«Le système pénitentiaire tunisien: réalité et perspectives», tel est l'intitulé de la conférence internationale qu'organise le ministère de la Justice avec le concours du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle et dont les travaux se sont ouverts hier, pour se poursuivre jusqu'à aujourd'hui. Cette conférence implique également le partenariat de la Fondation allemande pour la coopération juridique internationale (IRZ), la contribution de l'Organisation internationale pour la réforme pénale (PRI), de l'Agence espagnole de la coopération internationale pour le développement (Aecid) ainsi que le concours du Comité international de la Croix-Rouge (Cicr). Ministres tunisiens, ambassadeurs, magistrats, avocats, juristes, membres de l'Assemblée nationale constituante ont pris part à la journée inaugurale de cette conférence placée sous le haut patronage du chef du gouvernement, M. Hamadi Jebali. «Pourquoi cette conférence maintenant? Pourquoi pas avant?», note M. Nourredine Bhiri en prélude de son allocution de bienvenue, en précisant que cette conférence n'est qu'une étape qui s'inscrit dans la politique réformiste que compte mettre en place le gouvernement pour améliorer les services pénitentiaires tunisiens qui souffrent, entre autres, de problèmes d'infrastructure, de législation et de surpeuplement. Volonté de réforme «Cette volonté de réforme ne se limite pas aux aspects juridiques, législatifs et financiers mais met en jeu la contribution de toute une société qui doit prendre conscience que le détenu est un citoyen tunisien à part entière», ajoute le ministre, en relevant que cette volonté doit impliquer la participation de toutes les parties sociétales en misant sur une bonne coordination entre les différents acteurs. Cette réforme ambitionne de hisser les centres pénitentiaires aux normes internationales, de garantir de bonnes conditions de détention pour les prisonniers et de leur offrir un service d'accompagnement pour garantir leur réintégration dans la société. Il est question aussi de revoir les conditions des détenus en cours de jugement et qui souffrent énormément en attendant leur verdict. Le chef du gouvernement a parlé, de son côté, de la promesse qu'il avait faite à ses camarades de prison avant d'être libéré en 2006, celle de militer pour les droits des détenus, surtout les condamnés à mort qui ne jouissent même pas du droit de visite. «Il est nécessaire d'instaurer une nouvelle génération d'institutions qui mettraient l'Homme au centre de leurs préoccupations», poursuit ce dernier, en relevant que le programme de réformes se base sur deux grands axes : une réforme universelle qui met le point sur le cadre sociétal et une réforme participative qui implique le rôle de la société civile. Les prisons, déclare-t-il, ne doivent plus être considérées uniquement comme des lieux de détention mais plutôt des lieux d'accompagnement qui assurent la réintégration du détenu et évitent les cas de récidive. «Il est primordial d'assurer des conditions dignes pour le détenu et sa famille, mais également pour les agents pénitentiaires», conclut ce dernier. Droit à un emploi digne M.Thomas Dittman, directeur de la direction générale du droit pénal au ministère fédéral de la Justice allemande, a parlé, de son côté, de l'exemple de l'Allemagne dans la politique carcérale. «La Constitution allemande accorde beaucoup d'importance à l'homme, à la dignité humaine et aux libertés individuelles. Cela se reflète dans tous les domaines, notamment dans la législation et dans nos centres pénitentiaires où le détenu a droit à un emploi digne», déclare-t-il. Il souligne que l'emprisonnement n'est pas toujours une solution optimale et que d'autres substituts et alternatives tels que les amendes et les travaux d'intérêt public peuvent être de bonnes solutions, en précisant que cela se reflète d'une manière très positive sur la société allemande. Il a mis également le point sur la responsabilité des hommes de loi et des juges quand il s'agit surtout de rendre des sentences dans le cas de jeunes délinquants qui présentent une situation bien spécifique. M. Dittman a parlé également de l'importance de la formation et de l'accompagnement du détenu pour le préparer à sa mise en liberté. «Un détenu doit être considéré comme un individu à part entière de la société et doit être traité en tant que telle. Les organisations gouvernementales et non gouvernementales doivent coopérer étroitement pour assurer cela», conclut ce dernier. M. Dirk Mirow, directeur général de la Fondation allemande pour la coopération juridique internationale (IRZ), a parlé de la coopération tuniso-allemande pour la réforme du système carcéral tunisien. En effet, des ateliers se sont tenus dans ce sens début 2012, organisés avec le ministère de la Justice et d'autres institutions nationales qui portent sur l'exécution des peines et les conditions des prisons tunisiennes. Des visites des prisons dans les pays respectifs ont permis de dresser un parallèle enrichissant. Réforme politique et sociale La séance d'ouverture de la conférence s'est clôturée par l'intervention de Mme Tagreed Jaber, directrice du bureau d'Amman de l'Organisation pour la réforme pénitentiaire de Jordanie, qui a insisté sur l'importance de la réforme du système politique et social, seule garante d'une éventuelle réforme du système carcéral. Une voix criant à la supercherie n'a pas échappé à l'audience, celle d'un homme prétendant avoir partagé la geôle de Hamadi Jebali et notant une profonde déception quant à la manière dont ce dernier a géré la réactivation de l'amnistie générale. En sit-in depuis quelques jours devant le siège du Premier ministère, ce dernier souligne l'indifférence du chef du gouvernement qui n'a pas daigné recevoir les sit-inneurs. Les travaux du deuxième jour de cette conférence internationale s'articuleront autour de six ateliers de travail: la surpopulation carcérale, l'infrastructure du système pénitentiaire et sa restructuration, la révision des modalités de recrutement et de formation des agents pénitentiaires, la santé carcérale, les programmes de réhabilitation et de la préparation à la mise en liberté et la réinsertion des détenus.