Les entreprises françaises qui transfèrent des actifs vers leurs filiales étrangères ou seraient tentées de déplacer leurs sièges seraient soumises à «lexit tax» Les entreprises qui souhaitent délocaliser doivent réfléchir de façon approfondie en faisant les calculs d'usage avant de prendre la décision finale et vérifier où elles peuvent faire des bénéfices La Tunisie a longtemps bénéficié des bienfaits de la délocalisation des activités de certaines entreprises étrangères qui voulaient profiter des avantages préférentiels pour augmenter leurs chiffres d'affaires. En effet, le premier souci des chefs d'entreprise est de comprimer le coût de production en utilisant l'infrastructure de base et les équipements collectifs performants pour mener leurs activités dans les meilleures conditions. En outre, les investisseurs ont le droit de transférer leurs bénéfices vers leurs pays d'origine. La Tunisie profite également des effets bénéfiques de la délocalisation en termes de recrutement de la main-d'œuvre spécialisée, de transfert technologique et de dynamisation des activités de plusieurs autres entreprises sous forme de sous-traitance ou collaboration. Cependant, de nouvelles mesures seront prises en France, l'un de nos principaux partenaires, pour décourager les délocalisations d'entreprises, et ce, en imposant une taxe. Les autorités françaises sont bien conscientes que le transfert de la totalité ou d'une partie des activités vers d'autres pays ne contribue pas à la création d'emplois dans le pays. Au contraire, de nombreux travailleurs sont licenciés, après plusieurs années de travail, par l'entreprise qui compte délocaliser. Le problème du chômage qui est mondial nécessite des solutions immédiates et chaque Etat innove pour sortir de la crise. Et ce sont les pays émergents qui risquent de payer cher la facture, surtout si d'autres pays européens se mettent à taxer les entreprises qui délocalisent leurs activités. Taxe imposée aux plus-values latentes Certes, l'Union européenne a déployé des efforts importants au cours des dernières années —en accordant des fonds, des facilitations et en mobilisant les experts— pour aider les pays émergents, dont la Tunisie, à améliorer les structures de l'emploi et à mettre à niveau les entreprises. Le programme de voisinage a également prévu plusieurs actions pratiques qui ont profité aux pays émergents. Mais la nouvelle mesure risque de pénaliser ces mêmes pays qui souffrent d'un accroissement sensible du chômage. D'autant plus que les entreprises qui transfèrent des actifs vers leurs filiales étrangères ou seraient tentées de déplacer leurs sièges seront soumises à «lexit tax», une taxe imposée aux plus-values latentes sur cinq ans. Le projet de loi de finances rectificatif français comprend, en effet, des dispositions de lutte contre la fraude fiscale. Autant dire qu'au niveau de la Tunisie —comme c'est le cas pour tous les autres pays émergents à la recherche d'investisseurs étrangers—, il est nécessaire de tenir compte de cette nouvelle disposition dans la liste des avantages préférentiels qui ont été élargis pour toucher, en plus des ressources humaines, l'infrastructure de base, les équipements collectifs, les technologies de l'information et de la communication, la maîtrise de l'énergie, les facilitations et la simplification administratives... De nouveaux défis doivent donc être relevés pour atténuer, un tant soit peu, les nouvelles mesures prises ou à prendre de l'autre côté de la Méditerranée. Rappelons que le texte français actuel prévoyait une taxation immédiate de la plus-value sur les actifs transférés. La Cour de justice européenne a jugé ce texte contraire au droit communautaire, et ce, dans deux affaires concernant le Portugal et les Pays-Bas à la fin de 2011 et au début de cette année. D'où la décision de rectifier le texte en vigueur pour permettre aux entreprises de s'acquitter de l'impôt dû sur les plus-values latentes sur la période indiquée. Les entreprises qui souhaitent délocaliser doivent donc y réfléchir de façon approfondie en faisant les calculs d'usage avant de prendre la décision finale et vérifier où ils peuvent faire des bénéfices. Face à cette mesure qui peut être considérée comme restrictive, le climat des affaires en Tunisie, au lieu de s'améliorer, connaît depuis quelques mois une dégradation sensible notamment au niveau des troubles sociaux qui ne favorisent pas l'investissement national et étranger. La Tunisie peut devenir au cours des prochaines années un site d'investissements directs étrangers et un carrefour technologique, à condition de savoir résoudre les problèmes en suspens et particulièrement les problèmes sociaux et sécuritaires et en améliorant la visibilité économique et politique pour favoriser la stabilité et la durabilité du développement.