Branle-bas diplomatique tout au long de la semaine écoulée. Avec des hauts et des bas Acte I : sitôt investi, le ministre des Affaires étrangères balise son territoire. On plutôt réitère une profession de foi qu'il partage avec le chef du gouvernement. Il déclare le rééquilibrage imminent de la politique extérieure tunisienne. Y compris vis-à-vis de la Syrie. Tout le monde a en mémoire la rupture navrante et intempestive des relations diplomatiques tunisiennes avec Damas sur un coup de tête présidentiel. Acte II : le chef du gouvernement, M. Mehdi Jomâa, et le ministre des Affaires étrangères, M. Mongi Hamdi, reçoivent pas moins de 86 ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques accrédités en Tunisie. Les deux font la paire. En solo. A Carthage, on grince des dents. Acte III : la Présidence de la République prend l'initiative d'inviter un parterre d'illustres hôtes étrangers pour célébrer la nouvelle Constitution tunisienne. Les délégations étrangères sont nettement en deçà des attentes. Les invitations ont été improvisées à la va-vite. Les bourdes diplomatiques assombrissent le tableau déjà terne. Les Américains quittent l'hémicycle. Leur ambassade à Tunis publie un communiqué où elle fustige le discours du président du Parlement iranien, Ali Larijani, prononcé du haut de la tribune de l'Assemblée constituante. De son côté, le chef de l'Etat français, François Hollande, annule in extremis la conférence de presse qu'il devait tenir avec le président Moncef Marzouki. Il regagne Paris tandis que des diplomates français à Tunis déclarent qu'il a des rendez-vous incontournables. Acte IV: le ministre des Affaires étrangères reçoit des diplomates tunisiens limogés ou écartés par son prédécesseur. Il promet de les rétablir dans leurs droits. En même temps, croit-on savoir, il évoquera incessamment les nominations partisanes aux postes diplomatiques. Sur un autre registre, des proches collaborateurs du président provisoire de la République briguent les postes diplomatiques à Berne, à l'Unesco et au secrétariat général de l'Union du Maghreb Arabe (à Rabat). Moyennant des blocages et des refus non déguisés de partenaires étrangers dont l'assentiment est requis. Acte V : des partis politiques de la place et une bonne partie de l'opinion déplorent que l'initiative présidentielle portant commémoration internationale de la Constitution tunisienne eût lieu le 7 février. Soit en pleine commémoration de l'assassinat terroriste de Chokri Belaïd survenu le 6 févier 2013. Une manière de noyer le poisson, ce qui rappelle l'absence de commémoration officielle, par les trois présidences tunisiennes, d'un événement qui a complètement changé la donne dans le pays. Encore une fois, le timing choisi obéit à des motivations secrètes et, somme toute, contre-productives. L'amateurisme et les calculs de boutiquiers de la présidence sont déconcertants. On a l'impression qu'elle s'avise, à proprement parler, de réinventer la roue. Son déni de l'Etat tunisien, de son héritage, et des valeurs de la République, est affligeant. Ici comme ailleurs, l'ignorance et le bricolage ne sont pas un argument. Lorsqu'on a en charge les hautes fonctions de l'Etat, les tempéraments outranciers et les fixations obsessionnelles ne doivent guère être de mise. L'esprit de revanche aussi. L'intérêt public doit primer. Même dans les monarchies, on parle de l'intérêt de la couronne. Soit quelque chose de supérieur, bien au-dessus de la seule personnalité du monarque. Et puis il est maintenant admis que la diplomatie bicéphale, partagée entre la Présidence de la République et la présidence du gouvernement, a ses risques et périls. Il est impérieux d'y parer au plus vite pour que la Tunisie parle d'une seule voix... Et pour que l'intérêt supérieur du pays et la géostratégie l'emportent sur les coups de tête. Fussent-ils présidentiels.