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La menace du parallèle
Reportage — Marché de bir kassaâ
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 02 - 2014

Il est 6h30, pluie battante et froid de canard en ce début de journée du mardi 28 janvier. Direction El Mourouj, à la banlieue sud, pour une visite au marché de gros de Bir Kassaâ, le plus important des sept marchés de gros du pays (les six autres sont répartis dans d'autres villes) situé à quelque douze kilomètres du Centre-ville de Tunis. Une fois sur les lieux, le visiteur est projeté dans un autre monde : le garde-manger du Grand-Tunis peuplé d'hommes qui travaillent d'arrache-pied de 17h30 à 10h30 du lendemain pour écouler différents genres de produits frais en quantités impressionnantes, allant du poisson au fruit en passant par les légumes. Depuis 30 ans, cet univers de noctambules presque exclusivement masculin, peuplé de semi-remorques et d'Isuzu, de vendeurs et d'acheteurs à la fois rudes et solidaires, existe et se perpétue.
7h30 : les poissonniers ont tout vendu
«L'activité sur le marché commence à partir de 17h30 avec l'arrivée des camions chargés de produits», indique Nizar Baâtout, directeur d'exploitation à la Société tunisienne du marché de gros (Sotumag). «Ce sont les 1.400 employés de la Coopérative des manutentionnaires qui s'occupent du déchargement des caisses de polystyrène remplies de produits. En hiver, deux équipes se relaient. L'une démarre à 17h00 et l'autre prend la relève par la suite. En été, les équipes travaillent sans interruption» explique-t-il. La vente du poisson commence à 3h30 et celle des fruits et légumes à 5h30. Ainsi est organisé le travail dans cette gigantesque plateforme.
Au pavillon poissonnerie, qui compte 24 mandataires, le groupe Abdelhamid Trabelsi et fils, mandataire dans la vente de poisson depuis 1979, l'activité est terminée. Tout a été vendu. Les dernières caisses de rougets et d'anguilles sont liquidées. «Aujourd'hui, vingt tonnes de poissons ont été vendues. Une bonne moyenne en cette période de mauvais temps», dit-il. Le rouget de calibre moyen a été vendu à 0,200 D le kilo. Les prix dépendent de l'offre et de la demande. Ce pavillon 100% informatisé est le mieux équipé avec des caméras de vidéosurveillance.
8h30 : les prix des fruits et légumes en hausse
Rien n'est affiché, tout se négocie. Les caisses de légumes et de fruits, disposées les unes sur les autres, offrent une palette de couleurs attrayantes allant du rouge de la tomate et des fraises, en passant par le vert de la laitue et des poivrons. La célérité est souhaitée pour que les produits ne perdent pas de leur fraîcheur. Les intermédiaires guettent les preneurs. L'un du groupe des représentants de l'Office de défense des consommateurs (ODC), en visite ce matin-là, inspecte le fond de la caisse des pommes pour juger des calibres des fruits. Souvent les plus belles pièces sont exposées au-dessus, le reste, moins attrayant, est placé au fond.
Aymen, 25 ans, agriculteur de Monastir, travaille depuis l'âge de 9 ans. Il livre 10 tonnes de légumes par jour. Le mandataire, en charge de la vente de sa marchandise, doit liquider le reste au plus tard à la fermeture du marché à 10h00. Derrière son sourire, le jeune homme se plaint d'abord des prélèvements effectués par le mandataire qui sont de 12% au marché de gros de Bir Kassaâ et de 14,5% dans celui de Sfax, ainsi que de l'insécurité qui règne dans les lieux. «Le mois dernier, on m'a volé le pneu de ma semi-remorque et un collègue n'a pas trouvé son camion», fait-il remarquer. La question de la sécurité se pose avec acuité et inquiète les commerçants.
En effet, depuis la révolution, il y a un relâchement de la part des agents de sécurité qui ne sont pas en nombre suffisant. Les rares caméras de surveillance, installées à l'entrée principale et au pavillon poissonnerie, aident à détecter les voleurs ou éventuels agresseurs, mais ne peuvent agir sur les trafiquants qui s'adonnent à un commerce illicite sous le manteau comme la vente de boissons alcoolisées ou autres formes de produits prohibés sans compter les actes de violence qui peuvent survenir au cours d'une bagarre. La présence des agents de l'ordre est indispensable, en raison de l'affluence considérable des intervenants.
Ammar Ben Chaâbane, la soixantaine, est un agriculteur de Kairouan. Il vend des pommes de terre à 2D la caisse avec les 15% de prélèvement. Cette dernière arrive au détaillant à 2,300 D ce qui est relativement cher. Sur ses terres, il la vend à 0, 400 D le kilo. «Bientôt, j'abandonnerai la culture de la pomme de terre parce qu'elle ne rapporte rien. Si je compte le chargement, le transport et toutes les autres taxes, il ne me reste rien. C'est pourquoi je me dirige souvent vers le marché parallèle où on n'est pas soumis au 15%».
«40% des produits se trouvent au marché de gros et les 60% sont écoulés au marché parallèle. Les quantités existent, mais les prix sont chers, ce qui fait fuir les agriculteurs», souligne Slim Saâdallah, représentant de l'ODC. Un agriculteur de Sfax déplore le taux élevé de prélèvement de 12% effectué par le mandataire. «C'est la raison pour laquelle nous préférons vendre nos produits sur nos terres. Le marché de gros ne nous intéresse plus», déplore-t-il.
De son côté, le mandataire explique qu'il prend de chez l'agriculteur 12% sur le chiffre d'affaires de l'agriculteur, 3% de chez le détaillant. Ce qui fait un total de 15% réparti comme suit : 2% à la Sotumag, 2% retenue à la source pour les caisses de l'Etat, 5% au mandataire et 3% à la Coopmag. Cette dernière bénéficie de 3% remis par le détaillant, ce qui lui fait un total de 6%. «15% représente le taux le plus élevé au monde», selon Slim Saâdallah.
9h00 : les services sanitaires
encore présents
Mohamed Trabelsi, la cinquantaine passée, blouse blanche de circonstance, travaille depuis 29 ans comme technicien supérieur de l'hygiène à la Sotumag. «Le service d'hygiène commence le travail à 2h30. Une équipe inspecte le poisson et une autre les légumes et les fruits», raconte-t-il. Il nous montre un lot de tomates avariées qu'il vient de saisir. «En 2013, nous avons saisi 2.700 tonnes de fruits et légumes avariés. Nous procédons à une inspection organoleptique avec des prélèvements que nous analysons dans nos laboratoires. Pour ce qui est du poisson, le prélèvement se fait avec de l'acide basique volatile totale qui nous indique la fraîcheur du poisson. Pour des analyses plus approfondies, nous envoyons l'échantillon aux laboratoires. Une équipe présidée par un médecin vétérinaire, Fawzi Kechrid, veille au grain. Mais, je tiens à souligner qu'il y a une grande amélioration au niveau des conditions d'hygiène, notamment dans le transport et la chaîne de froid, ainsi que l'emballage adéquat avec calibrage, triage, et ce, grâce aux opérations de sensibilisation menées par tous les intervenants», estime-t-il.
Au terme de leur tournée, les membres de l'ODC Sana Weslati, Thouraya Tabassi, Akram Barouni et Slim Saâdallah ont constaté que les quantités de poisson et des fruits et légumes sont disponibles, mais que les prix restent chers. Le poivron se vend entre 0,900 D et 1,700 D le kg au détaillant. Ces prix sont augmentés de 15%, ce qui revient à environ 2,000 D à 3,000 D le kg à la vente au détail. Une douzaine d'artichauts coûte 3, 000 D auxquels il faut ajouter les 15%. Les pommes sont à 2,000 d.
9h30 : fin de partie
Les vendeurs cèdent la place aux équipes de nettoyage qui commencent à investir les lieux. Tuyaux d'eau et balais en mains, ils s'adonnent au toilettage du marché. Chaque jour, le marché produit 20 tonnes de déchets. Ces déchets sont collectés et transportés dans une station de dénaturation et de broyage puis atterrissent à Borj Chékir. L'équipe nettoie et désinfecte les pavillons, qui auront changé d'allure et seront prêts pour une nouvelle nuit de vente.
Changement de décor. Salah Bergaoui, P.-d.g de la Sotumag, se veut rassurant. «1.200 tonnes par jour de produits sont écoulés au marché de gros. La vente se fait avec facture informatisée et les prix sont tout à fait raisonnables. Nous tenons à mettre en confiance les agriculteurs, en les exhortant à vendre leurs produits au marché de gros et aux détaillants de s'approvisionner ici également. Il y a trop de risques dans le marché parallèle», confie-t-il.
Pour le visiteur de passage, le marché de gros, c'est un peu comme une foire. L'espace est trop grand pour être découvert en une seule fois. Alors, on sacrifie certains pavillons pour nous rendre à l'unité de valorisation énergétique des déchets organiques ou, plus couramment appelé, le digesteur pour les déchets organiques. Ce digesteur, dont l'activité a été stoppée en juin 2010, est capable de produire de l'électricité à partir de la valorisation des déchets organiques. Sa capacité d'accueil est de 70 tonnes de déchets par jour, tandis que le marché de gros ne rejette que 20 tonnes par jour dans le meilleur des cas. Le coût du projet est de 4 milliards de dinars.
«Une fois opérationnel, ce digesteur pourra recueillir les déchets des marchés municipaux d'autres communes du Grand-Tunis. Actuellement, le marché de gros dépense 200 mille dinars en électricité. Avec la reprise de cette unité, dont la capacité est estimée à 430 mégawatts, nous pouvons faire l'économie de 350 mille dinars par an. Ce qui nous permettra de couvrir les besoins de la société et de générer des recettes supplémentaires à travers même la vente de l'excèdent de l'électricité à la Steg. Un technicien italien devrait venir le remettre en marche. Une fois le problème résolu, les perspectives sont prometteuses», affirme le P.-d.g de la Sotumag. Il faut attendre fin 2014 pour que ce projet soit fonctionnel.
Direction l'unité de refroidissement du biogaz. Elle tourne actuellement à 10%. Cinq chambres de congélation sont louées à 900 dinars par mois pour le stokage des dattes, pommes et bananes. Ce n'est qu'à partir du mois de juin que l'affluence augmente en raison évidemment de la chaleur. L'unité est équipée de matériel informatique qui régit la température des chambres.
Il est presque 10h00, la pluie a cessé, mais l'activité ne semble pas se calmer. Les Isuzu et les camionnettes stationnent le long des pavillons. Les livreurs embarquent les dernières caisses de marchandises. Dans les entrepôts, on aperçoit des montagnes de caisses vides.
Une mise à niveau nécessaire
La visite guidée se termine dans la salle de réunions de la Sotumag en présence de l'équipe de l'ODC, de quelques représentants de médias nationaux et des cadres de la société du marché de gros pour assister à un exposé présenté par le P.-d.g, Mohamed Trabelsi. Un exposé au cours duquel ce dernier a mis l'accent sur le chiffre d'affaires de la société qui «a augmenté de 5,7% au cours du premier semestre 2013 par rapport à l'année dernière (même période), passant de 3,945 millions de dinars (MD) en 2012 à 4,170 MD cette année. Quant aux recettes, elles ont enregistré une augmentation de 8,25% par rapport aux dix premiers mois de 2012 face à un accroissement des charges totales de 4% ».
Tandis que le rythme d'approvisionnement du marché a connu, par ailleurs, au cours des dix premiers mois de 2013, un ralentissement de 0,3% par rapport à la même période de 2012. Les quantités de fruits, légumes et poissons écoulées sur le marché de gros ont atteint environ 292,6 mille tonnes en 2013 contre 293,4 mille tonnes en 2012. Concernant l'évolution des prix, ceux des fruits et poissons ont augmenté respectivement de 20,8% et 2,3%, tandis que ceux des légumes ont régressé de 0,5% par rapport aux 10 premiers mois de 2012.
Sur un autre plan, la société envisage de développer son système informatique de vente au sein du marché, de diffuser une liste des prix sur les téléphones portables et de généraliser un réseau Internet et des caméras de vidéosurveillance, notamment, dans le reste des pavillon fruits et légumes. La société projette également d'unifier la base de données sur les clients et les mandataires et d'exploiter une application informatique qui contrôle les clients à la sortie du marché, l'objectif étant «de renforcer la transparence des transactions et réduire les coûts de gestion», selon le P.-d.g de la Sotumag.


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