Après Sharrie Williams qui a ramené pas mal de public, Dieudonné, l'humoriste français d'origine africaine, qui a affiché complet, on s'attendait, en cette semaine du 16 au 21 juillet 2012 à ce que Delahoja, le groupe de rap espagnol, fasse l'évènement du festival International de Hammamet en drainant une foule énorme devant les guichets. A notre grande surprise, il n'y avait en cette soirée du mercredi 18 juillet, qu'une centaine de personnes sur les gradins, dont l'équipe du festival, les animateurs des clubs pour enfants et quelques journalistes. Que s'est-il passé ? On nous dit que le festival dont le programme a été élaboré en trois semaines seulement n'a eu ni les moyens ni le temps de faire sa promotion. Comment cela se fait-il alors que l'information est bel et bien passée aux publics du blues et de l'humour français ? Où sont tous ces jeunes qui ont bouleversé le cours des évènements de tout un pays en partageant les vidéos de rappeurs qui disaient tout haut ce qu'une bonne majorité pensait tout bas, à propos d'un peuple qui n'en peut plus d'injustice, de pression et d'oppression? Dans ce groupe phare de la scène hip hop espagnole, il y a pourtant un Tunisien qui se fait appeler Farid Extranjero et dont les chansons sont super connues par les Face bookers. Où sont passés tous ses funs ? Ont-ils eu la flemme de se déplacer ? N'étaient-ils pas assez curieux de voir de près Delahoja, ce groupe qui fait tabac en Espagne et qui a quand même chanté récemment devant 110.000 spectateurs au stade FC de Barcelone à l'occasion de la victoire de l'Espagne à l'Euro ? En tous cas, le peu de spectateurs qui ont assisté à cette soirée du mercredi au théâtre de plein air de Hammamet ne semblaient avoir aucun regret. Ils ont bien vibré aux rythmes de la musique et des paroles saignantes et poignantes. L'ouverture du spectacle a eu lieu avec un autre groupe de Tunisiens qui ont fait leur possible pour mettre de l'ambiance. Mais lorsque les quatre membres de «Delahoja» ont débarqué avec leur DJ si dynamique, la salle s'est réveillée. Il faut dire que la musique soigneusement arrangée n'a laissé personne indifférent. Les Espagnols, qui ont chanté dans leur langue, ont réussi à nous communiquer de l'émotion, car ce qui importe parfois, c'est le poids des mots et non le sens. Par moments, on ne sait plus qui dit quoi. En arabe ou en espagnol, les mots coulent sans arrêt comme le sang d'une plaie béante, sans ponctuation. Ils se précipitent, se bousculent, se heurtent et se font surgir l'un l'autre. «warqa, stilou dhid errih » (Une feuille, un stylo, contre le vent) semblait être l'un des titres les plus célèbres de Farid, que le public a réclamé, suivi par «la3bad fi terkina» (les gens dans leur coin...). Mais avant de quitter la scène, le rappeur tunisien a fait un cadeau à son public en chantant, sans musique, le «mawal du prisonnier». Mention spéciale au rappeur tunisien qui était comme un poisson dans l'eau dans ce groupe espagnol. L'art n'a en effet aucune frontière, surtout quand ce dernier naît dans les rues, contre le vent.