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Islamisme, inquisition et contre-révolution
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 09 - 2012


Par Khaled DELLAGI
Le pouvoir provisoire à dominante islamiste, actuellement en place, vise à institutionnaliser l'inquisition en l'inscrivant dans la future Constitution. Il le fait, en ayant l'air de rien, par petites touches, en nous assurant à chaque interpellation, la main sur le cœur, de son respect des libertés. Pourtant, y a-t-il pire intention que celle qu'il entend nous imposer : «Criminaliser l'atteinte au sacré», selon ses propres termes, c'est ouvrir la porte à tous les excès, à toutes les dérives extrémistes. Où s'arrête le sacré ? Et quand bien même nous nous accordons tous à refuser l'insulte au sacré car c'est insulter l'homme à la foi sincère, les dérives prévisibles de cette stipulation scélérate tueront la faculté la plus noble et la plus signifiante de notre humanité : notre liberté de penser.
L'islamisation de la société tunisienne et l'instauration d'une République islamique est le choix stratégique du parti qui se dit dominant, le parti Ennahdha. Sa démarche est confortée, faut-il s'en étonner, par les sbires salafistes jouant les voyous dans des coups de main restés pour la plupart impunis à ce jour. Plus curieusement, elle l'est tout autant par les deux autres partis de la Troïka jouant le rôle d'«idiots utiles» et dont on ne se lasse pas de se demander s'ils sont à ce point inconscients du danger encouru par la société tunisienne et du viol des valeurs dont on pensait qu'ils les avaient en partage.
Lentement mais sûrement, tel un rouleau compresseur, le pouvoir islamiste provisoire trace sa voie. Il se donne tous les moyens pour museler ses détracteurs et pour pérenniser sa mainmise: quadrillage du territoire national, noyautage des institutions de la magistrature et de l'audiovisuel, supervision de la future I.S.I., etc.
Personne ne peut prétendre aujourd'hui ne pas voir où le pouvoir veut mener la société tunisienne : à la «monarchisation» de la République par un retour à un parlementarisme à la mode d'antan (Majles El Choura). Comme son nom l'indique, celui-ci se suffira de «conseiller» le prince, affublé d'un conseil supérieur d'ulémas dirigé par un «ayatollah» qui garantira la pensée halal. Instauration d'une République théocratique dont on peut se demander ce qu'elle a de république.
L'histoire ancienne et l'actualité ne nous laissent aucun doute : un pouvoir théocratique est par essence tyrannique. Et s'il ne l'est pas par nature (car on rappellera opportunément les premiers temps de l'Islam et ceux des califes bien éclairés) nous savons qu'il finit irrémédiablement par le devenir car il a entre les mains une arme infaillible : l'inquisition des esprits. Toute contestation sociale, politique, intellectuelle voire comportementale sera ramenée à une contestation de la chose divine. Contestation qui sera réduite au silence dès lors que ses censeurs l'accuseront de porter atteinte au sacré, d'attenter, directement ou indirectement voire de façon imaginaire ou artificielle, au dogme et à la doxa religieux.
Ce n'est pas par hasard que les insurrections populaires arabes ont éclaté en premier en Tunisie puis en Egypte. Le sursaut de ces peuples s'est nourri d'un terreau réformiste et laïc pour s'élever contre la tyrannie, la corruption, le pillage des ressources nationales. Personne n'a entendu de revendications religieuses durant ces journées mémorables ! Personne ne nous fera croire que ceux qui s'immolèrent de désespoir ou tombèrent sous les balles de la répression, luttaient pour le retour du califat ou pour la guidance de cheikhs autoproclamés ou pour enfermer les femmes dans des niqabs hideux ou pour entendre des délires sur l'excision ou pour surenchérir à qui mieux mieux sur les devoirs religieux. Non, ils ont donné leur vie pour la dignité que confère le travail, pour une justice sociale qui ne laisse personne ni aucun pan de la société sur le bord de la route, pour le respect des droits de la femme (notre alter ego, l'autre nous-même et non notre complément), en un mot pour une vraie liberté, une vraie citoyenneté, pour une vie digne et pour la reconquête de l'estime de soi !Il faut être clair : ce à quoi nous assistons aujourd'hui est une monumentale récupération, une terrible supercherie.
Pourquoi alors un tel gâchis ? Quels en sont les tireurs de ficelle ?
La contagion révolutionnaire à Bahreïn, au Yémen, aujourd'hui en Syrie, menace directement les monarchies du Golfe. Le modèle démocratique est tout simplement intolérable pour ces pays et pour leurs potentats. Dès la chute du régime de Ben Ali, la contre-évolution se mit en branle et avança sous le masque de l'islamisme. L'Arabie Saoudite, par son prosélytisme wahhabite, s'efforce de s'imposer comme le modèle à suivre à tous les peuples arabes et peser sur leurs choix en y exportant son modèle bigot. Par un tour de passe-passe, ces monarchies théocratiques ne sont plus le modèle à abattre puisqu'elles deviennent la référence. Le message qu'elles se préparent à adresser à leurs peuples est limpide : pourquoi vous révolter ? Regardez autour de vous, tous ces peuples qui se sont soulevés, ont choisi la même voie que nous ! Cqfd.
Pour atteindre leurs objectifs ces théo- pétromonarchies ont les moyens de leur autopromotion: des ressources financières illimitées, les chaînes satellitaires relayant leurs messages, les Lieux Saints , la Ligue arabe, l'Organisation de la conférence islamique, et cerise sur le gâteau, le silence complice de leur protecteur, les Etats-Unis.
La bataille pour le leadership du Monde arabe engagée depuis plus d'un demi-siècle entre les mouvements modernistes laïcs (Nasser, Bourguiba) et les mouvements religieux fondamentalistes (Frères musulmans, salafistes, djihadistes) semble en apparence gagnée par ces derniers. Les monarchies du Golfe sont en mesure de créer un glacis de pays satellites, un cordon sanitaire autour d'eux pour se prémunir de la contagion révolutionnaire.
L'idéologie islamiste s'est curieusement construite dans une opposition à l'Occident voire une haine culturelle de ses valeurs, tout en nouant avec lui une alliance stratégique et politique très étroite. Cette alliance d'intérêts, à première vue contre nature, a été inaugurée en 1945 par le pacte entre le président américain F.Roosevelt et le fondateur du Royaume wahhabite A. Ibn Saoud : protection de la dynastie en échange de la sécurisation de l'accès au pétrole, tels étaient les termes de ce pacte. Ses conséquences furent terribles : droits de l'Homme piétinés et sacrifice de la cause palestinienne jusque et y compris la judaïsation des Territoires occupés. Aujourd'hui pour la maîtrise des événements issus du printemps arabe, c'est à la Tunisie d'être sacrifiée à ce pacte au titre de la protection des intérêts de la dynastie wahhabite. Les salafistes, soldats aux ordres, veilleront au grain
La Tunisie est à la croisée des chemins. Tiraillée entre des pulsions rétrogrades suicidaires et la soif de refondation et de renaissance, elle doit choisir son modèle. Elle doit faire bloc contre la déraison de ceux qui veulent nous faire croire que le retour au moyen âge est une option crédible quand elle n'est au mieux que chimère et au pire que l'expression d'une inculture sans fond qui semble ne rien retenir de ce que la science nous apprend, voire une hypocrisie qui instrumentalise la religion à la quête effrénée de pouvoir.
Une occasion, peut-être unique, s'offre à nous aujourd'hui pour mettre à plat les maux chroniques qui gangrènent notre société depuis des siècles.
Que voulons-nous ? Sujets soumis (sans jeu de mots) ou citoyens libres ?
Certes, le choix de société, séculière ou islamiste, est motivé par des considérations idéologiques et s'accroche à des convictions intimes. Un débat au sein de la société civile doit s'ouvrir sans anathème ni interdit. On doit pouvoir discuter de tout dès lors que le principe de la liberté individuelle est respecté. Au prosélytisme violent que le Coran lui-même récuse il faut crier la primauté de la raison. Il faut contrecarrer le courant islamiste salafiste par une réflexion novatrice où les hommes à la foi sincère sont aussi invités. Maîtrisant les référentiels religieux au-delà des mots, ceux-ci peuvent mieux que quiconque prendre le contre-pied du dogmatisme religieux. Par le passé, des courants philosophiques islamiques basés sur le rationalisme (Mutazilisme) ont déjà tenté, en vain, d'instituer une réflexion sur la liberté de pensée et sur le libre arbitre chez l'Homme. Une authentique réforme de la pensée islamique reste donc à faire. Car, paradoxalement, le véritable ennemi de l'Islam est bien l'islamisme. A qui fera-t-on croire que l'inquisition religieuse au Mali honore l'Islam quand elle reflète surtout le visage hideux de la bêtise, de l'inculture et de la pensée primaire. Comme une pathologie auto-immune, cette dérive sectaire et haineuse sécrète ses auto-anticorps qui aboutiront tôt ou tard à son autodestruction.
En Tunisie, l'utilisation abusive du référent religieux dans la future Constitution ouvrira la porte à tous les abus. Une grille de lecture à mailles trop fines sera incapable de séparer le licite et l'illicite dans les champs essentiels et les futilités. Nos champs de liberté se réduiront comme peau de chagrin.
Il faut le dire et le redire, le sentiment religieux est éminemment respectable et le propos n'est pas d'opposer la croyance à l'incroyance, ni la foi à la raison. Le propos est d'exiger la tolérance comme principe absolu et de refuser les empiétements, fût-ce au nom de Dieu, à la liberté de chacun dans le respect des autres. Pour éviter la fossilisation de la société, il faut coûte que coûte rendre la foi au champ privé et découpler le politique du religieux.
L'humanité vit depuis quelques décennies une révolution totale, multidimensionnelle : économique, numérique, génétique et écologique qui débouchera très certainement sur de nouveaux rapports Homme-Nature ; une révolution humaine aussi radicale que celle du néolithique il y a 12.000 ans. On ne peut devant de tels enjeux décliner notre avenir par un bégaiement inarticulé ou par une logomachie verbeuse ni entrer sur l'autoroute du futur à contrecourant de la circulation avec la conviction tout aussi forte que débile qu'on est les seuls à être dans la vérité.
Que penser face à ces enjeux immenses, de ceux qui dans un certain pays interdisent encore aux femmes de conduire une voiture et lui nient toute visibilité sociale et toute liberté de mouvement. Une dérive qui se lit aussi chez nous, dans certains discours sur l'identité nationale, sur les droits de la femme, sur les droits de l'enfant et plus généralement sur les droits culturels ; des discours de confrontation voire de provocation qui vont jusqu'à remettre en question le concept de nation, suppôt laïc, pour promouvoir la Oumma islamique!
La bataille est-elle déjà perdue ? Non ! La grandeur d'une nation se mesure aux défis qu'elle accepte d'affronter. Les rédacteurs de la Constitution doivent être visionnaires s'ils veulent inscrire leurs noms dans le registre glorieux de notre Tunisie trois fois millénaire. A eux de contribuer à bâtir une société meilleure, sécularisée, tolérante, confiante en soi et sans complexe, montrant le chemin aux autres peuples du Monde arabe qui se soulèvent pour recouvrer leur dignité.
* (Médecin)


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