Longtemps assimilée à une caisse sociale ou autrement dit à ce que certains aiment appeler «la maison du bon Dieu», la Banque tunisienne de solidarité (BTS) a servi, à l'ère du régime déchu, de monture pour apaiser, en quelque sorte, les tensions politiques et sociales. Cet établissement financier à vocation sociale, disait-on, a donc permis de jeter de la poudre aux yeux là où les clignotants étaient au rouge du côté des classes sociales marginalisées. Il a également permis aux hommes forts du système de rendre service et de faire plaisir à certains malléables serviteurs. Aujourd'hui que les temps ont changé, bon nombre de Tunisiens, à commencer par les jeunes qui comptent monter des micro-projets, s'attendent à des prestations de qualité, loin des slogans pompeux et des phrases toutes faites, sans queue ni tête. La Banque semble avoir la conviction qu'il est temps de redémarrer sur de bonnes bases afin de migrer d'un néfaste amateurisme à un professionnalisme profitable à tous. C'est du moins ce que confirme sa direction générale. M. Mohamed Kaâniche, qui vient de débarquer à la BTS, affirme, dans cette optique, que la banque a besoin d'une profonde restructuration afin de mieux servir une cause nationale qu'est l'emploi. Cette restructuration devrait concerner, selon lui, les sources de financement, les méthodes d'exercice et le relooking de la Banque. «Il faut dire dans ce sens que j'ai décidé la formation de cinq groupes internes qui auront pour tâches de revoir toute la stratégie de la banque, d'identifier les carences et de proposer les issues et solutions possibles». La Banque compte, de surcroît, élargir ses activités et diversifier ses prestations pour devenir une vraie banque autonome permettant à ses partenaires d'avoir des comptes courants et d'épargne chez elle. L'autre avantage est de mettre à la disposition de ses clients des conseillers et des experts capables de les orienter et de les accompagner durant et après le lancement de leurs micro-projets. Important appui financier et plus de souplesse Comme l'a affirmé M. Kaâniche, la Banque tunisienne de solidarité vient de bénéficier d'un important appui financier, suite à la signature d'un contrat de rétrocession avec l'Etat tunisien pour bénéficier d'un crédit de la Banque islamique de développement. Le montant de ce crédit est estimé à 50 millions de dollars (près de 75 millions de dinars). Une source de financement qui vient s'ajouter à d'autres sources dont la Banque centrale, le Fonds national de promotion de l'artisanat et des petits métiers et le Fonds arabe de développement économique et social. L'objectif étant de réaliser une moyenne de financement s'élevant à 10 mille projets par an. Sachant que la BTS a accepté au cours des dix derniers mois 5 mille dossiers qui devaient créer 8700 emplois. Les projets en question sont répartis sur différents secteurs: 50% concernent le secteur des services, 23% les petits métiers, 23% l'artisanat et 4% l'agriculture. En observant les chiffres, l'on constate tout de suite la faiblesse du taux destiné à l'agriculture. Une question que M. Kaâniche voit autrement pour souligner que les 286 associations de développement dont 166 agréées et chargées de la gestion de lignes budgétaires pour le compte de la BTS consacrent 40% de leur budget au financement de projets agricoles. L'on compte, outre ces associations, une société anonyme d'un capital de 3 millions de dinars pour financer des projets dont le coût ne dépasse pas 20 mille dinars. La Banque, compte tenu des temps difficiles que traverse le pays, opérera avec plus de souplesse, et ce, suite à la décision récemment prise par le chef du gouvernement pour permettre de continuer à financer les associations qui ont réussi à recouvrir 70% au lieu de 80% de leurs avoirs. Plus de spécialisation, moins de carences La BTS compte se spécialiser davantage dans les micro-crédits afin de générer plus d'opportunités d'emploi. Pour ce faire, une convention vient d'être signée avec le cabinet international canadien Desjardins. Un cabinet de services financiers qui a pour mission de protéger les membres des caisses qui acquièrent des fonds de placement ou obtiennent une planification financière de l'un de ses représentants. Il le fait, entre autres, en s'assurant de la conformité des pratiques de ses représentants en épargne collective et de ses planificateurs financiers ainsi que du traitement des plaintes qui sont déposées contre l'un de ces derniers. Ces nouveautés s'avèrent sans doute salutaires. Toutefois, il convient de dire que la réussite d'un micro-projet ne dépend pas uniquement du financement et des garanties nécessaires, mais également, de bien d'autres facteurs. Notamment, une cartographie des régions, des fiches de métiers et des représentants régionaux connaisseurs du potentiel de chaque zone pour donner plus de chance à ceux que la chance a souvent trahie.