Les conciliabules entre Ennahdha et les formations engagées dans le dialogue des partis avancent à une allure d'escargot. Le parti Al-Joumhouri attend encore des signaux forts d'Ennahdha sur certains points cruciaux. Et à défaut d'en traiter ouvertement, le mouvement Ennahdha se contente pour l'instant de fuites bien orchestrées. L'essentiel des échanges se résume autour de trois points capitaux : la nature du régime politique, la date des élections et les conditions sécuritaires. Tout le monde sait qu'Ennahdha prône le régime parlementaire (ou semi-parlementaire) tandis que les autres partis penchent pour le régime semi-présidentiel. Le mouvement Ennahdha sait pertinemment qu'il est desservi par le régime semi-présidentiel. A défaut de personnalité charismatique dans ses rangs. Il ne se fait pas d'illusions. Et sait également que des élections présidentielles précédant les élections législatives pourraient avoir un effet d'entraînement fâcheux pour lui. Alors Ennahdha voudrait éviter la perspective d'un régime semi-présidentiel prononcé avec, en prime, l'antériorité de l'élection présidentielle par rapport aux législatives. Les autres partis exigent aussi que les élections aient lieu courant 2013. Histoire de mettre fin au cercle vicieux de la transition bloquée. Mais Ennahdha ne s'embarrasserait guère d'élections tardives avec couplage de la présidentielle et des législatives au besoin. Par ailleurs, les autres partis penchent vers l'élection du président de la République au suffrage universel, direct et secret. Ils ont à l'esprit le modèle portugais. Fort du mandat populaire direct, le président de la République y jouit également de prérogatives fortes par rapport à l'autre patron de l'exécutif, le chef du gouvernement. Pour Ennahdha, le président de la République pourrait éventuellement bénéficier de compétences de domaine réservé en matière de sécurité, de défense et de politique étrangère. Le dernier Conseil de la choura du mouvement l'aurait accepté le week-end dernier. Reste le dernier point d'achoppement en la matière : la présidence du conseil des ministres. Ennahdha tient bec et ongles à ce que le chef du gouvernement en jouisse exclusivement. Les autres voudraient que le président de la République y préside. Et ils voudraient volontiers ne pas réduire ce dernier au rôle de boîte à lettres intelligente. Le projet de la troisième mouture de la Constitution autorise en effet le chef du gouvernement à informer le président de la République de plusieurs prérogatives dont il a l'exclusive. Volet sécuritaire, les autres partis insistent pour la dissolution desdites ligues de protection de la révolution. Leur existence et leurs pratiques font peser de lourdes menaces sur le bon déroulement de la vie politique en général et des élections en particulier. A ce niveau aussi, l'appréciation est divergente. Al-Joumhouri insiste pour que les promesses affichées la veille de la formation du gouvernement de Ali Laârayedh aboutissent. Le mouvement Ennahdha, lui, traîne la patte en la matière, s'il ne fait tout simplement la sourde oreille. En tout état de cause, les derniers développements explosifs à Djebel Chaâmbi renversent la donne. Les explosions des mines antipersonnel dont sont victimes les militaires et forces de sécurité intérieure risquent d'en coûter lourdement au laxisme gouvernemental en la matière. La garde prétorienne agressée peut changer son fusil d'épaule. Brusquement. Et brutalement. Avec risques et périls.