Des députés appellent à une révision urgente du Code des collectivités locales    Crise à Tunisair : limogeage et nouvelle réorganisation annoncés    Accord de Gaza : Le Hamas exige que trois changements soient apportés    Etats-Unis : la tempête tropicale Chantal en approche de la Caroline du Sud    Staff technique – l'USM tourne la page : L'après-Benzarti a débuté    L'attaquant de l'Espérance de Tunis, Rodrigo Rodrigues, refuse de revenir au championnat brésilien    La date du match amical entre Al-Ahly et l'Espérance de Tunis enfin fixée    Construction sans permis : des élus proposent des amendes allant jusqu'à 700 dinars le m2    Le ministère du Transport limoge et remplace pour relancer Tunisair    Béja : Alerte sur la consommation de certaines sources naturelles    Non-lieu en faveur de l'ex-ministre Samir Saïed    Nabeul envahie par la cochenille : « même nos maisons sont touchées »    Nouvelle vague de répression en Turquie : des maires du principal parti d'opposition arrêtés    Sécurité et terrorisme : Tunisie et Japon renforcent leur coopération à Tokyo    Affaire "complot 2" : audience reportée au 8 juillet pour prononcé du jugement    Récolte céréalière : Plus de 9 millions de quintaux déjà collectés en Tunisie    Un séisme de magnitude 5,4 frappe le sud du Japon    Centres de collecte des céréales: prolongation du délai pour bénéficier de la prime exceptionnelle de livraison    Tsunamis, séismes, volcans, courants en Méditerranée : démêler le vrai du faux    Orages attendus samedi après-midi dans certaines régions    Vers la reconnaissance internationale de la qualité des médicaments et vaccins en Tunisie    Découvrez la programmation complète du Festival de Bizerte 2025    Cessez-le-feu à Gaza : le Hamas prêt à discuter d'une trêve supervisée par Washington    Décès de Chawki Gaddes, figure majeure du droit public et de la protection des données en Tunisie    Tunisie Telecom et l'Etoile Sportive du Sahel renouent leur partenariat stratégique autour de la marque Etoile Mobile    Législatives partielles à Tozeur : huit candidatures déposées    La BIAT renforce le développement à l'international des entreprises tunisiennes grâce à une garantie de 50 millions de dollars accordée par la BAD    Météo en Tunisie : apparition de nuages denses accompagnés de pluies sur les zones du nord et centre    Enactus TBS sacré champion de l'Enactus Tunisia National Exposition pour la 3ème fois et se rendra à Bangkok    Entrée gratuite aux musées tunisiens et sites historiques de Tunisie ce dimanche    Enfants à la plage : une proposition de loi sanctionne les parents négligents    PGH détient désormais près de 30% du capital de SAH-Lilas via JM Holding    Décès de Hamadi Hachicha : un grand pionnier des assurances en Tunisie    Les portes de l'enfer s'ouvrent au paradis : De l'épître du pardon d'Al- Ma'arrî, de la divine comédie de Dante    Festival de Hammamet : tolérance zéro contre la revente illégale    Le Festival international de Bizerte lève le voile sur les premières têtes d'affiche de sa 42e édition    Où étudier en France en 2025 ? Le top des villes pour les étudiants tunisiens    Diogo Jota est mort : choc dans le monde du football    Projet FEF Horizon Recherche : Vers une évaluation renforcée de la recherche scientifique en Tunisie    Glissements de terrain à Sidi Bou Saïd : Lancement d'un plan d'urgence    Nucléaire : l'Iran suspend officiellement sa coopération avec l'AIEA    Spinoza, Dieu et la nature à l'épreuve du Big Bang: vers une métaphysique cosmique    Tournoi scolaire de football 2025 : l'école primaire Al Mansourah à Kairouan remporte la finale nationale    Décès de Mrad Ben Mahmoud : Un photographe de grand talent nous quitte    Il ne fait rien... et pourtant il est payé : le métier le plus déroutant du monde    Vient de paraître - Paix en Palestine: Analyse du conflit israélo-palestinien de Mohamed Nafti    Wimbledon : Ons Jabeur contrainte à l'abandon après un malaise sur le court    Wimbledon 2025 : Ons Jabeur face à Viktoriya Tomova au premier tour    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Procès et processus
Théâtre : Première de Engrenage de Lamjed Béji
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 03 - 2013

Ils sont trois : un huissier, un ancien ministre et un commerçant. Cette trilogie s'articule autour d'une inspiration très symbolique, celle des personnages kafkaïens...
La spirale du monde représente une roue sous forme de machine dont le processus est très créatif ; elle est synonyme d'un engrenage formidable. Ainsi, le progrès entre dans ce jeu éternel ; la déconstruction de ce qui précède est significative, puisqu'elle encourage tout ce qui est nouveau et subversif afin d'inventer plusieurs mondes dans un seul univers. En Tunisie, la coquille de la société est également un micro-monde formé d'un ensemble de personnes représentant des classes sociales bien déterminées, étant dotées d'une fonction (publique) qui pourrait expliquer leur nature et leur appartenance. Mais n'est-ce pas la coexistence de ces personnages qui crée et constitue l'ossature de la société ? S'inspirer d'eux ne peut être que prolifique et débordant de générosité et d'humanisme. Il suffit de sonder la psychologie et scruter les comportements de chaque personne pour prouver que l'art détient un rôle noble, celui de mettre à nu ces êtres qui ne sont, en fin de compte, qu'une projection de la société dans laquelle nous vivons. Cet art est le théâtre qui prétend placer l'œil de l'observateur sur l'esprit de ces personnes.
Le nouveau monodrame de Lamjed Béji, Engrenage, donné en première, à la Maison de la culture Ibn-Rachiq, nous présente, justement, une palette de personnages drôles et mesquins, ce qui n'efface pas leur simplisme, sur les bords. A travers cette pièce, le metteur en scène a voulu dire aussi que ces gens-là vivotent dans la coquille de notre famille, de nos amis; ils demeurent dans les bureaux, dans les casiers de nos têtes, dans les carniers lourds de nos cœurs. Mais comment s'en débarrasser? N'est-ce pas le théâtre qui se déclare thérapeutique et cathartique ?
L'accusé, malgré lui...
Le monodrame, interprété par le comédien Haïthem Lamouchi, met en scène des personnages auxquels la fonction (publique) est collée jusqu'à la moëlle. Ils sont trois : un huissier, un ancien ministre et un grand commerçant. Cette trilogie s'articule autour d'une inspiration très symbolique, celle des personnages kafkaïens.
Le metteur en scène a choisi d'inspecter le lieu et le milieu social à travers le personnage de l'huissier. Avec celui-ci, on voit que la justice et les procès sont remis en question. Vêtu d'un manteau beige délavé et terni par un entourage médiocre, ce fonctionnaire n'est que la somme d'une gibecière bourrée d'infamies et d'insultes qui déshonorent son métier. Subordonné à un système hiérarchique dont l'oppression est supérieure, il se fait tout petit, ne comprend pas pourquoi il est humilié, pourquoi on tente de l'effacer. Pourtant, ce sont les règles du système : un système déréglé où le fonctionnaire devenant aliéné, se sent seul... D'ailleurs, on voit dans le corps du personnage une posture abattue par l'humiliation qu'on lui inflige et malgré la casquette qui cache ses oreilles, les accusations qu'on lui jette, atteignent son cœur sensible. Aussi, les oreilles ne saisissent et ne retiennent que les injures et les railleries avilissantes. On voit donc la destruction de l'un par l'autre, du plus faible par le plus fort et on entre dans une machine infernale où la hiérarchisation absolue débouche sur l'injustice absolue. C'est dans ce système, implacablement fermé, que le metteur en scène a pu faire le procès de ceux qui dominent et oppriment les autres.
L'accusateur contre tous
On passe de l'accusé à l'accusateur, de l'humilié à l'«humiliateur». En fait, il s'agit d'un ancien ministre détrôné, aux sentiments fort chauvins, jusqu'au fascisme. Se pencher sur le comportement du type de l'extrémiste traduit la volonté du dramaturge de montrer qu'un esprit pareil existe et qu'il est bien ancré dans la mentalité de quelques fonctionnaires de l'Etat. Ce vieil homme incarne donc la xénophobie dangereuse et encourage la discrimination et les divisions funestes entre les classes sociales et entre les régions. Mais l'humilité devant tant de haine, d'envie et de solipsisme ne peut être que salutaire. Cela nous rappelle Georges Bernanos qui souligne que « l'humilité épargne les affres de l'humiliation» ?
Cette personne attachée à ses dogmes reconnaît qu'elle a une facture à payer. En effet, le châtiment qu'elle subit la meurtrit, dans la mesure où il s'agit de la trahison des siens. Spolié de toute sa fortune et vivant, désormais, dans une maison sans toit ni abri, l'ancien ministre subit à son tour l'humiliation. Ses enfants sont encellulés, car ils se droguent. Il les accuse d'imprudence, tout en accusant le peuple —les enfants pauvres de l'Etat— d'impuissance, puisqu'il pense qu'il n'est pas le véritable législateur. Cet accusateur se déclare contre la puissante volonté du peuple. Cependant, le peuple est écroué, car il est pauvre. Voilà, donc, que la richesse, comme la pauvreté, emprisonne.
A qui la faute ?
Le commerçant est un personnage paranoïaque. Fuyant une marchandise souillée et un commerce indigne, ce personnage est aperçu avec des haillons encrassés. Son histoire ressemble à celle de tous ceux qui ont été persécutés sous l'ancien régime, car chacun parmi eux avait un certain pouvoir dans son domaine. Il ne faut pas oublier que ce sont les commerçants qui ont galéré et qui ont été le plus menacés. Ce personnage a été malicieusement chassé de Tunisie, mais il a réussi à sauver sa peau et à revenir dans son pays. Toutefois, il traîne une psychose qui l'entraîne dans un état pathologique. On le voit angoissé, anxieux et excessivement méfiant. Son délire est perçu, grâce aux gestes et aux paroles proférées. Cet homme se sent lésé, surveillé et espionné.
Dans cet espace nu, le metteur en scène a choisi l'esthétique du théâtre pauvre. Mais riche et souple était la performance du comédien qui, après quinze ans de rupture, choisit la scène comme unique remède à l'absurdité de la vie.
L'artiste a l'ultime conviction que la noblesse du théâtre s'acquiert, surtout quand l'éventail des personnages-acteurs de la société est médité et projeté sur cette planche de bois qui porte en elle les douleurs, les affres et les angoisses de l'artiste contre tout ce qui humilie, agresse et anéantit l'esprit. Al Mutanabbi n'a-t-il pas écrit : «Va quérir la dignité en enfer s'il le faut! Et refuse l'humiliation, même au paradis » ?


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.