Par Abdelkader KACEM(*) La Tunisie a fait une révolution distinguée dans le calme et la civilité qui a surpris le monde entier, mais elle semble s'éloigner des nobles objectifs nécessaires pour instaurer un Etat de droit prospère qui regroupe l'ensemble des citoyens dans un cadre démocratique donnant à chacun ce dont il mérite sur la base de critères objectifs sans insistance, ni affrontement ni discrimination, ni insécurité. En effet, la nation historiquement respectueuse, appliquée, paisible et docile risque de glisser vers la division source d'opposition, de conflit et de dégâts. Il devient aujourd'hui inquiétant de constater des affrontements, des divergences sur tous les sujets pourtant préalablement résolus par la morale, le dialogue, la sagesse et la raison. La Tunisie, terre d'accueil et de respect, a été tout le temps chaleureuse, patiente et bien vivante à l'intérieur entre ses générations et à l'extérieur parmi les nations, travailleuse et bien appréciée pour son ouverture, sa sympathie, sa tolérance et son dynamisme naturel. Aujourd'hui, nous avons le devoir de l'engagement civilisationnel, moral et démocratique pour garder l'aspect fondamental de l'unité, de la solidarité, de l'entraide et la collaboration d'une nation équilibrée qui travaille laborieusement pour l'amélioration de sa condition de vie, l'équilibre régional, la sécurité, la stabilité et l'intérêt mérité et partagé de tous les Tunisiens, indépendamment de leur origine ou classe sociale. Cela est tributaire de notre volonté de pardonner les erreurs antérieures, d'oublier le passé, quels que soient les problèmes, et d'avancer sereinement vers l'avenir confiant moyennant la mise en place des institutions, des organisations, des lois, des principes et des règlements qui veilleront au respect de l'ensemble des Tunisiens et contraignent tout un chacun au travail bien fait, juste, respectueux, sérieux et irréprochable. Qu'en est-il de notre destinée? En fait, nous sommes tous incapables de choisir notre destinée et notre avenir en dehors des circonstances, de l'aide divine et du hasard. La vie d'un être humain est riche de surprises indépendantes de sa volonté et des efforts accomplis. Dieu dit : «Vous êtes créés peuples et tribus pour que les uns connaissent les autres, le plus noble d'entre vous est, au regard de Dieu, le plus pieux». Nous sommes nés inégaux devant la nature. Personne ne choisit la famille dont il descend, son pays, sa situation matérielle, sociale et son avenir professionnel de façon évidente. Les circonstances, les conditions de vie, la chance et le destin y sont pour beaucoup. Les circonstances malheureuses mettent souvent les individus devant des situations qu'ils ne choisissent pas et qui peuvent forger leur carrière, leur avenir, indépendamment de leur volonté d'origine, pour les amener à faire des fautes et commettre des erreurs. Aujourd'hui, il n'est pas dans l'intérêt des Tunisiens, de leurs enfants et de leur pays d'accorder plus d'importance que nécessaire au règlement des fautes commises antérieurement par les autres pour les juger sévèrement avec vengeance et rancune. Cela risque de se retourner contre les intérêts nationaux, la croissance nationale, la stabilité du pays et la sécurité des citoyens. Cela semble affecter aujourd'hui l'entente des Tunisiens, leur solidarité et donner naissance à une division préjudiciable à l'ensemble de la nation. Sommes-nous infaillibles ? Qui d'entre nous n'a pas commis de fautes ? « Celui qui y échappe en parlera », dit le proverbe tunisien. En fait, si ce n'est pas moi, ça sera un ou plusieurs membres de ma famille. Certes, il peut y avoir de grosses erreurs, mais l'intérêt de la nation, son futur et l'avenir des générations imposent la réconciliation de l'ensemble des Tunisiens avec leur passé pour avancer vers l'avenir en l'absence de dégâts et avec le plus de garanties possibles. Nous souhaitons que les jugements connaissent une révolution pour unir l'ensemble de la nation en positivant l'apport de l'autre sur ses contributions constructives envers la nation et son peuple. Nous pensons que beaucoup de travail a été accompli en faveur de tous les Tunisiens. N'oublions pas que notre pays a été souvent cité en exemple. J'espère qu'on tient compte de cela et pas seulement des fautes. Je demande à chaque citoyen de se poser un instant sur le lit de mort. De s'imaginer qu'il vit le dernier instant de son existence. De commencer à faire les comptes. De se dire en quoi sa vie a été utile? Pour lui-même d'abord, pour ses enfants ensuite, pour son peuple et enfin au monde. Cela peut être utile maintenant avant le jugement final de se dire s'il a construit, répondu aux volontés divines ou au contraire s'il a détruit et, auquel cas, il a encore maintenant la possibilité de rectifier le tir et de demander pardon. En ces temps difficiles qui sapent notre optimisme pour un avenir à la mesure de notre solidarité historique, nous émettons le souhait que l'ensemble des Tunisiens enterrent les divergences d'aujourd'hui, à jamais, et ouvrent une nouvelle période pleine d'espoir, d'unité, d'entraide, de travail sérieux et d'entente. *(Cadre bancaire)