Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha, a-t-il réussi, hier, à tempérer les ardeurs des participants aux travaux du 2e congrès du parti du Congrès pour la République (CPR) qui ont démarré, hier après-midi, au Palais des Congrès à Tunis, sous la devise «Moultazimoune» (Engagés) ? Le leader de la composante dominante de la Troïka au pouvoir est-il parvenu à remettre les points sur les i à propos des principaux points de discorde qui semblaient opposer, ces derniers jours, son parti au CPR et à Ettakatol pour ce qui est de l'égalité homme-femme ou la liberté de l'information publique et les tentatives de la museler et de la mettre sous la coupe du gouvernement à travers les dernières nominations fortement critiquées par les journalistes, le CPR et Ettakatol, alliés d'Ennahdha au sein de la Troïka ? Ce sont là les deux grandes impressions qui se sont dégagées de l'intervention fort attendue du leader d'Ennahdha devant les congressistes du CPR. En effet, tout porte à croire que cheikh Rached a bien fourbi ses armes après avoir écouté le message du Dr Marzouki (prononcé par Walid Haddouk, l'un de ses conseillers) à ses anciens camarades, l'intervention de Mohamed Abbou, secrétaire général du CPR, et l'allocution du Dr Mustapha Ben Jaâfar, président d'Ettakatol et de l'Assemblée nationale constituante. Usant d'un langage clair et concis, Rached Ghannouchi a balayé toutes les suspicions, levé les équivoques et restauré la plateforme idéologique sur laquelle s'est fondée l'alliance Ennahdha - CPR - Ettakatol pour créer, à la faveur des élections du 23 octobre 2011, la Troïka actuellement au pouvoir. Aussi, cheikh Ghannouchi a-t-il clamé tout haut : «La Troïka constitue le couronnement de longues années d'action militante commune basée sur une plateforme partagée militant pour l'instauration d'un Etat civil, la concrétisation de l'égalité en matière de citoyenneté entre les deux sexes, la consécration de la démocratie, le triomphe des libertés et l'engagement à faire front commun contre le retour des anciens symboles du régime déchu». «D'ailleurs, poursuit-il, en parcourant les valeurs que votre congrès s'est engagé à consacrer telles que la dignité, la transparence, l'Etat civil, la justice indépendante, etc., je n'ai aucune réserve à exprimer puisque ce sont ces mêmes valeurs qu'Ennahdha a toujours placées au fronton de son combat militant depuis sa création». «Partager ces valeurs et agir ensemble pour les rendre concrètes n'empêche pas, cependant, qu'il peut y avoir certaines différences entre les composantes de la Troïka, et notre génie est de bien les dépasser et d'en sortir avec une alliance qui a sécreté le gouvernement actuel auquel nous sommes fiers de participer, ainsi que des acquis et des réalisations qu'il a réussi à accomplir, dont en premier lieu les libertés dont jouissent aujourd'hui tous les Tunisiens. Quant au président Marzouki, il est notre président et nous lui devons le respect et la considération que sa haute fonction de symbole et de souveraineté nationale impose. Cependant, nous ne partageons pas plusieurs de ses idées et de ses positions. Notre seul problème est bien avec ceux qui parient sur le retour des symboles du passé que nous avons balayés à jamais et avec ceux qui bafouent la loi et transgressent les convenances et essayent d'imposer aux Tunisiens, par la force et la violence, leur vision, que ce soit au nom de l'Islam ou de la modernité», a-t-il souligné. L'optimisme, notre devise principale De son côté, Mohamed Abbou, secrétaire général sortant du CPR et principal candidat à ce même poste, a notamment souligné son attachement à l'optimisme quant à la capacité des composantes de la Troïka à poursuivre «la grande aventure dans laquelle nous nous sommes engagés, en toute liberté et responsabilité, en vue de réaliser les objectifs de la Révolution du 14 janvier et de concrétiser les promesses que nous avons tenues à ceux qui nous ont témoigné leur confiance, le 23 octobre 2011, le jour où les urnes ont parlé. «Moultazimoune» est bien notre devise et nous essayerons d'être fidèles à cet engagement en dévoilant tous les dépassements, qu'ils surviennent au sein du gouvernement ou en dehors de la Troïka, en soutenant la presse libre qui n'hésite pas à mettre à nu les corrompus et qui poursuit la diffusion des ‘‘guignols de l'info''». De son côté, Mustapha Ben Jaâfar a, notamment, parlé de ceux qui demandent aujourd'hui la formation d'un «gouvernement groupant toutes les forces politiques du pays, sans avoir le courage de dire qu'ils se sont trompés en refusant, après les élections, notre appel à ce qu'ils participent à un gouvernement d'union nationale. Leur appel au dialogue, aujourd'hui, est un faux appel puisqu'ils n'osent pas révéler la vérité au peuple». «Malheureusement, ils poursuivent leur campagne électorale depuis le 15 janvier 2011 en usant de la même stratégie, en dépit de son échec. Pour nous, à la Troïka, le dénominateur commun qui nous réunit est bien de tout faire pour nous opposer au retour de la dictature et du despotisme, constituant le principal danger qui menace notre révolution», a-t-il souligné Des ministres nahdhaouis claquent la porte La séance d'ouverture a été marquée par la lecture du texte d'un message adressé aux congressistes par le fondateur du parti, Mohamed Moncef Marzouki, président de la République provisoire. Ce message comprend des critiques claires au mouvement Ennahdha, principal membre de la Troïka. M. Marzouki a fait allusion, dans son message, «aux efforts déployés par le Mouvement Ennahdha en vue de dominer les structures de l'Etat». Ces accusations ont été suivies du retrait de la salle des membres du gouvernement provisoire appartenant au Mouvement Ennahdha, dont notamment Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, Ali Laarayedh, ministre de l'Intérieur, et Abdellatif Mekki, ministre de la Santé. Ils ont déclaré aux médias que le contenu du message de M. Marzouki est contraire à la réalité et qu'il «estompe la vérité». La séance d'ouverture a, en outre, enregistré l'expulsion par les congressistes du membre de l'Assemblée nationale constituante Tahar Hmila, en raison de ses dernières déclarations dans lesquelles il a appelé à ce que le président fondateur du CPR, Mohamed Moncef Marzouki, soit soumis à un examen psychiatrique.