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«Accrochez-vous, Tunisiens, nous y arriverons»
Interview de Mme Meherzia Laâbidi, vice-présidente de l'ANC
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 05 - 2013


Par notre envoyé spécial à Bali Lassaâd BEN AHMED
Du 10 au 16 mai, une délégation tunisienne s'est déplacée en Indonésie et a pris part au forum de Bali pour la démocratie. Ce forum a permis d'échanger les expériences et les points de vue sur la transition démocratique en présence de références religieuses. La Presse a rencontré à cette occasion Mme Meherzia Laâbidi, première vice-présidente de l'ANC, qui voyageait en classe économique avec tous les membres de la délégation. Interview.
Vous êtes de retour d'une mission en Indonésie et vous avez été à la tête d'une délégation tunisienne qui a pris part au forum de Bali pour la démocratie. Pourquoi avoir choisi l'Indonésie pour discuter démocratie ?
Au fait nous n'avons pas choisi l'Indonésie, c'est plutôt elle qui nous a choisis. L'initiative est venue de SE l'ambassadeur d'Indonésie à Tunis et de l'IPD, Institut pour la paix et la démocratie. Son fondateur, Dr Hassen Wirajuda, ancien ministre des AE, est très concerné par l'exemple indonésien et les pays arabes. Dans ce cadre, une première édition du forum a eu lieu avec l'Egypte et il était tout à fait logique d'organiser la même chose avec la Tunisie.
Et pourquoi l'Indonésie veut travailler avec les pays arabes sur la démocratie, vous a-t-on donné les raisons ?
D'après les discussions qu'on a eues avec les organisateurs, la partie indonésienne est convaincue qu'elle a développé depuis 1999 un modèle de démocratisation et de réconciliation de l'Islam en tant que religion avec la démocratie, mais aussi un modèle de vivre-ensemble entre religions, cultures et ethnies. L'Indonésie compte une bonne centaine d'ethnies et plus de 300 dialectes. Cela n'a rien de comparable avec nous, mais en observant la transition en cours dans le monde arabe après les révolutions, ils veulent promouvoir leur modèle dont ils sont fiers.
Vous vous êtes donc bien ressourcée à ce propos. Quels sont les éléments les plus intéressant pour la Tunisie dans le contexte actuel, notamment dans l'élaboration de la Constitution et de la transition démocratique en général ?
Je crois qu'en matière de rédaction de la Constitution, on aurait dû procéder avant cette mission. Mais en ce qui concerne la transition démocratique, on pourrait en tirer profit de la manière et même de la terminologie de la notion d'identité, de démocratie et de relation avec l'autre, notre entourage et notre appartenance au monde arabo-musulman. Sur tous ces plans, on peut apprendre quelque chose du modèle indonésien. Mais je pense, essentiellement, qu'on a beaucoup à apprendre sur le processus d'appropriation de la culture démocratique. Certes, les élections libres, les institutions démocratiques constituent déjà des acquis, mais la concrétisation de la démocratie ne peut avoir lieu qu'à travers une pratique raisonnée et intégrée à la culture du pays. Et je crois qu'à travers cette visite à Bali, un endroit bien marqué par la culture locale, on a eu un très bon exemple du mariage entre culture traditionnelle et culture démocratique.
Nous avons également à apprendre de cette rencontre entre l'Islam et la démocratie à la manière indonésienne. D'abord, comment penser l'Islam ? Comment le penser comme projet de société ? Et là l'Indonésie a parcouru un bon chemin et elle est très avancée. Et l'expression de M. Hassen Wirajuda est très significative lorsqu'il dit : «En imaginant l'Indonésie, on pense au verset du Saint Coran : un pays où il fait bon vivre, et un Dieu clément et miséricordieux». Sur cette base, on comprend pourquoi l'Indonésie est un pays où il fait bon vivre pour tout le monde, que ce soit en termes de développement ou selon le principe partagé de servir l'autre ; mais dans cette culture monothéiste, savoir qu'il y a un Dieu clément et miséricordieux, qu'il y a des valeurs divines, qu'il ya une dimension spirituelle à laquelle l'on s'attache, est le moins conciliateur.
J'ai vraiment beaucoup apprécié cette vision, à savoir placer la vision de l'Islam pour ancrer cette culture de servir l'autre, quelles que soient son identité, sa religion, son idéologie et son appartenance. Là on a vu un exemple très bien avancé.
Et pourtant, l'Indonésie n'inscrit pas dans sa constitution que l'Islam est la religion de l'Etat. Comment analysez-vous cela en comparaison du premier article de notre Constitution ?
Ce choix est dû à la particularité de ce pays qui est multi-ethnique, multiculturel et multireligieux. Mais ce qui est important, c'est qu'ils ont inscrit l'esprit de l'Islam dans leurs lois.
Comment ?
Prenons l'exemple de la justice sociale. Les Indonésiens ont ancré la valeur de solidarité et du « takaful» à travers l'éducation. Ils ont bâti, en fait, l'ancrage du pays dans sa culture musulmane à travers les institutions éducatives. Les politiciens que nous avons rencontrés ont souvent fait référence à deux grandes écoles : Almouhammadia et Nahdhatoul Oulama. Ces deux grandes institutions ont formé l'esprit et les compétences indonésiennes. Ils ont, en quelque sorte, réconcilié la démocratie dans sa dimension universelle et le concept de « mouchawara » ou « Choura ».
Ce que nous avons retenu du discours d'un haut conseiller du ministère des AE hier, c'est l'appellation de leur parlement : « Majlis muchaouart wa raay ». C'est donc une concertation, mais aussi une prise d'opinion. Ils l'ont fait ainsi pour s'imprégner de la sagesse issue de leur richesse culturelle, qu'elle soit bouddhiste, hindoue, ou islamique et pour instaurer cette notion de pays paisible où il fait bon vivre pour tous.
Dans l'expérience indonésienne, on a également constaté que chaque région et chaque localité est presque autonome, avec un parlement régional indépendant et des responsables régionaux et locaux élus. Dans quelle mesure, à votre avis, la Tunisie peut aller dans ce principe de délégation de pouvoir ?
Là je dirais que la différence est grande. L'Indonésie c'est 17 mille îles, dont 7 mille seulement sont habitées, mais aussi c'est 250 millions d'habitants avec une grande diversité culturelle et ethnique. Je trouve que c'est très logique que chaque île ou groupe d'îles ait un gouverneur élu et un conseil régional. Je ne pense pas que c'est un modèle qui s'appliquerait, même avec des modifications, à la Tunisie. Notre pays n'a pas un territoire immense ou comparable à l'Indonésie. Et nous avons une unité linguistique et religieuse. Il faut donc penser plutôt côté déconcentration de la décision concernant le développement. Je ne vois pas la Tunisie adopter ce régime plutôt fédéral. Je vois bien, et c'est ce que propose la nouvelle constitution, que la décision concernant le développement, les questions économiques et sociales soit prise dans les gouvernorats, donc de façon plus proche du citoyen. La fonction du gouverneur restera pour représenter l'Etat, mais à la condition qu'il y ait aussi un conseil régional pour prendre la décision concernant l'emploi, l'éducation, l'habitat. Et du coup, c'est la démocratie participative, toujours en présence de l'Etat centralisé et en maintenant l'unité nationale.
Pourtant, le pouvoir central a favorisé un déséquilibre entre les régions sous la dictature !
C'est un enjeu très important. On ne va pas émietter, dirais-je, l'Etat. Mais on va plutôt rapprocher les sphères de décision au citoyen en ce qui concerne les questions qui l'intéressent directement.
Ce rapprochement et cette inclusion des régions dans la prise de décision permettront, sans doute, de mieux organiser les priorités régionales. Dans une localité, les citoyens qui y résident savent mieux que quiconque quelles sont leurs aspirations et leurs priorités.
Et il ne faut pas omettre, en parlant de cette déconcentration du pouvoir, la question des ressources.
D'où viendraient les ressources pour mettre en œuvre les projets de développement. Là, il faut toujours qu'il y ait un partage équitable des ressources nationales, sinon on va rechuter dans le même schéma de marginalisation et de déséquilibre dans le développement. Les régions riches auront des ressources suffisantes. Et les régions pauvres qu'est-ce qu'on en fait ?
Je pense qu'il faut redessiner la carte des régions et créer des pôles régionaux de sorte à favoriser une solidarité entre eux.
Cela supposerait l'adoption d'une nouvelle méthode dans la gestion du budget de l'Etat. Mais cela n'a pas été fait jusqu'à présent...
Cela va avoir lieu après la Constitution. Vous savez que le budget est voté jusqu'à présent selon une loi qui date de 1976. Et je pense que cette loi là a fait son temps. J'ai exprimé, à maintes reprises, le souhait que les spécialistes revoient cette loi. Cela va permettre au prochain parlement de décider autrement, en tenant compte du nouveau contexte et de cette nouvelle démocratie participative.
Je saisis l'occasion pour soulever, encore une fois, la question des échéances. Quand est-ce qu'on va achever la Constitution ? Quand est-ce qu'on va organiser des élections ?
Etant, maintenant éloignée du pays pendant presque une semaine...
Mais vous êtes toujours connectée...
J'espère trouver une bonne nouvelle en rentrant, à savoir qu'il existe un vrai avancement dans le consensus dans le cadre du débat national. Parce que, concernant l'ANC, notre agenda est bien clair. Au maximum, vers la fin du mois de juillet, le vote de la Constitution sera réalisé, mais encore faut-il que les partis politiques et la société civile et toutes les forces vives de la société se mettent d'accord sur le système politique et les idées matrices sur cette nouvelle constitution, la référence à l'identité...
Là on vous reproche d'avoir l'intention de mettre en place un Etat théocratique. Quelle est votre réponse ? Car au fait plusieurs experts partagent ce point de vue.
Je mettrai un bémol sur « plusieurs », un autre sur « nous reprocher » et éventuellement un autre sur «théocratique». Je leur demanderai d'être plus neutres et juger le texte sur son contenu en tant que tel. Le texte dans son deuxième article reconnaît explicitement le caractère civil de l'Etat tunisien. Et il définit même l'Etat civil. Examinez le chapitre des droits et des libertés. Il confirme les libertés individuelles et collectives, les droits syndicaux, les droits de l'enfant, ceux des personnes à besoins spécifiques... Et il y a même mention des droits sociaux et économiques qui reconnaissent, entre autres, le droit d'accès à l'eau.
Bref, on est allé vraiment bien loin dans la confirmation des droits et libertés : la liberté religieuse, la liberté d'expression, la liberté de conscience... Je pense donc que c'est vraiment une allégation de ne pas prendre en considération toutes ces libertés et de s'attaquer au texte sans arguments concrets.
Vous considérez donc que les garanties pour ces libertés sont suffisantes ?
Vous savez, une Constitution aussi belle, aussi bien écrite et aussi parfaite qu'on le croit n'est pas toujours une garantie suffisante. La garantie vient plutôt de ce qu'on appelle les gardiens de la Constitution. Ce sont tout d'abord les institutions. Une cour constitutionnelle indépendante et à ses côtés un citoyen avisé, une société civile consciente des enjeux et, enfin, un accès direct à la cour constitutionnelle. Dans notre projet actuel, on a inscrit la possibilité de cet accès direct ou via les représentants du peuple.
Et puis pour moi, c'est une question de culture que de s'approprier la constitution. Le plus important c'est que lorsque la culture démocratique devient la culture du pays. Pour que les mentalités changent, il faut un parcours. Il faut un certain temps pour que la démocratie fasse partie de notre pratique quotidienne et, du coup, c'est la seule garantie.
Avant de terminer, on aimerait avoir une idée sur vos projets après l'adoption de la Constitution. En plus clair, comptez-vous vous portez candidate à la prochaine présidentielle ?
Mes projets, c'est surtout écrire. Je pense qu'il faut sortir de cette expérience par un témoignage. Qu'est-ce que j'ai appris, quel message, quelles difficultés ?
En ce qui concerne les élections qu'elles soient présidentielles ou autres, je dirai que j'appartiens à un parti qui a ses structures et ses institutions. Et cela se décide dans ces institutions. Je ne suis pas pressée pour « briguer » un mandat. Mais si un jour je suis convaincue qu'il faut y aller, je foncerai, j'assumerai.
Votre message aux Tunisiens en revenant d'Indonésie.
Si les Indonésiens avec leur diversité, leurs problèmes, sont parvenus en une vingtaine d'années à bâtir un modèle démocratique, eh bien accrochez-vous Tunisiens, nous y arriverons. Nous allons réussir notre transition démocratique malgré les couacs, les difficultés et les obstacles, parce que nous disposons de plusieurs atouts. Et il ne suffit pas d'avoir des atouts, il faut savoir écouter l'autre et surtout avancer ensemble en ayant comme commun objectif une Tunisie démocratique et comme communs ennemis la violence, la pauvreté et le chômage et non pas les uns les autres.


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