Comment peut-on être économiste, musicien, compositeur, et réussir brillamment dans des disciplines aussi diverses ? C'est une des questions auxquelles Jalloul Ayed, ex-ministre des Finances du gouvernement de transition, a répondu dans son livre. Mais cet amoureux d'Hannibal, auquel il consacre une symphonie, répond également à de nombreuses autres questions dans un livre récemment paru aux éditions La Différence : Tunisie, la route des jasmins. Son jasmin à lui, remarquez-le, est multiple. Comme ces multiples visages de la Tunisie qu'en bon analyste, il s'attache à découvrir et présenter, reprenant à son compte le mot d'espoir d'Hannibal— encore lui—« Nous trouverons le chemin... ou nous en créerons un». Né au sein d'une famille modeste, traditionnaliste et conservatrice à la fois, son grand père, cheikh du village, le grondait en français pour l'obliger à ne parler qu'arabe à la maison. A huit ans, on lui offrait son premier piano, et il découvrait, très tôt, que «la musique n'est pas seulement un loisir, mais un mode de construction de sa propre identité». Le chemin de Jalloul Ayed l'avait mené loin de Tunis, sur les chemins de la finance internationale. Le 28 janvier, il répondait présent à l'appel du nouveau gouvernement, et se retrouvait ministre des Finances d'un gouvernement transitoire confronté à tous les défis et à tous les dangers. Fier de pouvoir rendre à son pays tout ce que celui-ci lui avait apporté, il s'engage dans cette aventure pour une expérience que l'on s'accorde à juger des plus honorables. C'est une analyse rétrospective de la révolution tunisienne que fait Jalloul Ayed, après avoir repris le recul nécessaire, mais aussi après avoir mis la main à la pâte. Ce n'est pas une réflexion purement intellectuelle, mais celle de quelqu'un qui s'est immergé dans l'action à un moment crucial. Et qui a eu à répondre aux questions essentielles: comment gérer les crises et assurer la transition, comment consolider la démocratie, comment initier la réforme de la justice, comment reconstruire les relations diplomatiques et s'inscrire dans le «système monde» ? Toutes questions, il faut le dire, demeurent, à ce jour, sans réponse. Et puis, sans se vouloir donneur de leçons, Jalloul Ayed propose, en se basant sur le cas de la Tunisie, une troisième voie où l'économie et la finance sont mises au service du peuple, sortant des cadres idéologiques et dogmatiques. Achevant son ouvrage sur la nécessité de l'éveil culturel, et celle de l'instauration d'un nouveau paradigme de l'emploi et du développement, Jalloul Ayed conclura en ces termes : «En cette période d'incertitude et d'anxiété... il n'y a qu'une seule réponse qui s'impose: l'Union Nationale. Et si un jour, par malheur, nous nous écartons du droit chemin, espérons qu'une Kahena ou un Hannibal des temps modernes surgira des ténèbres pour nous remettre sur la bonne route».