La Coupe du monde 2010 est la première édition organisée sur le continent africain. Un symbole dont on perçoit facilement la portée géopolitique. Dans le passé, à de multiples occasions, l'Histoire avec un grand "H", a rejoint celle du ballon rond. Détails. 1934 : La Coupe du monde, outil de propagande de l'Italie fasciste En 1934, l'organisation de la deuxième Coupe du monde de football est confiée à l'Italie. Le régime fasciste de Mussolini en fait un outil au service de sa propagande, comme le fera, à son tour, le régime nazi avec les Jeux olympiques de 1936 à Berlin. Près de 250 journaux et des radios du monde entier couvrent l'événement qui sera remporté par l'équipe transalpine, la Squadra Azzurra. Le Duce veut y voir la preuve de la supériorité du fascisme sur les démocraties. Un sentiment décuplé lorsque l'Italie sortira de nouveau vainqueur du Mondial suivant, organisé par la France en 1938. 1958 : Une équipe de football au nom de l'indépendance de l'Algérie En avril 1958, des joueurs professionnels d'origine algérienne évoluant dans des clubs métropolitains rejoignent le Front de libération nationale algérien et lui offrent sa propre équipe de football. Parmi eux figurent notamment deux joueurs de l'équipe de France, Rachid Mekhloufi et Mustapha Zitouni. Ces défections, véritable "coup médiatique" pour le FLN, ne passent pas inaperçues à quelques semaines de la Coupe du monde organisée en juin par la Suède. Même si la France obtient facilement de la Fédération internationale de football la non-reconnaissance de l'équipe, celle-ci parvient à réaliser une tournée de plus de 90 matches à travers le monde pour défendre la cause algérienne. 1969 : Honduras-Salvador : le football, prétexte d'une guerre Dans un contexte de rivalité exacerbée entre le Honduras et le Salvador, les matches de qualification pour la Coupe du monde 1970 cristallisent les tensions qui existent entre ces deux pays d'Amérique centrale. Les immigrés salvadoriens, très nombreux à s'être installés au Honduras, ont en effet été pris pour cibles dans la réforme agraire qu'a engagée le Honduras en 1968. Lors du match aller, le 8 juin 1969, à Tegucigalpa, capitale du Honduras, les Salvadoriens sont très mal accueillis. Un tapage est organisé sous les fenêtres de leur hôtel de sorte qu'ils ne puissent pas fermer l'œil de la nuit. Epuisés, ils s'inclinent le lendemain (0/1). Désespérée, une jeune supportrice, Amelia, se suicide. Lors du match retour, le 14 juin, au Salvador, l'hôtel de l'équipe du Honduras est incendié. Dans une ambiance délétère, les Honduriens sont défaits à leur tour (0/3). La nuit suivante, deux supporters honduriens sont tués au Salvador et les immigrés salvadoriens — très nombreux au Honduras — sont pourchassés. La frontière entre les deux pays est fermée, les relations diplomatiques sont interrompues et la guerre est déclarée le 14 juillet. En quatre jours, elle fait 6.000 morts, 15.000 blessés et des dizaines de milliers de sans-abri. 1974 : RFA-RDA : un match historique, Allemands contre Allemands Le 22 juin 1974, la RFA, pays organisateur de la Coupe du monde, rencontre sa voisine, la RDA. Un match inédit et lourd de sens entre deux Allemagnes, l'une plutôt libérale et l'autre communiste. Au-delà de la détente relative entre les deux républiques, la tension est palpable, alors même que les deux équipes sont d'ores et déjà qualifiées pour le second tour. Le match est remporté (1/0) par la RDA. Une défaite qui se révèle pourtant une aubaine pour la RFA, placée dans un quart de finale moins hostile que celui de la RDA. En finale contre les Pays-Bas, l'Allemagne de l'Ouest, sera sacrée championne du monde de football. 1990 : Entre Serbes et Croates, le choc des nationalismes Dix ans après la mort de Tito, la Yougoslavie, au sein de laquelle cohabitent deux ennemis jurés, ne tient plus qu'à un fil. Championnat national de football, 13 mai 1990 : la rencontre entre les Croates du Dynamo de Zagreb et les Serbes de l'Etoile Rouge de Belgrade tourne à l'émeute. Avant même le début du match, des affrontements entre supporters — les Bad Boys Blues (Dynamo) et les Delije (Etoile rouge) — éclatent à Zagreb. Dans le stade Maksimir, les Serbes cantonnés dans une tribune réservée ouvrent les hostilités en entonnant des chants nationalistes, sous l'œil complaisant des forces de l'ordre majoritairement composée de Serbes. Les Croates, furieux, envahissent le terrain. Le capitaine du Dynamo, Zvonimir Boban, assène alors un coup de pied à un policier. Un geste qui lui vaut le statut de héros national en Croatie. Les affrontements durent plus d'une heure et font plus d'une centaine de blessés. La guerre éclatera moins d'un an plus tard. 1992 : La Yougoslavie de Milosevic privée de compétition Le 30 mai 1992, le Conseil de sécurité de l'ONU décide d'instaurer un embargo économique ainsi qu'une rupture des relations culturelles, scientifiques et sportives à l'égard la République fédérale de Yougoslavie, dirigée par Slobodan Milosevic (Serbie et Monténégro). L'ONU le tient pour responsable de l'éclatement de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Dès le lendemain, la Fifa suspend la fédération yougoslave de toute activité internationale. Lui emboîtant le pas, l'Union européenne de football (Uefa) choisit d'exclure l'équipe yougoslave de la phase finale du Championnat d'Europe des nations, programmé en Suède quelques jours plus tard. 1998 : Etats-Unis et Iran sur une même pelouse La 16e édition de la Coupe du monde préfigure le retour de l'Iran sur la scène internationale. Alors que les relations entre les Etats-Unis et la République islamique, fondée par l'ayatollah Khomeiny en 1979, sont sur la voie de la détente depuis l'élection-surprise de Mohammad Khatami en mai 1997, le tirage au sort place les deux équipes face à face dans le groupe F. Ce match symbolique se déroulera à Lyon le 21 juin 1998, sous l'œil attentif des médias du monde entier. A la clé, une photo historique : Iraniens et Américains posant ensemble sur la même pelouse. 2001 : Quand les blessures de l'histoire enflamment le stade Ce devait être le match de la réconciliation. Le 6 octobre 2001, la France rencontre l'Algérie pour une rencontre amicale au Stade de France. De nombreux ministres ont fait le déplacement, dont le premier d'entre eux, Lionel Jospin. Dès l'ouverture de la rencontre, alors que la fanfare entonne la Marseillaise, des sifflets raisonnent dans le stade. Quelques instants plus tard, des projectiles s'abattent sur la tribune officielle. Les ministres Marie-George Buffet et Elisabeth Guigou sont même touchées au visage par des bouteilles d'eau. Les caméras de TF1, qui retransmettent le match, restent imperturbablement braquées sur la pelouse. A la 75e minute de jeu, alors que les Bleus mènent 4 à 1, une Franco-Algérienne de 31 ans, Sofia Benlemmane, chef d'agence France Télécom à Lyon, pénètre sur le terrain en brandissant un drapeau algérien. Une centaine d'autres supporters la rejoindront. La pelouse est envahie. La fête n'aura pas lieu. Le match ne reprendra pas. 2002 : Une Coupe du monde pour deux En 2002, pour la première fois de son histoire, le Mondial est organisé non par un mais par deux pays. Deux frères ennemis asiatiques : la Corée du Sud et le Japon. Un compromis politique inédit que la Fifa s'est résolue à accepter, en dernier recours, afin d'éviter de renforcer les antagonismes entre deux rivaux politiques devenus concurrents économiques. Car une Coupe du monde est aussi une affaire de gros sous : Coréens et Japonais estiment les retombées économiques à 30 milliards de dollars... Outre de sérieux problèmes logistiques, des tensions voient le jour, notamment autour de la localisation des matches-clés de la compétition ou encore du choix de la mascotte de l'évènement. Lors du match d'ouverture, l'empereur japonais Akihito, chef d'Etat organisateur, refusera même de se rendre en Corée pour assister à l'évènement. 2010 : Meurtrière Coupe d'Afrique des nations Seize équipes auraient dû disputer la 27e édition de la CAN, mais la compétition s'est finalement déroulée sans l'équipe du Togo. Le 8 janvier 2010, les Eperviers togolais rejoignent l'Angola — où doit se dérouler la compétition —, par la frontière entre le Congo et l'enclave angolaise de Cabinda, mais leur car est attaqué au fusil mitrailleur. Bilan : deux morts dans la délégation, l'entraîneur-adjoint et le chargé de communication de l'équipe. L'attentat, revendiqué par le Front de libération de l'enclave de Cabinda, est relayé par les médias du monde entier. C'est un coup médiatique pour le mouvement séparatiste en lutte depuis plus de 25 ans, mais dont le combat ne fait plus guère parler de lui en dehors des frontières du continent noir.