La réforme fiscale a démarré au mois de mai dernier. Depuis, les six ateliers constitués autour des six axes de cette réforme devaient présenter des propositions de pistes de la réforme. Après une trentaine de réunions, les travaux de ces ateliers ont convergé vers les objectifs généraux, à savoir la justice sociale, l'efficacité du système fiscal et la modernisation de l'administration fiscale. Le temps est pour les réformes car l'histoire a montré que les périodes de transition politique offrent l'opportunité de lancer de profondes transformations qui pourraient façonner à moyen terme l'avenir d'un pays. En Tunisie, la fiscalité, vecteur de toutes les politiques, se place au premier plan des chantiers à entreprendre. Le temps est pour une profonde réforme qui mettrait fin à une série de timides réformes dans le cadre des lois de finances. Au fil des années, ces bricolages ont apporté plus de complexité que de solutions. Dans cette lignée, le ministre des Finances, M.Elyès El Fakhfakh, estime que le code actuel, datant des années 90, mérite une réforme, «après une révolution qui a apporté des transformations à tous les niveaux du pays, notamment économique». La réalisation d'une profonde réforme, ajoute le ministre, ainsi que la garantie de son adéquation et adoption sont tributaires de la participation des parties prenantes, ministères, syndicats, patronats, professionnels, experts... «Ce qui est de nature à garantir l'implication, le bon diagnostic et les bonnes propositions», selon M. Fakhfakh. Il a indiqué par ailleurs que cette démarche participative s'inscrit dans la consécration d'une nouvelle approche selon laquelle la confection des textes de loi fiscale n'est plus l'affaire des techniciens, seulement. On pénalise les bons payeurs Dans tout projet de réforme fiscale, une attention particulière est accordée aux répercussions financières de ces nouvelles dispositions, principalement quand il s'agit de sacrifice des recettes budgétaires ou dans le cas d'une pression supplémentaire sur le budget des ménages ou les comptes des entreprises. Le ministre soutient à cet égard la thèse selon laquelle la fiscalité pourrait générer des richesses à travers une stimulation des investissements. Et en deuxième lieu, les dispositions fiscales permettraient une répartition équitable de ces richesses. «Une fiscalité juste, transparente et simple incite à l'investissement et garantit une répartition équitable des richesses», note-t-il. Pour le moment, «le premier diagnostic réalisé au début de cette année montre beaucoup d'injustice et de complexité dans le système fiscal. Les équipes au travail se sont engagées à cerner les faiblesses mais aussi de faire des propositions pour améliorer le système actuel», rappelle-t-il. Par la suite, un travail de simulation permettrait d'évaluer la résultante des répercussions, négatives et positives, afin de planifier la réforme sur les exercices prochains. Et pour préserver ces ressources précieuses qui assurent à hauteur de 80% le fonctionnement du budget de l'Etat, le ministre préconise de travailler sur deux fronts : «Rendre plus juste l'actuel système qui pénalise les bons payeurs et intégrer les opérateurs qui échappent à l'imposition ». Le constat est flagrant à cet égard : «80% des recettes proviennent de moins de 1% des entreprises, dites transparentes», rappelle le ministre. En revanche, «près de 400 mille entreprises fournissent moins de 3% des recettes fiscales», martèle-t-il. Manifestement, les régimes spéciaux, notamment le régime forfaitaire, sont des sources d'injustice fiscale. Pis, «un volume important de l'activité économique échappe complètement à la fiscalité», renchérit-il. En somme, on est en train de sanctionner les entreprises transparentes et les bons payeurs. Le risque consiste, alors, en ce que les mauvais payeurs chassent les bons. «Nous n'avons pas fait payer les entreprises qui ne déclarent pas la totalité de leurs revenus et intégrer les opérateurs de l'informel qui échappent au système fiscal», avance-t-il. Dans cette perspective, notre travail, ajoute le ministre, vise l'allégement de la pression fiscale sur les bons payeurs et l'intégration des autres opérateurs du secteur informel, estimé à environ 40% de l'activité économique. Mais entre les bons payeurs et ceux qui ne payent pas, se dresse une large frange d'entreprises qui évoluent sous le régime forfaitaire, génèrent d'énormes recettes et payent de faibles sommes d'impôts, à l'instar de plusieurs professions libérales. L'un des axes de la réforme, rappelle le ministre, s'attaque à cette thématique et présente deux aspects. Le premier est comment limiter le «nombre extraordinaire» évoluant sous ce régime, près de 400 mille entreprises et qui génèrent moins de 5% des recettes budgétaires. Sur cette population,le ministre distingue les entreprises qui doivent passer sous régime réel et les autres qui n'existent que sur les papiers. «La facilitation de l'accès aux données bancaires permet de faciliter la tâche de l'administration fiscale», rappelle-t-il. Cette réforme se penchera, également, sur la révision de certains avantages fiscaux. Plusieurs études montrent que les entreprises totalement exportatrices qui ne payent aucun impôt sont plus performantes que celles qui exercent la même activité sur le marché national.