En ce mois de novembre, les acteurs culturels offrent une belle palette de ce genre cinématographique en pleine expansion en Tunisie. C'est, peut-être, en réponse à la crise du sujet dans les longs métrages de fiction, que le documentaire est désormais le lieu de nouvelles interrogations du Tunisien par le Tunisien. Les succès de certains films, ainsi que la multiplication de manifestations culturelles liées à ce genre, témoignent de la vitalité de ce cinéma. Bien avant la révolution du 14 janvier 2011, et depuis la relance du cinéma du réel avec VHS Kahloucha de Néjib Belkhadi, un film à succès public et qui a fait une carrière internationale intéressante, les jeunes cinéastes tunisiens ont compris que le documentaire représente l'alternative d'un «autre» cinéma. Il faut dire, également, que le développement d'outils numériques a banalisé l'accès à la fabrication d'images et a permis en même temps de réduire considérablement les coûts de fabrication d'un film. Par conséquent, la possibilité de réaliser un film se trouve à la portée du plus grand nombre. Et puis, il y a le contexte de la révolution qui, en quelque sorte, a libéré les artistes de la censure et de l'auto-censure. On ose désormais aborder des réalités dont l'ancien pouvoir a toujours nié l'existence. N'empêche que les réalisateurs du documentaire, tout comme les autres professionnels de l'art, sont «assignés à la résistance». Car, en cette période critique de la post-révolution, on n'est pas tout à fait sortis de l'auberge. On ne sait plus où se placent les limites de l'exercice du pouvoir. Condamnés à l'oubli D'un autre côté, une question s'impose : quel marché pour ces films documentaires? Après avoir fait le tour des festivals, et occupé, pour très peu de temps, les écrans des quelques salles qui restent, ces films sont condamnés à l'oubli. Aucune de ces télévisions qui poussent comme des champignons et qui disparaissent sans qu'on en sache les raisons n'a acheté ni diffusé l'un de ces films. Pour se vendre à l'étranger, ne faut-il pas, une fois pour toutes, établir certains critères, mettre en lumière les caractéristiques spécifiques de la diffusion de ces œuvres documentaires dans les salles de cinéma, à la télévision, en vidéo, en vidéo à la demande et à l'exportation ? Nous craignons, en effet, que l'expansion du documentaire dans notre pays ne soit une sorte de boulimie. Une simple réaction à un état de fait. En attendant plus de clarté quant à l'avenir de ce genre de cinéma, le public a l'occasion de fêter la 13e édition du Mois du Film documentaire, qui propose chaque année, depuis 1999, près de 3.000 projections en France et dans le monde. L'Institut français de Tunisie, le ministère de la Culture, la Fédération tunisienne des cinéclubs, l'Association Bizerte Cinéma, l'Association ACT du Kef et le CinéMadart s'associent pour offrir aux spectateurs de Tunis, du Kef, de Bizerte, Sousse et Sfax, une grande diversité de formes et de regards avec plusieurs films récemment primés dans des festivals internationaux. Au sud, on vient de clôturer la troisième édition du Douz Doc Days, qui a eu lieu du 1er au 6 novembre. Il s'agit d'une manifestation qui met en compétition des longs et des courts métrages documentaires tunisiens. Ouled Ammar, génération maudite de Nassreddine Ben Maati, qui vient d'entamer son premier cycle de projection à CinéMadart et , Hannibal, attire déjà un bon nombre de curieux. Après avoir été présenté pour la première fois le 24 septembre 2013 à l'ouverture du Festival international des droits de l'homme, Heureux le martyr de Habib Mestiri, un long métrage qui fait le portrait du militant assassiné, Chokri Belaïd, est actuellement à l'affiche dans quelques salles de la capitale et entamera une tournée, à partir du 8 novembre, à Zaghouan, puis à, Sousse, Sfax, Gabès, Tataouine, Médenine, Kairouan, Monastir et Mahdia. Avis à ceux qui tombent toujours des nues, en découvrant la réalité de leur propre pays, qui dépasse la fiction.