«A qui appartiennent les vrais pouvoirs en Tunisie ? Aux institutions de l'Etat ou à Rached Ghannouchi qui gouverne dans l'ombre ? » La question qui résume depuis des mois l'opacité et l'ambiguïté du paysage politique et le climat d'insécurité dans le pays, est posée avec plus d'acuité que jamais après l'assassinat de Chokri Belaïd. Les résultats des investigations publiés sur le site Nawaat, les révélations des journalistes Soufiane Ben Farhat et Zied El Héni confortent, avec plus ou moins de détails, la thèse de l'existence d'un corps de police parallèle et d'une liste nominative d'assassinats politiques, sous les ordres du parti Ennahdha via les ligues de protection de la révolution. Info ou intox, la rumeur selon laquelle cette organisation serait la première suspecte dans l'assassinat du leader de gauche ne fait qu'accentuer chez le reste de la classe politique et l'opinion l'urgence de mettre le ministère de l'Intérieur en tête des départements régaliens à confier aux mains de compétences indépendantes. Raisons : «Rétablir toute la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaïd, sur les évènements du 9 avril, de Siliana, du 4 décembre 2012 devant l'Ugtt, sur le meurtre de Lotfi Nagdh, sur toutes les armes saisies, les arrestations sans lendemain, et les violences non élucidées...» Au lieu de calmer les attentes comme prévu, les premières révélations, jugées incomplètes et manipulées, du nouveau chef du gouvernement sur l'assassinat n'ont fait qu'attiser la soif de vérité et aggraver la crise de confiance. En définitive et au-delà des conjonctures, il s'agit surtout de crédibiliser les institutions et les appareils de l'Etat contre le nouvel ordre sécuritaire en cours : celui des salafistes, des miliciens et autres gardiens autoproclamés de la révolution.