La région réclame des solutions économiques radicales plutôt que des palliatifs. Un hiver chaud... très chaud pour nos pairs, à Sidi Amor Bouhajla (Kairouan), ayant bien souffert le calvaire. Là, pas un «douar» ou presque n'a reçu la visite éclair nocturne de ces fantômes motorisés. Qui, à l'approche des lieux ciblés arrêtent leurs moteurs et, codes et phares désactivés, poussent silencieusement leurs tacots jusqu'aux hangars, pour embarquer boucs et béliers en quantités, avant de prendre la poudre d'escampette et s'évaporer... Et les chiens? Si, dans ces «douars», tout le beau monde faisait à loisir de «beaux» rêves et ronflait à poings fermés, qu'advenait-il alors du troupeau de chiens bergers, censés être aux aguets? Qu'à cela ne tienne! Les assaillants savent pertinemment comment neutraliser ces bêtes pour pouvoir opérer, sans le manège et les aboiements coutumiers, dans la parfaite sérénité. On n'en dira pas plus, pour des raisons faciles à deviner... Motus et bouche cousue sur le mode opératoire... et les petits tours joués par la faune des «vautours», aux espèces canines, pour les apprivoiser et les rendre câlines... Le cheptel ramassé, sous la lueur des torches des portables, est immédiatement viré sur des entrepôts top-secret! Cela, avant d'être commercialisé ailleurs, dans des souks hebdomadaires, éloignés des zones sinistrées. Tous... dans le guet-apens Pas moins d'une cinquantaine de têtes, ovines et caprines confondues, ont pu être récupérées par la police et la Garde nationale de Bouhajla et de Kairouan. Le chef de la bande, ainsi que ses acolytes ont été aussitôt arrêtés dans un guet-apens qui leur a été astucieusement dressé jeudi dernier. Au cours de l'enquête, les malfrats ont eu à reconnaître une dizaine d'incursions, opérées aux environs de Sidi Amor Bouhajla et de Kairouan et montrer un à un, les «douars» qu'ils avaient «visités». Bonjour le sale boulot! A notre question de savoir pourquoi au juste la région de Bouhajla s'est fait une si mauvaise réputation en matière de délinquance, le chef de Brigade de la Garde Nationale, ayant brillé de mille feux dans cette affaire,nous a surpris par sa réplique spontanée : «Lorsqu'il n'y a pas d'usine ni de boulot... bonjour le sale boulot!». Ne voilà-t-il pas quand même une réponse sensée, censée rompre avec le vieux langage policier, soutement l'idée du criminel-né, aux chromosomes tout à fait particuliers... Un tronc commun et... des spécialités Notre enquête sur le phénomène de la délinquance dans la région de Sidi Amor Bouhajla nous a permis de savoir que chaque zone périphénique de cette ville s'est fait un «nom» et une «réputation» dans une catégorie de méfaits, telle que le vol de voitures, de motocyles, d'engins agricoles, etc., tandis que le «tronc commun» demeure le vol de bétail et de volailles. Ceux-ci étant la fortune presque exclusive des milliers de fellahs de la région et constamment à portée de main... des mains coupables. Un investissement singulier Il nous a été donné d'apprendre par la même occasion que, jeunes et moins jeunes de ladite région se font parfois une raison d'investir dans le domaine de la... délinquance! Et faute de projets économiques honnêtes et règlementaires, on se résoud à miser sur des procédés tortueux, procurant des gains illicites à la fois rapides et faciles. C'est ainsi qu'on voit, parfois, des jeunes s'organiser en petits groupes pour s'associer dans le financement et l'acquisition de la logistique du crime, tels que les camionnettes et véhicules de tous genres destinés au transport du butin, la location de locaux pour rassembler le bétail volé à écouler en temps opportun, etc. Par ailleurs, on nous dit qu'on vient d'affecter à Sidi Amor Bouhjajla une brigade anti-gang pour soutenir et venir en aide aux équipes de police déjà en place. Cela est bien. Mais on aurait mieux fait d'y affecter des fonds et des investissements pour mieux occuper nos enfants et leur éviter... l'affectation d'autres renforts et brigades anti-gang! Aujourd'hui, Sidi Amor se voit accorder un temps de répit. On fête prudemment la bonne nouvelle... dans la hantise d'une éventuelle mauvaise nouvelle. Tant et si bien que pour ces êtres, la bête est une partie de leur être. C'est, pour tout résumer, leur raison d'être...