Graves accusations à l'encontre du parti Ettakatol Nourreddine Bhiri conforté à la tête du ministère de la Justice Samir Annabi, l'alternative Jusqu'à hier soir, les positions des trois alliés au pouvoir n'étaient pas tout à fait tranchées quant au remaniement, objet d'une grave discorde. Toujours est-il que, après une agitation chronique, le parti présidentiel, CPR, retrouve un semblant de calme. En revanche, entre Ennahdha et Ettakatol, l'orage a éclaté, et ce n'est pas une simple querelle d'amoureux, ils sont au bord de la séparation. Voila pourquoi.... Le congé de maladie du chef du gouvernement a mis un frein forcé aux tractations sur le remaniement, tour à tour annoncé et reporté. Ceci n'a pas empêché les spéculations de se poursuivre. D'autant plus que la conférence de presse qu'avait donnée Hamadi Jebali, samedi, a posé un problème auquel il n'a pas su répondre : sur quoi les négociations ont-elles buté ? Nous avons posé la question à des sources proches du Mouvement Ennahdha ; Il se trouve que le poste si convoité de ministre de la Justice est la principale source de brouille entre le couple Ettakatol-Ennahdha. Tant et si bien qu'un fracassant divorce menace de rompre une alliance fructueuse mais qui aura été de courte durée. Habituellement conciliant, le parti de Ben Jaâfar tient farouchement tête cette fois-ci et le fait savoir, en voulant la peau de Nourredinne Bhiri, coûte que coûte. Il emploie pour se faire entendre les grands moyens, allant jusqu'à menacer de faire imploser le foyer de la Troïka, si jamais son vœu n'était pas exaucé. Ettakatol accusé d'inciter le ministre de la Justice à enterrer des affaires en cours» ! Ennahdha, de son côté, malgré les apparences d'assouplissement, se démène pour garder sous sa coupe les ministères de souveraineté. Seulement voila, le maintien d'Ali Laareydh, à la tête de l'Intérieur semble faire consensus au sein de la Troïka, précision ! La révocation de Rafik Abdesselm, revendiquée par le CPR, est pour le moins consentie, pour, non pas céder le ministère des Affaires étrangères, mais y placer, Samir Dilou, un des illustres lieutenants. Nourredinne Bhiri, en revanche, posté stratégiquement à la tête du ministère de la rue de Bab Bnet est soutenu par son parti, visiblement, quoi qu'il arrive. Et ce, au grand dam du président de l'ANC et des siens, étrangement jusqu'au-boutistes ! Pourquoi exigent-ils absolument le départ de M. Bhiri? s'interroge une source, sous le sceau du secret. C'est parce qu'on lui a demandé d'enterrer des dossiers en cours d'instruction de quelques proches du parti Ettakatol et que M. Bhiri a refusé. On reproche au ministre de la Justice son interventionnisme. Curieusement, c'est qu'on lui demande de faire. Ils veulent protéger les leurs. Et nous ne dirons pas plus. Mais il faudra demander à Ettakatol l'origine de cette entêtée revendication. Il faut que l'opinion publique sache, continue notre source sur sa lancée, que les deux partis tiennent absolument à garder leurs portefeuilles et négocient seulement le départ des ministres nahdaouis !» Accusation grave, que Mouldi Riahi, interrogé par nos soins, réfute en bloc, en ajoutant qu'il se refuse de répondre à ce genre de surenchères. Selon le président du groupe parlementaire d'Ettakatol, la coalition gouvernementale doit être élargie pour avancer «sereinement» vers la promulgation de la Constitution, et pour «réussir cette phase délicate de transition». Il est primordial, a-t-il insisté, que la stabilité du pays soit préservée. Ce sont des décisions mûrement réfléchies, continue de déclarer fermement à La Presse M. Riahi, et nous considérons que le consensus est incontournable pour faire valoir les intérêts de la nation, et garantir le succès du processus dans sa phase ultime. Mais tout le monde sait aussi qu'Ettakatol assume toujours la responsabilité de ses choix», conclut-il sans équivoque. Risque de répudiation publique Nous croyons savoir par une autre source que l'actuel président de l'instance nationale de lutte contre la corruption, Samir Annabi, est le candidat d'Ettakatol à la tête du ministère de la Justice. C'est une personnalité indépendante dont personne ne peut mettre en doute la compétence et l'intégrité, nous dit-on, encore. Tout compte fait, si jamais le blocage persistait, la liste définitive de la formation gouvernementale serait soumise d'ici peu à l'ANC pour vote. Il faut savoir que la majorité absolue de 50% plus une voix est largement acquise pour Ennahdha, du fait des accointances des indépendants. Il faut savoir aussi que détenteur d'un plein pouvoir, rien dans la petite Constitution n'oblige Hamadi Jebali à revenir à l'ANC. Toutefois, par ce passage en force, annoncé à mots couverts à la conférence de presse, le chef du gouvernement tient apparemment à garder plus ou moins intacte sa légitimé. Il faut savoir, enfin, que le fait de recourir à un vote de la Constituante ressemble à une répudiation publique d'Ettakatol. L'allié d'hier serait-il désavoué du fait de son non-alignement ? Ben Jaâfar sera-t-il maintenu à la tête de l'ANC ou expulsé sans ménagement de la maison ? Menace miroitée au président de la République, souvenons-nous, dans une situation similaire. Ettakatol est prêt à jouer le tout pour le tout, jusqu'à se retirer du gouvernement et de la présidence de l'ANC ? Quoi qu'il en soit, toutes les conditions sont réunies pour une banqueroute politique générale devant un peuple spectateur et impuissant. Qu'il ait lieu ou pas, le remaniement a perdu son charme, son sens, et, tout porte à croire, son impact aussi. Un goût de raté le devance. Et pour cause, le parti majoritaire voulait tout, tout à la fois : satisfaire les alliés, élargir la coalition, garder les postes clés et exclure Nida Tounès. Cela a abouti à un marasme inextricable, dont l'opposition, après avoir décliné poliment les alléchantes propositions, semble seule s'en être sortie renforcée. Moralité de l'histoire, ce n'est pas faute de tout vouloir, mais fallait-il encore hiérarchiser le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière.