Il faut se rendre à l'évidence que la lutte contre le terrorisme sera de longue haleine Dans une nation alors fraîchement débarrassée du joug du colonialisme, le département de la police avait besoin, à ses premiers balbutiements, de renforts en vue d'un meilleur rendement. D'où l'initiative personnelle prise par M. Tijani Ktari de créer un corps parallèle. Naquit alors le premier noyau de ce qui s'appelera «la Garde nationale» et qui sera composé essentiellement de fellagas, anciens combattants et prisonniers et scouts. 58 ans après, ce corps est devenu, de l'avis unanime des experts en matière de sécurité, le fer de lance et la principale force de frappe du ministère de l'Intérieur sur laquelle repose désormais l'espoir de tout un peuple. Témoignage à la fois averti et ému de M. Ktari (87 ans) qui suit encore de près l'évolution de cette lutte. Que pensez-vous d'abord des derniers événements de Goubellat et Sidi Ali Ben Aoun ? Je ne peux que m'incliner devant les dépouilles des gardes nationaux tombés sur le champ d'honneur. Et je présente mes condoléances les plus attristées à leurs familles, à leurs camarades ainsi qu'au peuple tunisien. Comment le terrorisme s'est-il installé si férocement dans nos murs ? Il fallait bien s'y attendre après l'incroyable relâchement sécuritaire dont avait souffert le pays au lendemain de la révolution. Un temps perdu si fou qu'il n'est pas facile de le rattraper en un temps record. Estimez-vous que les terroristes sont capables de frapper encore ? Assurément. En ce moment, on voit qu'ils temporisent, qu'ils s'offrent une pause après avoir fait mouche à Goubellat puis à Sidi Ali Ben Aoun, dans deux sorties que je considère comme des ballons d'essai lancés tactiquement par les terroristes. Le pire est donc à venir ? Sans pessimisme, je réponds par oui, étant donné l'existence avérée de cellules dormantes bien armées et qui pourront frapper de nouveau à tout moment. Que faire pour les contrer ? Il faut que l'Etat et la population se rendent à l'évidence que la lutte contre le terrorisme sera de longue haleine, vu le retard impardonnable qu'on a accusé pour déclencher cette lutte. Personnellement, je reste persuadé que plusieurs facteurs devront être réunis pour espérer battre les terroristes. A commencer par la restructuration des services de renseignements qui souffrent aujourd'hui d'un déficit certain. Ensuite, je pense que chaque gouverneur est appelé à redoubler d'efforts en matière de collecte d'informations sur les développements de la situation sécuritaire dans sa région, avant d'envoyer la banque de donnés aux départements concernés des ministères de l'Intérieur et de la Défense. Par ailleurs, il est communément admis, en matière de sécurité, qu'on ne peut rien, absolument rien, attendre de policiers et gardes nationaux mal équipés et au moral chancelant, d'où l'obligation de les doter d'armes sophistiquées et de les motiver psychologiquement et matériellement. Comment voyez-vous l'issue finale de cette lutte ? Je suis confiant en notre victoire finale, car il s'agit d'un combat d'honneur et de raison de tout un peuple contre des groupuscules qui auraient dû exprimer leurs revendications pacifiquement. Le mot de la fin ? La Garde nationale, désormais la plus sollicitée dans cette guerre fratricide, a été — et le restera toujours — à l'avant-garde. A ses enfants qui sont les miens, je leur dis ceci : par votre dévouement à la patrie, par les énormes sacrifices que vous ne cessez de consentir, par votre bravoure, par vos martyrs, le peuple tunisien vous en saura gré, vous soutiendra jusqu'à la victoire finale sur le terrorisme.