On naît libre certainement, mais on ne le devient pas forcément. Et bien qu'elle fasse partie intégrante des droits de l'Homme dans leur universalité, cette valeur de liberté s'est trouvée, dans le meilleur des cas, conditionnée. Les années de la dictature et de l'oppression ont pu étouffer les mots dans les esprits et réprimer toute voix critique et raisonnable, condamnant les défenseurs de la libre opinion et expression. Au lendemain d'une révolution que l'on croyait libératrice et émancipatrice, la situation ne semble guère changer. Etat de fait paradoxalement rétabli. Ainsi, la chasse aux sorcières reprend de plus belle, comme si de rien n'était. Politiques, hommes de médias, intellectuels, artistes et autres représentants de la société civile ont fait l'objet d'agressions et d'intimidations pour avoir agi et réagi librement. Personne n'a donc été épargné des multiples tentatives de manipulation et d'inculpation pour de fausses allégations. C'est alors qu'ont commencé à pointer du nez les mauvaises velléités de mainmise sur les fondamentaux des droits d'expression. Voilà, en fait, les vraies menaces qui planent, aujourd'hui, sur le présent et l'avenir des libertés dans le pays. C'est, d'ailleurs, ce que croit fort le bureau d'Amnesty International à Tunis qui a organisé, hier matin, une manifestation intitulée «Les dangers qui menacent la liberté d'expression en Tunisie post-révolution». Y ont été conviés des journalistes, des politiques et certains membres de nos élites qui sont venus relater les faits brûlants et livrer leurs témoignages au sujet d'une question d'actualité, celle de la liberté d'opinion et d'information. Les professionnels du métier n'ont pas fini d'en parler, mettant, ainsi, le doigt sur les maux des mots. Comme d'habitude, notre collègue Soufiane Ben Farhat n'a jamais abordé le présent sans remonter l'histoire, dans une logique de lecture comparée de la liberté d'expression d'hier et d'aujourd'hui. Le tableau semble, à ses dires, plus triste que celui des années 80. Deux ans après la révolution, l'on se sent revenir à la case départ. Et de rappeler que nombreuses sont les affaires d'opinion qui avaient défrayé la chronique et fait couler beaucoup d'encre, tels les cas de Hamadi Redissi et de Sofiène Chourabi. Beaucoup d'autres juristes, politiques et journalistes se sont également retrouvés dans le collimateur des campagnes diffamatoires et des menaces de mort. Ces menaces avaient vite tourné au drame d'assassinat politique dont le militant Chokri Belaïd était la première victime qui avait fait déborder le vase. Face à cette passivité et à la négligence dont fait preuve le gouvernement à l'égard de la question des libertés, le secteur des médias serait le grand perdant. Un secteur qui ne bénéficie, selon lui, d'aucune protection juridique et sécuritaire. Car il n'y a plus de démocratie sans la liberté de presse, comme l'a signalé Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol, en allusion à lenteur des procédures de création de la haute autorité indépendante de communication audiovisuelle, appelée aussi la Haica. M. Bennour a souligné que son parti apporte un soutien constant au Syndicat des journalistes tunisiens pour son combat pour la liberté de presse. «Ce militantisme doit persévérer...», a-t-il issisté. La cause controversée des libertés est celle la plus défendue. Notre confrère Amel Chahed, animatrice d'une émission télévisée à la première chaîne nationale, est venue dire tout sans réserve aucune. Son travail, selon ses propos, a été soumis maintes fois à des formes de pression et d'intimidation. «Dernièrement, la fréquence de l'émission a été ramenée de quatre à deux fois par semaine pour ne pas lui fournir un taux d'audimat aussi élevé, sous prétexte de la remplacer par un feuilleton turc censé être largement vu par le public», témoigne-t-elle. Or, cela est en quelque sorte une manière de faire fléchir les volontés sous l'hégémonie des desseins politiques. Afin d'arrêter cette mainmise pour des intérêts politiciens et cesser d'humilier ainsi le secteur médiatique, Mme Raja Ben Slama tout comme Fahem Boukaddous ont recommandé de mettre un terme aux menaces aux libertés par la nécessité de l'ingérence dans le domaine, de dissoudre les ligues de protection de la révolution et l'intégration dans la nouvelle Constitution du droit de la liberté d'expression dans sa dimension universelle. « Je n'ai jamais imaginé qu'on aurait pu encore parler de menaces sur la liberté d'expression après la révolution...», s'inquiète l'avocat à la cassation Me Badï Jrad. Ce dernier pense que certains journalistes continuent de saper le processus démocratique et nourir la contre-révolution et qu'en réalité, cette liberté ne pose pas de problème, sauf que certains cherchent à imposer leur perception de leur droit.