Froid polaire en ce dimanche 24 février sur la colline de Carthage. l'Acropolium est archicomble, debout, le public est ravi, un tonnerre d'applaudissements, des bravos et des encouragements saluent l'opéra Viva Verdi. C'est l'année Guiseppe Verdi, le bicentenaire de sa naissance. Dans les villes européennes, le monde lyrique et musical célèbre cet incontournable anniversaire. L'Institut culturel italien n'est pas en reste, il présente une soirée en hommage à celui qui symbolise la révolution, l'Unité italienne. Verdi ou l'âme du romantisme, à lui seul, il représente l'opéra dans sa splendeur, dans sa lutte pour sa liberté. Sous cet angle et à d'autres égards, le Tunisien d'aujourd'hui peut s'identifier à l'immense compositeur. Il suffit de penser à la phrase Va pensiero de Nabucco qui dit «Par la pensée, nous resterons libres». Pourquoi Viva? C'est en référence aux slogans des Italiens qui entonnaient Viva Victor Emmanuel Roi d'Italie, un cri contre l'occupant autrichien, époque héroïque transposée par le grand compositeur d'opéras, dont les airs ont atteint avec grâce les couches populaires. Retour sur scène. Le programme est composé d'un florilège des plus célèbres opéras de Verdi, La Traviata, Un extrait d'Aïda, Don Carlos, Trovatore, Ballo de Maschera, les Vêpres siciliennes, et des extraits de Rigoletto. De quoi contenter l'amateur et les connaisseurs italiens et étudiants en musique venus nombreux. Contenter c'est peu dire, puisque les chanteurs sont tunisiens, qui plus est, sont lumineux, impressionnants. Entrée de la soprano Yosra Zekri, elle campe le rôle de Violetta, «Pura si come un angelo», pas besoin de traduire, sa robe blanche, sa voix cristalline, ses gestes tendres expriment ce morceau de La Traviata, le baryton Haythem Hadhiri en Germon, nœud papillon et costume gris, l'accompagne, échange de lamentos, la pianiste Toyoko Azaïez qui accompagne tout le spectacle est en parfaite adéquation avec les voix, elle pousse la pédale, embrase les cordes, et s'adapte aux passages modérés et aux amortissements des voix. Attaque réussie, le public réagit. Belle paire issue de l'Institut supérieur de musique, qui, à notre avis, prend de la voilure, elle, se présente parfois sur les scènes de France où elle parfait sa formation, lui, creuse son chemin sur les scènes d'Italie. Une voix sonne, en costume d'époque, chemise et gilet, le ténor Nicholas François, incarne Alfredo, il arrive et commence «Lungi da lei», La Traviata, bras en l'air, souffle long et expressions de douleur. Yosra Zekri revient, elle est applaudie, seule, elle reprend Violetta «Estrano» et assume ce personnage déchiré avec forte conviction. Pour rappel, Violetta est Marguerite Gautier, la courtisane phtisique tirée de La Dame aux camélias de Dumas fils. D'Aïda à Rigoletto Voyage en Egypte chez le khédive, l'esclave Aïda entonne «Ritorno vincitor», la soprano, Amani Ben Tara, s'empare du rôle, elle s'applique sans trop bouger. Aïda pour l'amateur c'est les Vulcain, la fureur, la marche des trompettes et les fortissimos assez bien rendus par Amani. Passage à Don Carlos, La Mort du Marquis de Posa, «O Carlo ascolta», Haythem Hadhiri excelle, affronte son destin avec conviction, des gestes et expressions appropriés, résultat d'un long travail. Nous sommes en Aragon, au Palais d'Aliaferia, luttes entre nobles et gitanes. «Tacea la notte placida» extrait du Trovatore, merveilleusement exécuté par Henda Ben Chaâbane, elle monte en souffle sans efforts notables, maitrise de ses cordes vocales, à chaque respiration, elle charge le ton de douleur. Et ça continue avec beaucoup de bonheur, l'air de la Duchesse Elena des Vêpres siciliennes par Henda Ben Chaâbane, un air de Gilda «Caro nome» tiré de Rigoletto chanté par Yosra Zekri. Henda Ben Chaâbane et Haythem Hadhiri dans le «Finale» de Rigoletto et bien sûr l'inévitable «La Donna è mobile» par Nicholas François. On fait monter sur scène l'infatigable Hristina Hadjieva, la très discrète et directrice artistique. Le public, apparemment conscient du manque d'héritage en matière d'opéra, reconnaît, la volonté, les talents des chanteurs et leur immense rôle. Pour leur montrer sa reconnaissance, il donne de la voix avec des bravos, de longues acclamations et des compliments.