Que peuvent faire les gauches arabes face à la bipolarisation partis islamistes-partis libéraux de droite qui caractérise la vie politique arabe, suite aux révolutions du Printemps arabe ? Le Pôle démocratique a proposé, hier après-midi, cette problématique à la discussion de ses militants et militantes ainsi qu'aux Tunisiens intéressés s'activant dans la grande famille de la gauche. Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique, a essayé, dans une communication, d'appréhender la problématique en faisant le parallèle entre les deux expériences tunisienne et égyptienne où Ennahdha et les Frères musulmans ont récolté, via les élections, les dividendes des révolutions du 14 au 25 janvier 2011. «Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces deux révolutions où les jeunes ont assumé un rôle majeur et ont fait montre de potentialités et de compétences que personne ne pouvait deviner qu'ils en disposaient, les élections n'ont pas permis à ces jeunes d'accéder à des postes de direction ou de responsabilité et c'est la vieille garde qui a tout raflé», n'a pas manqué de souligner le conférencier. «Maintenant que les islamistes se sont installés au pouvoir, poursuit-il, la gauche, qui a un problème de connaissance des islamistes, qu'ils appartiennent aux tendances modérées ou aux salafistes que plusieurs appréhendent comme étant dures, doit saisir que la stabilisation sociale et politique des sociétés du Printemps arabe passe inéluctablement par l'intégration des forces islamistes en tant que partie incontournable dans le nouveau paysage politique arabe dans les pays du Printemps». «On a beau dire et répéter que les islamistes usent d'un discours double mais qui parmi les hommes politiques, qu'ils soient de gauche ou de droite, n'use pas des mêmes méthodes, y compris dans les pays profondément ancrés dans la pratique démocratique. Les gauches accusent les islamistes de ne pas disposer d'un programme politique, social et économique mais elles oublient que les partis de gauche n'en ont pas eux aussi», précise encore Alain Gresh. Ceux qui ont voté pour les islamistes, les portant au pouvoir, ceux qui ont renversé les dictatures de Ben Ali et de Moubarak vont-ils refaire le même coup lors des prochaines élections ? Voilà la question à laquelle doivent répondre les gauches arabes. Pour Alain Gresh, l'installation d'une dictature religieuse «est peu probable et les partis de gauche se doivent de se mobiliser en développant des approches de terrain et en proposant des programmes pratiques à la mesure des besoins réels des populations, plus particulièrement dites privées de développement ou marginalisées». Au final, le directeur adjoint du Monde diplomatique se dit convaincu qu'il existe «encore des perspectives pour que le Printemps arabe ne se transforme pas en hiver. Seulement, ces perspectives ne sont pas destinées d'avance mais quelque part, elles demeurent entre nos mains, c'est-à-dire chez les gauches appelées, plus que jamais, à tout faire pour éviter la guerre des religions qui plane sérieusement sur les sociétés du Printemps arabe».