Le gendre du président déchu coule depuis trois mois des jours heureux aux Seychelles. Il y a inscrit ses enfants à l'Ecole française et semble sur le point d'y acquérir une résidence de luxe. «Le gouvernement des Seychelles souhaite confirmer avoir reçu une demande d'asile politique présentée au ministère de l'Intérieur par un ressortissant tunisien, Sakher El Materi, qui est actuellement dans le pays», a déclaré dans un communiqué officiel le ministère des Affaires étrangères seychellois, le 6 février dernier. Précisant plus loin : «M. El Materi a présenté sa requête à son retour aux Seychelles, en janvier 2013». Et également qu'une décision serait prise une fois l'examen de la demande d'asile achevé. Depuis, rien de nouveau... A part que le gendre du dictateur déchu, 32 ans, marié en 2004 à Nesrine, la quatrième fille de Ben Ali, circule librement et en tenue décontractée, d'après un reportage photo du journal Le Seychellois Hebdo, dans ce pays aux plages paradisiaques où il avait pris ses habitudes bien avant la révolution, lorsqu'il y accompagnait sa belle-famille dans ses secrètes vacances tropicales. Il avait pris alors le temps de nouer des relations politiques et de business avec les élites de l'archipel, connu pour être un paradis fiscal. Trente ans de prison ferme ! Une destination de rêve donc pour l'homme d'affaires, ex-propriétaire de la holding Princess El Materi et qui s'est enrichi en un temps record en accaparant divers secteurs économiques porteurs comme l'automobile, l'immobilier, les télécommunications, l'agriculture, la finance islamique, les médias... Condamné par contumace en Tunisie entre 2011 et 2012 à payer une amende de 99 millions de dinars et à plus de trente ans de prison ferme pour escroquerie, détournement de fonds publics, blanchiment d'argent et falsification de documents, détention illégale de devises et possession de stupéfiants, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par la Tunisie le 26 janvier 2011. Un mandat relayé par Interpol dans ses 187 pays membres. Sakher El Materi, sa femme et ses deux enfants avaient quitté dans la précipitation le territoire tunisien quelques heures avant la fuite de l'ex président pour aller se cacher un temps dans un hôtel aux alentours de Disneyland à Paris. Mais la France avait signalé aux fugitifs qu'ils étaient personae non grata sur son territoire. C'est alors qu'ils ont décidé de partir pour le Qatar. Or, le mois de septembre dernier, l'émirat du Golfe, répondant à la demande pressante de la Tunisie de «lâcher» Sakher, l'invite à plier bagage... Point de traité d'extradition entre la Tunisie et l'archipel Sakher refait surface à la fin de l'année 2012...aux Seychelles. Il est toutefois interpellé et interrogé ce 14 décembre à l'aéroport de Victoria non pas pour ses précédents avec la justice tunisienne mais plutôt pour détention d'un...passeport diplomatique périmé ! Selon une source diplomatique seychelloise, c'est l'Arabie Saoudite qui intervient cette fois-ci pour obtenir des autorités locales que le gendre préféré de Ben Ali soit libéré et puisse gagner Djeddah à bord de son jet privé. Sakher est de retour un mois plus tard, probablement muni d'un passeport saoudien. Et c'est à ce moment-là qu'il soumet au gouvernement seychellois sa demande d'asile politique, l'archipel pouvant présenter pour lui l'endroit idéal pour couler des jours tranquilles. Intrigant : les Seychelles ont choisi de communiquer sur la requête du fugitif le jour de l'assassinat de Chokri Belaïd. Voulaient-elles passer sous silence cette information sachant à quel point les Tunisiens ont été bouleversés par le drame du 6 février ? «Il y a trois mois Sakher El Materi a inscrit ses deux enfants à l'Ecole française, Le Chantier. Avec sa famille, il vit dans une maison flambant neuve dans un quartier résidentiel à Mahé, non loin du palais du Cheikh Khalifa des Emirats arabes unis», ajoute notre source diplomatique. Le Seychellois Hebdo avait même révélé dans son édition du 25 janvier 2013 que l'homme d'affaires tunisien était en train de négocier l'achat de la demeure où il réside actuellement, proposée à un prix de 8 millions de dollars. Pour qu'il investisse une somme pareille dans l'immobilier local, le fugitif a dû recevoir des garanties pour son avenir seychellois d'autant plus qu'entre la Tunisie et ce joyau de la nature perdu au cœur de l'océan Indien, jamais aucun traité d'extradition n'a été signé.