65% des Tunisiens pensent ne pas avoir de rôle positif dans la lutte contre la corruption Rares sont les Tunisiens qui n'ont pas eu affaire à une situation de corruption. 58% ont donné un pot de vin lié avec les impôts, 51% pour avoir une autorisation, 43% pour résoudre une affaire en relation avec la police ou les services de santé. Par ailleurs, 65% des Tunisiens pensent ne pas avoir de rôle positif dans la lutte contre la corruption. Ces résultats et d'autres sont mentionnés dans quatre rapports internationaux publiés au courant de 2013 dont le dernier, celui de Transparency international, vient d'être publié le 3 décembre courant. A l'échelle mondiale, la Tunisie vient cette année au 77e rang en termes de corruption après avoir perdu 18 places. A l'occasion de la Journée mondiale et nationale de la lutte contre la corruption, le 9 décembre, la synthèse de ces quatre rapports a été élaborée et présentée, samedi dernier, par l'auteur de cette synthèse, Kamel Ayadi, président de la Commission internationale de lutte contre la corruption pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, expert international en matière de politiques et de stratégies de lutte contre la corruption. Politique et argent s'attirent mutuellement Le Tunisien fait partie de l'équipe d'experts mondiaux relevant de l'Organisation internationale de la normalisation qui sont sur le point de mettre en place une norme ISO de la corruption. Selon Kamel Ayadi, la corruption n'est pas jusqu'à ce jour quantifiable, mais évaluée par simple perception car elle demeure cachée, tue, souterraine. Celle-ci fait que 69% des Tunisiens pensent que le secteur le plus corrompu est la police, puis les partis politiques, la justice et les médias. La question qui se pose est : pourquoi la corruption a-t-elle augmenté après la révolution ? La chute de la dictature, explique l'expert, entraîne un éparpillement du pouvoir et l'émergence de nouvelles pratiques illicites après l'affaiblissement des institutions et des mécanismes de contrôle. Dans un tel contexte, se développement la contrebande, le trafic d'armes et de drogue et le blanchiment d'argent. Et comme «politique et argent s'attirent mutuellement», ce contexte encourage le financement occulte des partis politiques et de certaines associations qui travaillent clandestinement pour des partis. «Les partis ont le pouvoir mais pas l'argent ; les hommes d'affaires ou les contrebandiers ont l'argent mais pas le pouvoir ; l'alliance des deux est pour ainsi dire naturelle», explique Kamel Ayadi. «La loi tunisienne sur le financement des partis est parfaite mais elle ne sert à rien si elle n'est pas appliquée à la lettre ; par ailleurs, dans le cadre de la loi sur l'enrichissement illicite, on s'intéresse aux anciens responsables et on laisse faire les nouveaux contrebandiers», ajoute l'expert qui considère que les lois à elles seules ne suffisent pas pour lutter contre la corruption. Les banques doivent faire face au blanchiment d'argent D'autres garde-fous sont indispensables, tel qu'un secteur bancaire habilité à faire front à l'argent sale venant du blanchiment, mais «les banques tunisiennes ne sont pas encore capables de jouer le rôle capital qui est le leur dans cette affaire». Selon l'expert tunisien, les notations des agences internationales et les rapports internationaux d'évaluation sont importants, même quand ils ne reposent pas sur des données précises et vérifiées car ces rapports et ces notes sont le miroir qui reflète l'image du pays et qui permet à l'investisseur étranger de se faire une idée sur le climat des affaires dans le pays en question. La corruption fait partie des sept critères qui ont un impact sur l'investisseur, dont la transparence, l'infrastructure, les compétences et la qualification, la main-d'œuvre, la propriété intellectuelle, etc. Il est démontré que la corruption est étroitement liée à la criminalité et que des sommes faramineuses échappent au circuit économique structuré et ne profitent pas aux Etats en termes de fiscalité. Le blanchiment d'argent à l'échelle mondiale est évalué à 1.000 milliards de dollars US, soit 4 fois le budget de la France.