Ne cédant pas à la psychose, les Tunisiens font plus que jamais preuve de courage, de patriotisme et de détermination. Montée en puissance de la violence jihadiste aveugle. Le terrorisme, qui a pris tout son temps pour s'installer dans le pays jusqu'au moindre de ses recoins, frappe de plus en plus fort et élargit son spectre d'intervention. Aujourd'hui, après avoir franchi nombre d'étapes, sa stratégie de guerre est de frapper partout, presque simultanément, et éparpiller la capacité de défense du pays. Après la guerre des montagnes, les attentats touchent désormais les zones urbaines et passe aux opérations kamikazes. L'étape apocalyptique. Depuis les premiers événements de Châambi, la principale cible du terrorisme aveugle était l'appareil sécuritaire, le paravent protecteur des Tunisiens. Depuis mercredi dernier, en passant aux opérations kamikazes, à Sousse et à Monastir notamment, le terrorisme vise désormais directement les citoyens et les civils. L'insécurité atteint de ce fait son niveau le plus critique. Pourquoi maintenant? Après les derniers événements successifs de Goubellat, de Sidi Ali Ben Aoun et de Menzel Bourguiba, signes de la montée en puissance de la violence salafiste jihadiste, la réaction de la rue a pris un tournant décisif. La condamnation est violente, unanime. Manifestations de rue et de soutien aux forces de l'ordre dans toutes les régions. Les proches — hommes et femmes — des martyrs jurent, en prenant à témoin les Tunisiens, de venger leurs enfants lâchement assassinés, comme ce fut le cas pour les familles de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi. Les accusations sont ciblées, les Tunisiens promettent de ne pas reculer. Une chose est sûre : au lieu d'avoir peur, les familles des martyrs ont redoublé de courage, de patriotisme et de détermination. Touchées dans leur chair, dans leur dignité, ces familles affligées sont devenues des familles militantes, combattantes contre le terrorisme, contre l'islam politique radical, contre le mercantilisme religieux. En orientant leurs armes vers les citoyens, les terroristes adressent un message aux Tunisiens : la guerre est définitivement déclarée contre le peuple tunisien. Faut-il avoir peur pour autant ? Chasser la violence Après les assassinats politiques, l'occupation des mosquées, certaines transformées en dépôts d'armes, l'envahissement de la rue par les prêches de la haine et de l'appel au meurtre, les événements de Chaambi, de Goubellat, de Sidi Ali Ben Aoun et de Menzel Bourguiba, les Tunisiens, en colère, déçus, endeuillés, déprimés, sont plus forts et plus déterminés que jamais à lutter contre la gangrène du terrorisme et à se restituer la révolution de la liberté et de la dignité. « Le citoyen est en train de participer à presque toutes les opérations d'arrestations menées par les forces de l'ordre en fournissant l'information utile », précise une source du ministère de l'Intérieur. Et ce n'est pas tout. La prise de conscience du danger qui guette la Tunisie est générale. Même les collégiens et les lycéens l'ont prouvé. Pour cette raison, les citoyens ont commencé à bouger, à agir. Samedi dernier, à Kairouan, des habitants ont empêché un groupe de salafistes de réinstaller une tente de prêche ; à l'Ariana, ils ont stoppé net une réunion régionale du parti Ennahdha pour mettre fin à un discours violent et provocateur. L'intention n'était pas de remplacer une violence par une autre, mais de chasser la violence par une volonté irrésistible et un besoin urgent de sécurité et de paix. Force est de constater que le terrorisme est monté d'un cran depuis que le chef du gouvernement a signifié par écrit son intention de présenter la démission de son gouvernement trois semaines après le démarrage du Dialogue national. Faut-il établir un lien de cause à effet ou comprendre que le terrorisme parie sur le spectacle pour terroriser les gens, surtout quand commence la danse du coq ? Il faut bien croire que les dernières opérations américaines ciblées contre les chefs d'Al Qaïda, dans divers pays musulmans, et le coup de grâce porté aux Frères musulmans» d'Egypte, annoncent des jours difficiles pour l'internationale terroriste jihadiste. Du côté du ministère de l'Intérieur, le mot d'ordre est lâché : informer. Les forces de l'ordre ont besoin de beaucoup d'informations pour planifier leurs opérations et agir. Tout en mettant en garde contre les rumeurs et les informations non vérifiées circulant sur les réseaux sociaux, le ministère de l'Intérieur appelle les Tunisiens à la vigilance et au signalement de tout mouvement, individu ou objet suspects. Le département de Lotfi Ben Jeddou invite, par ailleurs, les Tunisiens à se contenter de l'information officielle pour ne pas contribuer au brouillage des pistes de nos forces armées sur le terrain. Dans l'intérêt général, les citoyens sont appelés à fournir autant d'informations que possible aux forces sécuritaires et autant que possible des informations justes et vérifiables. Mais l'atout majeur des forces armées et de l'ordre reste la confiance totale des Tunisiens dans la capacité de l'Armée, de la Garde nationale et des forces de sécurité à faire front au terrorisme et à le vaincre. «Nos forces sont bien équipées, l'arsenal de l'armée et des forces intérieures a été reconstitué au cours des deux dernières années, et nos troupes ont le moral et sont déterminées à mener à terme et avec succès leurs opérations sécuritaires», précise M. Lotfi Hidouri. Ni les tunnels bourrés d'explosifs, ni les vengeances de Abou Iyadh, ni les kamikazes, ni les voitures piégées ne doivent faire oublier que la force des troupes sur le front viendra, également, du courage, de la détermination et de la mobilisation du peuple aux côtés de ses vaillants soldats et officiers de tous les corps sécuritaires.