«Le doyen», c'est ainsi qu'on l'appelait. Abderrazak El Hammami méritait ce surnom plus que personne. Car, dans le domaine de la réalisation télévisuelle tunisienne et surtout dans celui de la fiction, il était le pionnier. C'est lui qui assurait ce qu'on appelait à l'époque «les dramatiques», ces pièces radiophoniques du mardi, réadaptées pour la télévision, filmés et diffusées en direct du studio tous les mercredis soir. Il fallait le faire! Et la qualité de ces fictions n'ont rien à envier à celles d'aujourd'hui. Les anciens se souviennent de toutes ces séries qui égayaient nos soirées ramadanesques et où le nom du doyen figurait au-dessus du générique, telles que Omi Traki et Haj K'louf. Abderrazak El Hammami a même «osé» le polar, en réalisant la cèlèbre série Ibhath maana (Cherchez avec nous) avec, dans le rôle principal, l'acteur et metteur en scène de théâtre, Abdelmajid Lakhal. Dans son répertoire si riche, il a également signé des feuilletons, dont on retient encore les titres, comme Ezawrak essaghir (La petite barque) ou Sarra avec feu Chafia Rochdi. Mais ce que très peu de ses fidèles spectateurs savent, c'est que Aderrazak El Hammami était également comédien. Nous croyons savoir qu'il a fait des études d'arts dramatiques à l'étranger avant de participer au lancement de la Télévision tunisienne. Cet autre profil, nous l'avons récemment découvert dans Bin ethnaya (A la croisée des chemins), un feuilleton de Habib M'salmani, et Poupée d'argile, un long métrage de Nouri Bouzid. Son jeu était impressionnant de sobriété. Pas étonnant de la part d'un réalisateur de fiction, dont l'une de ses grandes qualités était la direction d'acteurs. Hier, la nouvelle de sa mort a profondément touché ses collègues et amis qui sont partis lui dire adieu. Les funérailles ont lieu aujourd'hui à Kairouan, sa ville natale. Pour nous, en tout cas, la disparition du doyen signe la fin réelle d'une époque où l'on n'avait pas besoin de courir derrière une image qui nous ressemblerait.