Sami Ben Saidane : hausse de 10% des prix de la Omra    La police municipale dresse le bilan de ses dernières interventions    Photos de mineurs sur les réseaux sociaux : Moncef Ben Abdallah affirme que des poursuites seront engagées    Mardi ensoleillé avec vent fort sur les côtes : quelles précautions prendre ?    Place Garibaldi et rue Victor Hugo : Sousse repense son centre-ville avec le projet Femmedina    Jeux africains scolaires : la Tunisie brille avec 155 médailles, dont 34 en or    Vers une plateforme nationale pour optimiser les greffes d'organes    Tunisie : le Groupe Scolaire Marthe Gautier obtient son agrément et prépare sa rentrée 2025-2026    Manger sainement à la maison : conseils pratiques pour préserver sa santé    La révolution de correction de l'école au centre culturel : Saïed veut une pensée libre et créative dès l'enfance    Israël : Netanyahu envisage une occupation totale de Gaza, selon des fuites    Bourguiba : l'absent omniprésent    Etats-Unis : une caution jusqu'à 15.000 dollars bientôt exigée pour certains visas    Photo du jour - Ahmed Jaouadi, le repos du guerrier    Japon : alerte volcanique relevée au mont Kusatsu-Shirane    France : une panne électrique perturbe fortement le trafic ferroviaire international    Italie : amende d'un million d'euros contre Shein pour allégations environnementales trompeuses    BH Assurance lance "NEXT" : un challenge technologique étudiant placé sous le signe de l'innovation et de l'Intelligence Artificielle    Docteurs au chômage : les coordinations réclament cinq mille postes pour sortir de la crise    Fin du sit-in devant l'ambassade américaine à Tunis    Ces deux ministres que Kaïs Saïed refuse de limoger    Soldes d'été: elles ont perdu leur attrait auprès de la clientèle et des commerçants    Production de clinker suspendue : les difficultés s'accumulent pour Les Ciments de Bizerte    À quelques jours de l'ultimatum, Trump déploie ses sous-marins et envoie son émissaire à Moscou    Soupçons de manipulation de l'orientation universitaire : le service des crimes informatiques chargé de l'enquête    Tunisie : 84 % de la dette extérieure couverte par le tourisme, affirme le ministre    Ahmed Jaouadi champion du monde à nouveau à Singapour dans la catégorie 1500 m NL (vidéo)    Tunisie : l'encours des Bons du Trésor grimpe à plus de trente milliards de dinars    La Nuit des Chefs au Festival Carthage 2025 : la magie de la musique classique a fait vibrer les cœurs    JCC 2025 : hommage posthume à l'artiste libanais Ziad Rahbani    Houssem Ben Azouz : des indicateurs positifs pour le tourisme    Températures en baisse aujourd'hui, forte chaleur attendue en fin de semaine    Séisme de magnitude 5,1 au large des îles Salomon    À Oudhna : Walid Tounsi signe son retour sur scène lors de la première édition du Festival International des Arts Populaires    Supercoupe : Maher Kanzari salue un titre mérité malgré des lacunes à corriger    Robyn Bennett enflamme Hammamet dans une soirée entre jazz, soul et humanité    Chantal Goya enchante Carthage avec son univers féerique    Supercoupe de Tunisie – EST-ST (1-0) : Le métier des «Sang et Or»    Ahmed Jaouadi, Abir Moussi, Brahim Boudebala…Les 5 infos du week-end    Moez Echargui remporte le tournoi de Porto    Fierté tunisienne : Jaouadi champion du monde !    Au Tribunal administratif de Tunis    Najet Brahmi - La loi n°2025/14 portant réforme de quelques articles du code pénal: Jeu et enjeux?    Lotfi Bouchnak au festival Hammamet : Tarab et musique populaire avec l'icône de la musique arabe    Ces réfugiés espagnols en Tunisie très peu connus    « Transculturalisme et francophonie » de Hédi Bouraoui : la quintessence d'une vie    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    Mohammed VI appelle à un dialogue franc avec l'Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Miroir de l'invisible
Notre dossier
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 05 - 2010

La sociologie de l'art est problématique. Elle arrive toujours en boitant. Les évidences n'y sont pas toujours vraies. Et la vérité n'y est guère dans l'immédiate apparence.
Seul un imbécile s'y hasarde sans précautions. C'est que c'est une affaire de longue durée. L'événementiel n'y est que la politesse dissimulée d'une certaine latence.
Considéré sous cet angle, le théâtre ne cesse de surprendre. Il s'est imposé, dès les âges reculés, sous le label du signe avant-coureur, sinon du non-dit actuel, du moins d'un état à venir. Et on le découvre ainsi après coup. Hormis ses initiateurs et virtuoses — communément admis sous l'étiquette de "gens du théâtre"— personne ne pénètre aisément les arcanes de ses significations.
Depuis qu'Eschyle a inventé la tragédie grecque, vers 470-460 av. JC, le théâtre s'est inscrit au cœur des problématiques fondamentales de la cité. L'oppression et l'injustice étant partout, le théâtre a, depuis, partie liée avec leur corollaire obligé, la violence. La pièce d'Eschyle intitulée Les Perses avait mis en relief la violence collective de la guerre tandis que L'Orestie a croqué la violence intime de la famille.
D'Aristote à Brecht, en passant par Shakespeare, le débat ne s'est guère définitivement épuisé sur la manière de représenter la violence, son impact sur le spectateur et la responsabilité qui incombe au théâtre proprement dit.
Le monstrueux et l'effrayant
Il y a quelques années, le Festival d'Avignon a été littéralement ébranlé par la représentation d'une pièce du Britannique Edward Bond intitulée Naître. La mise en scène était d'Alain Françon, directeur du Théâtre national de la Colline à Paris. De nombreux spectateurs avaient quitté le spectacle. Ils ne pouvaient supporter la tension de certaines scènes éprouvantes. Comme celle où un personnage hésite longuement à tuer un bébé, avant de commettre le meurtre.
Le débat qui s'ensuivit est fort éloquent. Dans un article paru dans Le Monde, Fabienne Darge a écrit: "Mais qu'est-ce qui fait qu'un spectacle dépasse le seuil de tolérance?" Doit-on, pour parler de la violence, violenter le spectateur‑? Que produit cette violence dans la conscience de celui-ci ? Jean-Loup Rivière, professeur à l'Ecole normale supérieure de Lyon, fait partie des spectateurs qui ont quitté la représentation de Naître à Avignon. Pour s'en expliquer, il rappelle la distinction d'Aristote, qui sert depuis 2.400 ans de boussole au théâtre occidental: «pour Aristote, la tragédie a bien vocation à montrer des monstres en actes. Mais il établit une différence nette entre le monstrueux et l'effrayant, qu'il condamne. D'autre part, le monstrueux doit se trouver dans le texte, et pas sur la scène. C'est la différence essentielle entre la tragédie grecque, ou les pièces shakespeariennes, et certains spectacles présentés ces dernières années: la tragédie ne met pas sur scène l'horreur elle-même. La scène du théâtre antique est une scène où on parle. Le domaine "organique" de la douleur, de la destruction, est derrière le mur.»…Jean-Loup Rivière dénonce la «dramaturgie du constat et de l'effet» des dernières pièces de Bond. Elle impliquerait une «paralysie du système émotionnel et intellectuel», empêchant la catharsis d'avoir lieu : la conversion du sentiment d'effroi en sentiment de plaisir, permettant la compréhension des choses dans leur complexité" (V. Débat sur la violence au théâtre, Le Monde du 3-4 décembre 2006, p 24).
Le cercle privilégié des initiés
Autre vertu du théâtre, son sens inné de l'anticipation. Quelques auteurs ont poussé le genre aux extrêmes de l'art. Ainsi en est-il de Shakespeare, dont les drames historiques ont brossé les contours multiples de la naissance du tyran et du schéma médiéval de la chute des princes. D'où l'inextricable dilemme : la vérité est-elle dans la fiction ou dans l'histoire ? Ou bien celle-là présuppose-t-elle celle-ci ? Ne nous y trompons guère, les fresques historiques s'apparentent davantage à la réflexion sur le pouvoir et sa légitimité que sur autre chose.
Sous cet angle, le théâtre s'impose comme sondeur qualifié des transformations sociétales, qu'elles soient politiques, idéologiques, idéelles ou comportementales.
Et l'on ne s'étonne guère dès lors que la sociologie de l'art érige les dramaturges et les poètes au cercle privilégié des initiés, ceux qui voient venir les transformations radicales avant les autres. Presqu'en tout temps et en toute époque, des pièces de théâtre ont traduit l'éthos collectif. Elles ont même été annonciatrices de transformations non perceptibles. Des dramaturges ont ainsi campé le rôle du révolutionnaire aux premières loges des barricades et des enceintes de confrontation.
Dans tous les cas de figure, le théâtre officie comme un miroir reflétant les multiples profondeurs du champ du vécu. Il peut même être le miroir de l'invisible. Voire, la mémoire de ce qu'on n'a pas vu. Et c'est tant mieux.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.