Fathi Haddaoui l'annonce comme l'homme qui a dérangé bien des gens en France et dans le monde, avec son franc-parler et son humour acerbe. Il était, il y a quelques jours, l'invité du festival international de Hammamet pour offrir au public tunisien la dernière représentation de son spectacle Rendez-nous notre Jésus qui a tenu toute une année dans sa salle «La main d'or». Il s'agit de l'humoriste Dieudonné M'bala M'bala qui a réanimé les lieux, plutôt désertés depuis le début du festival. L'on ne présente plus cet artiste dont le talent, le militantisme, l'engagement humanitaire et les partis pris politiques, qu'il distille à travers ses sketchs, ont bien fait couler de l'encre. On l'a connu, à ses débuts, en tandem avec son ami d'enfance, l'humoriste Elie Semoun. Depuis leur séparation, en 1997, Dieudonné a entamé une carrière en solo et s'est distingué par son engagement politique, se présentant, la même année, aux élections législatives à Dreux contre le candidat du Front national. Sa répartie et son humour viennent dénoncer la servitude des peuples et les injustices sociales et pointer le doigt sur la partie immergée de l'iceberg, comme il le dit, celle liée, entre autres, au lobby sioniste. Et quand certains qualifient sa palabre et ses prises de position de «choquantes», ce dernier rétorque que le plus choquant, selon lui, c'est de voir ce que l'on véhicule, à travers certains médias occidentaux, comme stéréotypes sur les Africains et les musulmans. Regardez toute cette «diabolisation» de l'islam, nous dit-il, à travers les films hollywoodiens. Contrairement aux autres, moi, je ne ris pas des morts, je dénonce plutôt l'instrumentalisation du drame juif dont on se sert pour faire du mal aux gens. Cela ne semble, apparemment, pas avoir convaincu les autorités, les médias et autres associations antiracistes françaises qui ont condamné ses positions, l'accusant d'antisémitisme. Les autorités sont allées jusqu'à annuler et interdire ses spectacles. Depuis, Dieudonné n'arrête pas de dénoncer cette forme de censure, tout en continuant ce qu'il réussit le mieux: faire rire les gens que ce soit dans le théâtre qu'il gère «La main d'or» ou même dans des lieux insolites et improvisés tels que des autocars et des champs... Hammamet était donc sa dernière escale avant d'entamer son nouveau spectacle intitulé «Fox Trot» ou «pas de renard», en référence à la danse américaine des années 30 et plus implicitement au rêve américain. «Ici, je suis un petit peu chez moi, car à Paris, c'est plutôt chaud pour moi ces dernières années», lance-t-il en entrant sur scène sous la pluie des applaudissements de ses fans venus nombreux. Un public qui connaît, sans doute, ce spectacle mais qui est venu admirer, de visu, les performances comiques de Dieudonné. «DSK, je ne peux ne pas en parler ce soir», dit-il en provoquant les rires de l'audience qui peut imaginer, sans doute, ce qui va se dire sur l'ancien président du FMI. Il nous parle ainsi des versions officielles sur l'affaire DSK, «celles dont il faut s'en tenir comme ce fut le cas avec les chambres à gaz», nous dit-il. BHL n'échappe pas à ses blagues acerbes. «Il doit avoir les clés des plateaux télé celui-là!», affirme-t-il tout sourire, en accostant de temps en temps le public et en balançant ses fameux «ferme-la à tout jamais». La partie du spectacle sur Jésus se présente sous la forme d'un plateau télé où Dieudonné s'improvise animateur et fait intervenir différents profils (arabe, africain, trisomique, homosexuel, juif...) pour parler de Jésus. Il nous parle ainsi de «la bande à Jésus» (ses apôtres), des marchands du temple qui condamnèrent le prophète. «Ces marchands, n'étaient pas des Congolais, c'était déjà la bande à DSK, c'était le FMI», affirme-t-il à ce propos, provoquant des fous rires. Assez expéditif, le spectacle a duré presque 1 heure 15 minutes où l'humoriste a incarné divers profils en multipliant, avec beaucoup d'aisance, les accents et ses fameuses grimaces grinçantes. Un show que Dieudonné, à force de présenter tout au long de sa tournée, maîtrise admirablement, en succombant bien sûr, de temps en temps, à l'appel irrésistible de l'impro face à un public, indéniablement amoureux, conquis rien que par sa présence sur la scène de Hammamet. Quant à nous, c'est ce message que nous lui adressons «Dieudonné, ne la ferme jamais!».