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Aucune violence n'est légitime, au nom de Dieu, de l'Etat ou du Peuple
Entretien avec : Fethi Ben Slama, psychanalyste
Publié dans La Presse de Tunisie le 08 - 12 - 2012

Attention, la désagrégation gagne du terrain tous les jours
Faute d'obtenir des réponses probantes des politiques, nous nous sommes tournés vers les spécialistes pour comprendre, expliquer, et autant que faire se peut, traiter cette violence qui s'est installée dans le pays, au vu et au su de tous, et avec l'encensement de certains qui ne s'en cachent pas d'ailleurs. Mais, le but de cet entretien avec Fethi Ben Slama n'est pas de désigner les coupables, mais de comprendre ce phénomène de la violence politique, qui a pris ces derniers mois un tournant effrayant, voire irréversible, dans notre pays.
Professeur de psychopathologie, doyen de l'UFR (unité de formation et de recherche) d'études psychanalytiques de l'Université Paris Diderot-Paris 7, Fethi Ben Slama est auteur de plusieurs essais, dont notamment La psychanalyse à l'épreuve de l'islam (Flammarion & Al-Saqi), et récemment : Soudain la révolution (Denoël/ Cérès). Dans cet entretien, le professeur développe la diversité conceptuelle entre « pouvoir», «force», «autorité» et «violence», et exposera les possibles répercussions, si ces notions se trouvaient à être confondues. Entretien....
Comment définir la violence politique? Est-ce la poursuite de l'élan révolutionnaire qui fut un épisode violent?
La violence politique est celle qui détruit la politique. La politique est le « vivre-ensemble » d'une population avec ses différences. La violence consiste dans l'usage de la puissance illégitime pour régler les conflits liés aux différences dans une société. Cette définition est simple, on peut bien sûr l'affiner et la compliquer, mais il n'y a pas lieu ici de le faire en Tunisie, les révolutionnaires ont été pacifiques, c'est leur répression qui a été violente. Le message profond que la révolution tunisienne a adressé au monde est bien celui d'un changement qui ne passe pas par la violence, mais par l'exigence des droits. C'est donc la violence qui est contre-révolutionnaire.
Comment expliquer les affrontements devant le siège de l'Ugtt ? Une situation normale dans une démocratie, ou une situation préoccupante?
C'est l'exemple même de l'usage de la puissance illégitime par un groupe qui prétend incarner ou représenter la révolution. Une bande d'individus furieux, se disant « comités de protection de la révolution», diffusent des discours et commettent des actes qui reposent sur la logique de la vengeance. Ils s'attaquent aux institutions et aux individus au nom d'un mandat que nul ne leur a donné qu'eux-mêmes. C'est de la terreur, ni plus ni moins. Il n'y a même pas lieu de se demander s'ils sont instrumentalisés ou pas. Tant qu'un gouvernement tolère de telles bandes, il se rend complice de fait de leurs exactions.
Faut-il s'attendre à une montée de la violence politique? Si oui, vers où va la Tunisie ?
Il faut analyser d'abord les sources de la montée de la violence. Il y a d'abord la fureur d'une partie importante de la population. Il n'est pas suffisant de traduire fureur par «ghadhab», c'est plus que la colère, c'est un «ghadhab» qui donne lieu au «hayajân». La fureur se produit lorsque des hommes estiment être spoliés de leurs droits, s'estiment victimes d'injustices et ignorés, voire manipulés. Ce sont là les causes de la révolution. Or, deux ans après, il n'y a pas d'atténuation de ces causes. La deuxième source de la violence provient de la confusion héritée de l'ancien régime, entre «pouvoir», «force», « autorité » et «violence». Le pouvoir, c'est l'aptitude à agir en ayant le consentement du plus grand nombre, c'est ce qui lui confère sa légitimité. La force est un instrument et non une fin. La violence intervient lorsque la force comme instrument sert l'exercice d'un pouvoir illégitime, au sens où le pouvoir ne s'appuie que sur une fraction de la population. Quant à l'autorité, c'est la capacité d'obtenir l'obéissance par l'argumentation, sans recourir à la force. Plus l'autorité se perd, plus il y a recours à la force. Si des dirigeants prétendent gouverner en confondant ces notions, ils produisent de la violence en se servant de l'Etat. Troisième source de violence présente dans certaines idéologies politiques en Tunisie, c'est l'idée d'une violence légitime». Cette idée a donné lieu à des catastrophes dans l'histoire de l'humanité. Aucune violence n'est légitime, que ce soit au nom de Dieu, de l'Etat ou du peuple. La notion de «monopole de la violence par l'Etat» par exemple est une conception fausse, en tout cas ne relève pas de la démocratie. L'Etat a le monopole de la force publique et non de la violence. Il n'a pas à s'autoriser la violence contre sa population, il use de la force publique dans un cadre légal, d'une manière proportionnée, en ultime recours, et doit être prêt à suspendre l'usage de la force à tout moment pour la négociation. Ce qui s'est passé à Siliana est très grave, il renoue avec la conduite du précédent régime. C'est une faute condamnable moralement et en droit. Une quatrième source de violence provient des actes et des discours qui détruisent le lien social. Il y a en effet, des actes antisociaux, telle que la délinquance sous toutes ses formes, y compris la délinquance économique. Les pulsions antisociales peuvent apparaître aussi dans un discours de guerre. Il suffit parfois d'un chef qui diffuse une conception qui repose sur la guerre comme principe général de l'existence sociale. Malheureusement, il en existe en Tunisie. Tant que ces quatre sources de la violence persisteront : fureur, confusion dans les notions fondamentales de l'exercice du pouvoir, idéologie de la violence légitime, actes et discours antisociaux, la Tunisie ira mal et probablement vers le pire.
Comment réagit l'opinion, y-a-t-il une condamnation morale sincère et unanime?
On dit que les Tunisiens dans leur grande majorité refusent la violence, mais nous connaissons beaucoup de peuples et beaucoup d'exemples dans l'histoire où des sociétés pacifiques et civilisées se sont vu entraîner vers la catastrophe. Laissons les pétitions de principes et la morale sur lesquels presque tout le monde est d'accord. Venons-en aux faits. Les Tunisiens sont en train de s'apercevoir qu'ils ont été trompés par un détournement de leur attention de leurs vrais problèmes, à travers l'excitation religieuse et identitaire, ainsi que la manipulation de groupes violents. C'est une tactique qui consiste à diffuser l'hostilité dans le pays, pour en dissocier les parties, en pensant ainsi mieux maîtriser l'ensemble par morceaux. Par exemple, l'exclusion de Tunisiens en bloc des prochaines élections, c'est-à-dire de leurs droits politiques sans passer par des actes de justice individualisée, est une procédure de destitution très violente. Il s'agit d'un usage illégitime de la puissance. Si cela se fait, ça aura des conséquences néfastes, y compris pour ceux qui voteront une loi inique à cette fin. Ceci étant, les raisons pour lesquelles la révolution a été faite sont en train de revenir au devant de la scène et je pense qu'ils ne la quitteront plus, même avec des provocations liées au sacré. Car le réel revient toujours à la même place, tant qu'il n'a pas été traité convenablement et ce réel est économique, social et politique. Les discours religieux et identitaires, au-delà d'une dimension symbolique nécessaire, tendent à gonfler l'imaginaire de l'agression par l'autre, autrement dit l'imaginaire paranoïaque.
Que faut-il faire de suite ?
Ecouter les derniers avertissements politiques et pacifiques que le peuple tunisien est en train d'adresser de plusieurs régions du pays. Il faut traiter les sources de la violence que je viens d'indiquer. La coalition qui est au pouvoir actuellement ne pourra pas le faire sans l'adhésion des autres forces politiques, d'autant que cette coalition est discordante et affaiblie, d'autant que la légitimité issue des élections est passée comme une comète, il n'en reste plus que la queue. Attention, la désagrégation gagne du terrain chaque jour. Nous savons que certains poussent au chaos, par exemple avec la notion de « tadâfu‘ », en pensant disposer d'une force organisée qui pourra s'imposer au milieu des troubles. C'est un discours de guerre. Il y a beaucoup d'analphabètes politiques, des apprentis sorciers, qui sont récemment apparus sur la scène publique en Tunisie, ils parlent beaucoup, ils diffusent l'ignorance, la confusion et dans certains, cas la haine.


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