«Il n'y a aucune raison économique qui justifie le maintien de la subvention de l'essence», selon l'économiste Abderrahmane El Lahga. Porter le prix de l'essence de 1.57 dinar à son prix réel 1.92 dinar n'entraînerait aucun effet significatif sur le pouvoir d'achat des ménages, notamment de la classe moyenne ni à la compétitivité des entreprises. Mieux encore, l'Etat pourrait économiser une enveloppe de 200 millions de dinars de ses dépenses de compensation. «Il n'y a aucune raison économique qui justifie le maintien de la subvention de l'essence», martèle M. Abderrahmane El Lahga, lors de la conférence-débat organisée par l'ASECTU. Selon les estimations de l'universitaire, la compensation de l'essence ne bénéficie qu'à raison de 0.5% au profit des plus pauvres. Par contre, la distribution des bénéfices de la subvention montre que les plus riches accaparent 68% des 200 millions de dinars. La classe moyenne, la frange la plus étendue, ne bénéficie que de 20.5% de l'effort de la compensation. Tout simplement, la subvention de l'essence profite aux plus riches. Et cette frange de la société pourrait se passer d'une telle compensation. Le conférencier préconise, à cet égard, de renoncer, au plus tôt, à une telle subvention qui ne contribue pas à la réalisation des objectifs de base de la politique de la compensation, à savoir assurer l'accès des ménages à des sources d'énergie relativement propres, maintenir leur pouvoir d'achat et supporter la compétitivité de certaines industries. «La suppression de la subvention de l'essence se traduirait par une baisse de 0.02% du pouvoir d'achat des plus pauvres», justifie-t-il. Dans son analyse, basée sur des chiffres datant de mars 2013, l'économiste a classé les subventions au premier rang des dépenses publiques avec un score de plus de 5% du Pib. La part des dépenses allouées à la santé ou à l'enseignement supérieur ne dépassent par les 2% du Pib. Ainsi, toute la question est de savoir comment réallouer les ressources limitées de l'Etat aux priorités des citoyens, notamment les plus démunis. La subvention du GPL et du gasoil, un casse-tête Profitant aux plus aisés, la tâche est relativement simple pour l'essence. Mais toute la difficulté réside dans la subvention du gasoil dont l'utilisation est généralisée sur toutes les activités de transport ainsi que l'activité des agriculteurs et des pêcheurs. Commercialisé à 1.17 dinar, le diesel coûte près de 1.64 dinar, soit une subvention de 40%. Tout compte fait, cette compensation se traduit par des dépenses publiques de l'ordre de 690 millions de dinars, selon les estimations de l'universitaire. La subvention est plus marquante au niveau du GPL. La bonbonne de gaz de 7.4 dinars coûte, réellement, 23.3 dinars. La variation du prix est alors de 215%. Pour ces deux produits pétroliers, toute réduction des subventions entraîne des effets directs sur le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises. «Et les effets indirects ne sont pas à négliger, car, dans certains pays, il s'est avéré que leur impact est plus marquant que les effets directs», prévient-il. Des effets conséquents, explique-t-il, sur les prix, l'emploi et divers effets sociaux. L'électricité, le fardeau Près de 50% de la compensation de l'énergie est consacrée à la subvention de l'électricité. A court de données fiables, l'économiste n'avance pas de recommandations. Par ailleurs, il rappelle le flou que revêt la relation entre les entreprises publiques, l'ETAP, la STIR et la STEG. Mais il faut s'attaquer là où il fait le plus mal. Cette dernière subvention touche la quasi-totalité de la population. Sur le réseau de la Steg, la consommation des quelque trois millions de ménages tunisiens s'élève à 45% de la consommation nationale. Et le système de tarification par plage de consommation fonctionne plutôt bien, «bien que des études approfondies puissent apporter une meilleure reconnaissance des clients». Par ailleurs, les compteurs de la Steg permettent de dresser un fichier fiable des ménages et de leurs niveaux de consommation, sur tout le territoire tunisien. Le remplacement de la subvention généralisée par des transferts de fonds ciblés sur la base des compteurs de la Steg est une piste à creuser.