Quatre priorités nationales marquant les six prochains mois avant les élections ont fait l'objet de la conférence de presse que le chef du gouvernement, M. Ali Laârayedh, a donnée, hier matin, au siège de son département à La Kasbah. La première rencontre qu'il a eue avec les médias depuis son investiture à la tête du gouvernement, il y a un peu plus de deux mois. Tout d'abord, il s'agit, essentiellement, de rétablir la sécurité et la quiétude, dans le cadre de la primauté de la loi et du respect des libertés individuelles et collectives, conformément aux standards internationaux. Deuxième priorité, la conception d'une feuille de route politique claire et précise pour finir avec ce provisoire qui a trop duré. Dans ce sens, M. Laârayedh a insisté sur le fait de couronner cette étape transitoire par l'élaboration d'une Constitution assez représentative, sans recours au référendum, afin d'aboutir, avant fin 2013, à des élections libres, démocratiques et transparentes. Ce qui nous permettra, a-t-il dit, de passer à un Etat de droit et des institutions. Enfin, la relance économique et les solutions à apporter aux différentes questions sociales qui préoccupent, dont notamment le chômage, la pauvreté et les inégalités régionales, constituent aussi l'essence d'une priorité absolue et une des revendications de la révolution de la dignité. S'y ajoutent, sur l'échelle des priorités établie, la lutte contre la malversation et l'activation du principe de la justice transitionnelle, en tant qu'initiative première dans l'histoire de la Tunisie. D'où l'importance qu'il y a de s'inspirer des expériences des autres pays en la matière, à l'instar de l'Afrique du Sud, de l'Allemagne et de l'Europe de l'Est... Ce sont d'ailleurs là les quatre priorités que le chef du gouvernement avait déjà évoquées dans son discours d'investiture prononcé devant l'Assemblée nationale constituante (ANC). Cohésion et consensus Deux mois plus tard, M. Laârayedh a de nouveau évoqué ces priorités, sur le même ton, au niveau du verbe et de l'analyse. Car, selon lui, l'on ne peut plus attendre encore, face à l'actuelle situation où prévalent l'instabilité sécuritaire, les tensions sociales et le sentiment de déception générale. Certes, les défis sont majeurs et les difficultés semblent insurmontables. Mais le chef du gouvernement dont le message se veut rassurant était aussi optimiste quant à la réussite de ce processus transitoire. Cela paraît réalisable, d'après lui, à condition que les forces vives de la société, toutes sensibilités politiques confondues, se tournent vers la cohésion et le consensus, afin de calmer les esprits, apaiser davantage les tensions et instaurer de plus en plus la culture du dialogue. Dans une lecture évaluative du rythme des choses, l'orateur a estimé qu'il a y une certaine évolution globale plus au moins positive. En termes de promotion des droits de l'Homme et du respect de l'être humain, les indicateurs sont, à ses dires, remarquables. Et l'appareil sécuritaire avance à pas sûrs. «Le rendement de nos forces de sécurités s'améliore de plus en plus, au niveau du contrôle des frontières, de la poursuite des trafiquants et des contrebandiers. Il y a aussi une amélioration au niveau de la lutte contre le crime et toutes les formes de violence et de terrorisme», a-t-il constaté, avouant que cela est dû au degré de maturité atteint par le citoyen et les hommes politiques. Et M. Laârayedh d'enchaîner, d'autant plus que le niveau du traitement du gouvernement avec les questions de l'heure a, lui aussi, évolué au fur et à mesure. En référence aux événements du Chaâmbi, où se poursuivent les opérations de ratissage, le chef du gouvernement a jugé illégale l'organisation «Ansar Echaria» dont certains leaders ont été qualifiés de terroristes, selon lui. Respect de l'Etat et de ses institutions «Ces derniers, aussi minoritaires soient-ils, font fi du pouvoir de l'Etat et de ses lois, se refusant d'appliquer les normes de civisme et de citoyenneté», s'est-il indigné, insistant sur la poursuite de quiconque présumé être extrémiste, soupçonné d'avoir exercé des actes de violence ou impliqué dans des crimes de terrorisme. Et d'ajouter : «Celui qui veut vivre dans le respect doit manifester une position claire contre la violence et le terrorisme, comme il doit aussi faire preuve de respect à l'Etat et ses institutions... L'on juge les individus sur leurs actes et non pas sur leurs appartenances ou idéologies». Il a aussi accusé certains provocateurs qui ont poussé aux troubles sociaux et tenté de conduire le pays vers le chaos. Ces faits perturbateurs ont engendré d'énormes pertes de temps et d'argent. Il a fait remarquer que le système productif dans le bassin minier a enregistré une faille de deux milliards de dinars, à cause du blocage des routes. «Sans sécurité ni production économique, il n'y aura pas d'investissement régional», a-t-il relevé. A toutes ces priorités s'ajoutent celles d'ordre politique. En effet, l'ANC doit jouer pleinement son rôle et faire de son mieux pour finaliser la Constitution d'ici juillet prochain, comme l'a souhaité M. Ali Laârayedh. Surtout que l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) est encore en gestation. Il a formulé l'espoir de voir les échéances électorales se tenir dans les délais impartis pour mettre un terme à cette longue phase provisoire. Les objectifs de la révolution l'exigent. Sur le plan économique, beaucoup de réformes sont en vue dont notamment la création du nouveau code d'investissement. Idem pour la révision des caisses de sécurité sociale dont les recettes financières font défaut. Le système de compensation, lui aussi, mérite d'être révisé pour garder son équilibre et résister face aux aléas des crises financières et aux caprices du prix des hydrocarbures à l'échelle internationale. «Aujourd'hui, une question s'impose : comment garantir la continuité de ce système de la compensation pour qu'il puisse profiter à ses bénéficiaires, notamment parmi les catégories les plus vulnérables ? », s'est-il interrogé. Sa rationalisation serait donc de mise. Le recours à l'endettement fait aussi partie de la politique de gestion visant à chercher les fonds pour couvrir un certain déficit au niveau des dépenses et de la compensation de certains produits de base. Cette année, a-t-il estimé, quelque 2.700 millions de dinars sont réservés pour compenser le secteur énergétique, soit 10% du budget de l'Etat. L'exploration du gaz de schiste pourrait beaucoup rapporter dans le secteur énergétique. «Cependant, l'on peut dire que nos dettes sont encore maîtrisées et le délai de leur recouvrement est bien respecté. On honore nos engagements financiers, sans aucune atteinte à notre souveraineté», a-t-il estimé. Bien que la récolte agricole s'annonce de bon augure, le secteur des céréales est loin de satisfaire nos besoins à l'échelle nationale. Ce déficit est dû, selon lui, à la dégradation des superficies destinées à la céréaliculture. Et pour cause, l'on doit mettre le cap sur la quantité et la qualité de la productivité par hectare. «L'objectif est d'atteindre l'autosuffisance en la matière et garantir notre sécurité alimentaire dans les années à venir», envisage le chef du gouvernement. Chapitre justice transitionnelle, le chef du gouvernement a mis l'accent sur les dimensions significatives de la reconnaissance pour tous ceux ayant beaucoup souffert de l'oppression sous l'ancien régime. L'essentiel, à l'en croire, est de chercher comment parvenir à panser les plaies béantes du passé et recouvrir les droits des bénéficiaires à refaire dignement leur vie. L'on peut parler également de la réhabilitation professionnelle pour les bénéficiaires de l'amnistie générale. L'ultime but consiste à activer les mécanismes judiciaires pour aboutir à la réconciliation nationale, loin des surenchères politiques et idéologiques.