Rachid Koubaâ, Hafedh Lejmi, Mohamed Zinelabidine, Ahmed Achour (souhaitons à ce dernier prompt rétablissement) et bien d'autres noms parmi les barons de l'Institut supérieur de musique (ISM) et parmi le cercle — plus ou moins fermé — de la musique savante, symphonique ou autre, doivent être plus que fiers, aujourd'hui, de leur «poulain», en qui ils ont, très tôt, détecté les gènes d'un grand virtuose du violon, de la composition (surtout de pièces instrumentales) et de la direction d'orchestre. Ahmed Iyadh Labbène — c'est de lui qu'il s'agit — est né pour faire de la musique, jouer du violon, plus particulièrement. Son père, notre confrère Salem Labbène, fin mélomane qui joue du luth et chante à ses heures perdues, l'a vite compris. Il inscrit son fils au Conservatoire de Tunis et le pousse à de longues séances d'exercice au violon, une fois ses devoirs et révisions scolaires de collégien puis de lycéen terminés. Il arrivait au petit Iyadh d'en pleurer... Consécration précoce Il décrochera son diplôme national de musique arabe en 2000, avant d'obtenir deux ou trois ans plus tard, son Bac. C'est ainsi que dans la logique des choses, il rejoint l'ISM où il clôt en 2008 la première partie de son cursus universitaire par une maîtrise en musique et musicologie avec pour option les nouvelles technologies musicales (mention très bien). Doué et fort de ces deux formations, l'une en musique classique arabe, l'autre plus académique, plus poussée et davantage axée sur l'universel, il intègre en 2004 le prestigieux orchestre symphonique de Tunis où l'intransigeant Ahmed Achour lui accorde le statut de violoniste soliste, alors qu'il est encore étudiant. Il est également premier violon dans plusieurs autres formations musicales, symphoniques, de jazz ou de variétés. Il accompagnera, à ce titre, dans leurs tournées, de grosses pointures de la chanson dont Sonia M'barek, Saber Rebaï, Latifa Arfaoui. Mieux, Rachid Koubâa, qui croit en lui et qui est à la fois son professeur, et, quelque part, son «mentor», lui offre en 2008, la direction de l'excellent Orchestre de l'ISM de Tunis, lors du festival «Musiciens de Tunisie» qui s'est tenu à Hammamet et où Iyadh présentait sa pièce instrumentale «Acropolis 2». Deux ans plus tôt, le même Koubaâ lui cédait la vedette à la clôture de l'Octobre musical pour présenter au final du récital de l'Orchestre de l'ISM, son «Acropolis 1», un superbe morceau instrumental où sa maîtrise de la musique orientale et tunisienne lui permet de parer d'une manière propre à lui, à l'écriture musicale résolument moderne pointant vers l'universel. Malgré cela, il se révélera nettement plus prolifique dans l'arrangement que dans la composition. En effet, il multipliera les projets, entre chansons et fictions où il fait exploser son talent d'arrangeur : la musique du film de Ayda Ben Alaya Chronique d'une agonie et de la fameuse série Choufli hall, plusieurs chansons, dont deux pour Sonia M'barek, idem pour Zied Gharsa et trois pour l'Algérien Idir, en plus de la pièce Lika el Atlas de Outaïl Maâoui, Premier prix de musique instrumentale du festival de la musique tunisienne en 2008. Avec un tel répertoire, devenu possible grâce à son assimilation parfaite de l'oriental, du tunisien et de l'universel, Iyadh Labbène aurait pu s'asseoir sur ses acquis et se contenter des nombreuses sollicitations qui lui parvenaient. Trop peu pour l'ambition de ce jeune, avide de davantage de connaissances et de perfection. Il fait sa valise sitôt la maîtrise de l'ISM en poche. Direction Paris. Compositeur de films, dernière étape A la Sorbonne Paris IV, il se montre autant talentueux que studieux, réussissant avec la mention très bien tous les cursus où il s'inscrit au prix d'un effort titanesque. «Avalant» les programmes de deux années en une, cela ne l'empêche pas d'enseigner, «pour survivre», dit-il, de participer à des concerts de circonstance et, surtout, d'intégrer l'Orchestre J. Brahams de Paris en 2010. Toujours est-il qu'il amasse les diplômes dans différentes spécialités. De la Sorbonne, il obtient en 2009 un master en musicologie avec pour sujet de mémoire : Harmonie et patrimoine en Tunisie. Il passe ensuite sans encombre le concours de l'Ecole normale de musique de Paris, section harmonie, analyse et formation musicale. Au terme de deux ans d'études, il décroche coup sur coup son certificat de fin de troisième cycle et, plus important encore, son diplôme de composition de musiques de films. Ils n'étaient que trois à réussir ce dernier diplôme et l'étonnant, c'est qu'ils étaient non français de nationalité (Tunisie, Chine et Japon). On ne sait si, aujourd'hui, il compte prospecter d'autres sphères du savoir musical, mais Iyadh Labbène nous déclare vouloir exercer sa spécialité — il est le seul en Tunisie à détenir un diplôme supérieur — dans des fictions et des documentaires tunisiens, que ce soit pour le cinéma ou la télévision. Alors, réalisateurs et producteurs, retenez cette adresse ([email protected]), notre virtuose promet de créer des merveilles, d'autant que, jusque-là, notre produit cinématographique ou télévisuel n'a pas tellement brillé, côté musique.