BCE : Le projet de loi vise à régler de vieux comptes Ahmed Nejib Chebbi : Les résultats des prochaines élections risquent d'être annulés si cette loi est votée Samir Taïeb : Cette loi est de toute façon inapplicable Béji Caïd Essebsi, qui a accaparé la parole pendant toute la conférence de presse qui s'est tenue hier à Tunis, a qualifié le projet de « loi anormale d'exclusion de la vie politique dont le seul but est de régler de vieux comptes, qui dépouillera plus de 60000 hommes et femmes de leurs droits civiques». Le parti Nida Tounès, Al Joumhouri, Al Massar, le Parti socialiste, le Parti du travail patriotique et démocratique, les représentants des partis qui composent l'Union Pour la Tunisie, étaient tous là, réunis autour du «cheikh» Béji Caïd Essebsi pour s'opposer à la loi dite «d'immunisation de la révolution» qui sera présentée aujourd'hui à l'Assemblée nationale constituante en séance plénière. Pour Béji Caïd Essebsi, la révolution tunisienne, qui n'avait ni leaders ni idéologie, visait à améliorer les conditions de vie des Tunisiens et surtout celles des régions intérieures. «Le CPR et Ennahdha tournent le dos aux vrais objectifs de la révolution et s'obstinent à vouloir exclure de la vie politique plus de 60000 hommes et femmes», a-t-il déclaré, avant d'ajouter que le but de la mobilisation de l'Union Pour la Tunisie est de «défendre des principes pour le bien de la Tunisie». Le leader de Nida Tounès semble toutefois rester confiant quant à l'avenir de cette loi et souligne que les députés de l'ANC «ne laisseront pas passer ce projet sous quelque forme que ce soit». Même optimisme du côté de Samir Taïeb représentant le parti Al Massar, qui émet des doutes quant à l'applicabilité de cette loi, même si elle est votée à l'hémicycle. «Il est quasiment impossible d'appliquer une telle loi, car cela demanderait un temps monstre de mise en œuvre dont on ne dispose plus, les architectes de ce projet de loi reviendront tôt ou tard à la raison», explique-t-il. Pour sa part, Ahmed Nejib Chebbi, représentant du parti Al Joumhouri, exprime sa crainte de voir le processus de transition démocratique échouer à cause de cette loi, au cas où elle obtiendrait le vote de la majorité des députés. «Disons les choses clairement, cette loi est anticonstitutionnelle et pourra être abrogée par la future cour constitutionnelle. Si cela arrive, les résultats des prochaines élections pourront de facto être annulés», dit-il. Invité à donner son avis sur le projet de loi, Mustapha Filali, qui a participé à l'élaboration de la Constitution du 1er juin 1959, dénonce une loi encourageant la délation entre les Tunisiens. «Dans son article 4, le projet incite les Tunisiens à dénoncer toute personne suspectée d'avoir fait partie du RCD, ce qui est à mon avis très dangereux», précise-t-il. Notons, par ailleurs, la présence très remarquée d'un certain nombre d'experts constitutionnels notoirement hostiles à ce projet de loi, parmi lesquels Ghazi Ghrairi et Iyadh Ben Achour. Lors de cette rencontre, Béji Caïd Essebsi ne manque pas de remettre sur la table le débat autour de la légitimité du gouvernement en place, en se demandant si l'Assemblée nationale constituante, élue initialement pour une année, dispose encore du droit de légiférer. «Ils avaient une obligation morale de ne rester qu'une année, aujourd'hui nous sommes certains qu'ils n'ont pas de morale», déclare-t-il. La coalition partisane annonce par ailleurs, qu'un sit-in sera organisé samedi matin devant le siège de l'Assemblée nationale constituante pour protester contre la loi sur «l'immunisation de la révolution»...ou «d'exclusion politique» selon l'angle de vue des uns et des autres.