les actions « Quick win » doivent permettre aussi de mettre en mouvement tous les acteurs du secteur ». La première action étant le lancement du site internet de l'Office national du tourisme tunisien (ONTT). Il s'agirait d'un nouveau site traduit en six langues muni d'un nouveau logo. Les autorités de tutelle s'assureront selon eux du « bon référencement du site sur les moteurs de recherches et sur les sites de réservation en ligne, car selon les études, 10 % des clients de la Tunisie visiteraient le site avant de choisir la destination ». La seconde action, avec pour impact immédiat, sera la promotion des quatre sites culturels et naturels prioritaires, et ce, à travers la constitution d'un comité de sélection rassemblant un architecte, un urbaniste, un représentant des collectivités locales, un financier, des représentants des ministères concernés, en plus des professionnels du tourisme . La troisième action qui sera entreprise sera la validation et la publication de textes réglementaires des hébergements touristiques alternatifs comme les maisons d'hôtes, les hôtels de charme, les gîtes ruraux, fermes..., et ce, avec la collaboration des associations et de la fédération. Il est à signaler que la Tunisie englobera 70 hébergements alternatifs labélisés d'ici la fin 2012. D'après la feuille de route 2012-2013, un évènement à fort impact médiatique sera organisé périodiquement, une campagne de propreté des sites touristiques, une mise en place d'une charte de bonne signalisation dans les sites et circuits touristiques, à commencer par la Médina. Aussi, et afin d'assurer la mise en valeur des plages, une labellisation des plages hôtels sera pratiquée sur 10 plages « pavillon bleu », d'ici la fin de cette année. Il y aura également à travers les actions « Quick win » une participation à l'amélioration du produit touristique traduit par une révision des normes de classement des restaurants touristiques, en plus de multiples opérations de mobilité du tourisme frontalier et d'une campagne de sensibilisation sur la nécessité des réservations à l'avance. Pour le renforcement et la promotion de la qualité de la destination Tunisie, les actions «Quick win» prévoient une campagne de communication auprès des Tunisiens à l'étranger à travers le développement conjointement avec le secrétariat d'Etat à l'Immigration d'une communication ciblée et adaptée et le lancement des promotions de vente et des actions de parrainage des amis étrangers, en plus de la création d'une cellule « communication et veille web » Au-delà des actions rapides, la nouvelle feuille de route préconise d'autres actions conjoncturelles. Trois thèmes seront, ainsi, prévus pour faire face à la situation actuelle. La première action concerne la campagne promotionnelle qui tentera d'optimiser l'utilisation du budget de promotion, et ce, à travers une analyse par pays des meilleurs canaux de diffusion. Une action qui vise en premier lieu de rétablir l'image de la destination Tunisie sur les marchés émetteurs. Le second volet soutiendra les acteurs étrangers à travers le développement de partenariats, un partage des risques et financement de la promotion. Il est également prévu de renforcer la présence des relais de la Tunisie dans les pays sources par des actions de lobbying ciblées. Autre action, celle du soutien des acteurs locaux par des actions financières ciblées. De nombreuses actions tendant à amorcer un mouvement de réformes structurelles à même de garantir la pérennité et la durabilité de l'activité touristique. Et le long terme? Concernant les réformes structurelles, six chantiers seront engagés. Ils ont été proposés suite à l'étude stratégique, avec des résultats visibles à partir de cette année et à moyen terme. Elles portent notamment sur la diversification de l'offre, l'innovation et la qualité par le développement d'une charte qualité, la révision du code des investissements, la promotion des investissements innovants, la diversification des différents types d'hébergement... L'autre chantier sera réservé à la promotion et au marketing à travers l'adoption d'une approche produit-pays, la construction d'une nouvelle ligne évènementielle et la diversification des sources de financement. Le troisième axe sera dédié au cadre institutionnel et la mise en place de l'UGPO, l'étude et la réorganisation du dispositif institutionnel, la promotion d'un partenariat public-privé... Le quatrième chantier est celui de la restructuration des finances du secteur et la mise en œuvre des recommandations de la Banque mondiale. L'avant-dernier chantier concerne le « tourisme Web compatible » et réalisera un programme « Archipel » de référencement et promouvra la commercialisation en ligne. Le dernier chantier développera les connexions aériennes et les partenariats auprès des compagnies aériennes. Il définira également un plan pour le développement des transports aériens dans le cadre des accords « Open Sky ». Malgré cet effort de la part de l'administration à mettre en place des mesures pour la veille du secteur, cette feuille de route reste très critiquée. Elle est pour beaucoup de professionnels très superficielle et laisse filer les plus importants chantiers du secteur. Pour Lotfi Mansour, directeur fondateur de la revue Le tourisme, « l'actualisation de la stratégie 2016 laisse de côté l'essentiel, l'amélioration de la compétitivité du secteur et la restructuration de l'office du tourisme ». Il commente par ailleurs cette feuille de route provisoire : « Certes, ces mesures sont utiles, mais ne peuvent remplacer une politique...la feuille de route cache mal l'absence de nouvelles ambitions pour le tourisme tunisien. Ces mesurettes ne sont, en l'absence d'une vision nouvelle, que de l'aspirine», selon les termes du ministre lui-même. Les spécialistes du tourisme espèrent que la version finale de cette feuille de route n'omettra pas des axes plus importants.