Par Féthi FRINI Chaque année, la même hantise, la même angoisse et, tout au fond, la même déception. C'est à ce moment crucial, précisément par l'épreuve du baccalauréat, que se boucle, en effet, toute une... carrière d'élève, menée de bout en bout, avec, souvent, les nerfs à bout, et que se joue tout un avenir, sinon toute une vie. Certainement, le baccalauréat demeure encore l'épreuve la plus redoutée dans la vie des lycéens. Cette année, plus particulièrement, les craintes se sont étalées au grand jour. Car, si la précédente session a été marquée d'une pierre blanche, pour celle d'avant, par contre, nous avons eu bien chaud, suite à la fuite relevée et aussitôt réparée, sans grands dégâts à signaler, sauf que l'on a fini par identifier la personne vraisemblablement coupable. Sinon, le massif mouvement de grève mené presque à intervalles réguliers par les enseignants du secondaire a fini par mettre à nu des situations longtemps endurées souvent dramatiques vécues par le corps enseignant, au risque d'hypothéquer toute une année scolaire, lourdement chargée d'espoirs et de... craintes. A saisir avec des pincettes En effet, la liste des récriminations sinon des doléances risque d'être longue : classes surchargées, effectifs loin d'être pléthoriques, salaires en berne, statut de l'enseignant encore indéfini, formation continue et recyclage défaillants, un syndicat, un dur à cuire, constamment aux aguets, revendiquant d'être associé au débat national sur la réforme du système éducatif, encore une fois remis sur le tapis. Et, par-dessus tout, violences tous azimuts qu'on aurait encore toutes les peines du monde à contenir, dans un milieu aussi vulnérable à saisir plutôt avec des pincettes. Tout cela et bien d'autres encore dénotent le profond malaise de l'éducateur, certes. Mais pas uniquement. Car, fini le temps, en effet, où l'enseignement étant une sinécure et la fonction une planque. Certes, nos enseignants font un métier, à bien des égards, fort ingrat mais ils ont tout de même de sacrées vacances, à n'en pas finir...des fois. Mais le malaise est là, persistant. D'un autre côté, les parents, quelque peu anxieux, constatent avec effroi que les chances de leurs rejetons, au bout de leur cursus scolaire, de décrocher le bac, vont s'amenuisant. Ils attendent, avec les dizaines de milliers de postulants au bac, plus exactement 144.000, le ventre noué par l'angoisse, le jour J, celui de la proclamation des résultats, et une fois les épreuves passées, les nerfs prêts à lâcher à tout instant, le sacre de ce... sacré baccalauréat. Certes, le taux national de réussite varie encore, bon an, mal an, de 40 à 60 pour cent. Seulement voilà, une frange juvénile, inquiète et désabusée, continue de danser sur la corde raide, bien des fois, ne pouvant déjà entrevoir clairement l'avenir, se retrouvant alors à la croisée des chemins, ne sachant plus, une fois le bac décroché, quelle voie salutaire suivre. En définitive que représente encore cette épreuve pour eux ?Un passage obligé, sinon un indispensable passeport, ou, tout au plus, un pis-aller, en attendant mieux, peut-être bien, la confirmation, en cours de route, de tant d'efforts dépensés, tout au long d'un cursus universitaire, à l'issue incertaine bien des fois. Le bac d'aujourd'hui Le bac reste ce monstre à sept têtes à terrasser. Tout au moins, pour la plupart des candidats, ce sera la bataille, la rude bataille à mener qui déterminerait l'issue d'une guerre ;une guerre menée de bout en bout, certainement beaucoup plus par les parents que par les enseignants et encore moins par les enfants eux-mêmes, des parents qui se retrouveraient alors serviables et corvéables à merci. C'est soit la survie avec tous les honneurs, ou la descente aux enfers, sinon la mort. Nombreux sont ceux qui pensent ainsi. En vérité, si l'on ne devait plus se bercer d'illusions sur la valeur réelle du bac d'aujourd'hui, le décrocher reste la condition sine qua non de la réussite. Conscients des obstacles qui jonchent la route vers l'université, nos futurs bacheliers fondent légitimement tous leurs espoirs sur cet examen décisif, «incontournable» diraient bien, à l'occasion, les gens des médias. Avec le bac, décroché haut la main, c'est démarrer avec un maximum d'atouts pour s'inscrire dans la filière de son choix. Et y briller. Ou péricliter. Sinon, bonjour la case départ Ballottés entre la certitude que le bac n'ouvre pas toutes grandes les portes vers le succès et les embûches qui les attendent après, tous sont unanimes à répéter qu'il faut tout de même garder le moral, qu'il ne faut surtout pas flancher, lors des épreuves, sinon bonjour la case départ avec tout ce que cela implique de frustrations et d'échecs . En attendant, une fois le diplôme en main, l'orientation, la réorientation ou les concours, reste que la sélection impitoyable limite considérablement les chances des uns et les espoirs des autres... Mais enfin, l'on est bachelier, un sacré bachelier et peut-être bien fier de l'être, ne serait-ce que pour notre satisfaction morale et celle des parents. Le couronnement de toute une scolarité passe par la réussite au bac. On ne le répétera jamais assez. Elle remet en cause toute une tranche de vie organisée autour de l'école, du collège puis du lycée, avec la discipline, l'assiduité, les cours particuliers impossibles, les vacances écourtées, les contraintes et les privations de tous genres... Aussi, échouer au bac, c'est se retrouver décontenancé, désorienté, désarmé. Avec la tête vide et les mains tout aussi vides face à l'inconnu, gros Jean comme devant. Une chance inouïe : ne pas décrocher le bac Les six jours du bac vont décider de 13 ans de scolarité. Si on échoue ou se retrouve avec le niveau terminal, qui n'est pas bon à grand-chose, surtout pour les littéraires. Aux yeux de la famille, des voisins, de la société, on est un raté, un moins que rien. On porte longtemps le fardeau à cet échec, souvent toute la vie, qui se trouve ainsi détruite. Quoique, et à bien des égards, ce serait une chance inouïe de ne pas décrocher justement le bac, pour qu'un beau jour, nullement démuni, avec un bac moins quatre, l'on viendrait à entreprendre, une fois au pouvoir, une spoliation généralisée de biens de l'Etat, à s'adjoindre familles et alliés pour brasser des affaires louches, à privilégier ses propres intérêts sordides au détriment de ceux d'un peuple longtemps terrorisé, pour se retrouver enfin à la tête d'une immense fortune que l'on ait encore toutes les peines à restituer. Une outrance et une insulte, soit dit en passant, à un peuple qui continue de payer de sa vie, du sang de ses enfants à travers des batailles autant sinon autrement plus décisives que celle du bac et qu'il entendrait bien gagner pour vivre librement et surtout dignement.