Les terroristes ont encore frappé. Lâchement, comme toujours. La bataille contre le terrorisme atteint un nouveau palier. Les guets-apens meurtriers visent les forces de l'ordre, selon un plan préétabli, démentiel. Les faisceaux et groupuscules islamo-fascistes propagent la mort à large échelle, méthodiquement. Il y va de la Tunisie, de ses institutions, de la République, de la paix sociale. Le spectre de la guerre civile et de la partition se profile, dangereusement. En même temps, les Tunisiens semblent abandonnés à leur sort par les responsables politiques. Ceux qui ont accouru aux devants des dignités et des privilèges s'agrippent à leur siège. Tout au plus tiennent-ils des semblants de discours mièvres, sans envergure. Destinés à légitimer l'inanité et chloroformer les consciences, ces discours discréditent leurs auteurs. Le chef du gouvernement et le chef de l'Etat en ont administré la preuve, pas plus tard qu'hier. La veille, le président de l'Assemblée constituante s'était contenté de professions de foi et de déclaration d'intention. Alors que la Tunisie fait face à une situation particulièrement critique, à nulle autre pareille, elle semble plus que jamais abandonnée à son sort, à la dérive. On affronte de nouvelles hordes sanguinaires. Mais on y fait face sans leader ni chef. Les trois présidences jouent les prolongations. Le surréaliste frise le pathétique. Nous l'écrivions sur ces mêmes colonnes, en manchette et à la Une, pas plus tard que dimanche dernier : «C'est la guerre !» Mais nos responsables politiques ne l'entendent pas de cette oreille. Ils s'empressent plutôt à redistribuer les prébendes et le butin. L'Etat, le gouvernement, l'administration sont sectionnés en fiefs. Des policiers éplorés dans leur chair par l'assassinat terroriste de leurs pairs, coupables d'avoir crié «Dégage» à l'adresse des trois présidents, sont traduits en cour martiale. Le gouvernement refuse de démissionner, au risque de bloquer ad aternaem le dialogue national. Le laxisme de hauts responsables gouvernementaux dans le traitement des groupuscules terroristes est patent. Ils les ont laissé faire, tisser les interstices de leur toile meurtrière en toute impunité. Avec, en plus, des légitimations abracadabrantes. Au début, ils ont accusé les médias nationaux, diabolisés à outrance, d'amplifier le phénomène terroriste. Les groupuscules s'entraînant dans les montagnes ? A les entendre, il s'agirait de bons pères de famille s'adonnant à d'inoffensives activités sportives. La prolifération vertigineuse des cellules salafistes djihadistes ? Ce seraient des jeunes exaltés rappelant à d'aucuns hauts dignitaires du régime leur prime jeunesse. Des prédicateurs de la haine et de la mort, originaires du Golfe, ont été reçus en grande pompe par de hauts responsables gouvernementaux. Les salons d'honneur des aéroports leur ont été ouverts. Des ligues meurtrières et fascistes sont encore tolérées, par centaines, en dehors de toute légalité. Des miliciens notoirement connus sévissent en toute impunité, font le coup de poing, agressent des citoyens, des journalistes, des artistes. Des centaines de mosquées sont encore investies par une faune de prédicateurs de la haine, autoproclamés imams de la misère de ces jours. De hauts responsables gouvernementaux en défendent l'existence. Des filières de recrutement de djihadistes enrôlés en Syrie opèrent tranquillement, au vu et au su de tous. Alertés par les médias, les services du ministère de l'Intérieur ont enfin daigné empêcher plus de six mille Tunisiens de rejoindre les rangs des djihadistes en Syrie. Des jeunes Tunisiennes sont recrutées par dizaines pour la prostitution au nom du sacré (dite jihad du nikah) en Syrie. Les terroristes tapis dans les montagnes rejoignent parfois leur famille pour quelques jours avant de reprendre le maquis. Toujours en toute quiétude. La liste est longue, accablante. Les terroristes agissent maintenant à découvert. Ils ont même l'initiative. Entre-temps, les chefs n'en finissent pas de s'agripper à leur siège et à leurs privilèges. Esseulés, les Tunisiens n'ont plus que leurs yeux pour pleurer. La Tunisie martyre pleure ses enfants. Encore une fois. Comme aux pires moments de la colonisation. Mais cette fois, la colonisation est interne.