Dans le cadre des négociations qui visent la révision du salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig), les partenaires sociaux devraient se réunir, aujourd'hui, pour la deuxième fois en moins d'une semaine avec le ministère des Affaires sociales. Entre-temps, le ministre des Affaires sociales a participé récemment au séminaire de clôture du projet de jumelage entre la Tunisie, la France et l'Allemagne sur l'«appui au plan national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles». Après son allocution d'ouverture, il a répondu à trois questions sur une éventuelle augmentation du Smig, le déficit des caisses sociales tunisiennes et le volet de la représentativité syndicale lors des négociations sociales. Les caisses sociales (Cnrps, Cnss et Cnam) connaissent actuellement un déficit important ayant atteint plus de 200 millions de dinars en 2012 et serait de l'ordre de 400 millions de dinars en 2014. Certains experts parlent même de faillite. Qu'en pensez-vous et avez-vous des solutions pour combler ce déficit ? Il est vrai que les caisses sociales en Tunisie passent par une situation très difficile. Par exemple, la Cnrps n'a plus de réserves, tandis que les réserves de la Cnss ont été réduites à celles d'une seule année. Alors que les normes internationales préconisent que les réserves pour une caisse sociale doivent être équivalentes à celle de 36 mois (3 ans). Donc la situation est très critique. La situation risque de devenir catastrophique si le gouvernement et les acteurs sociaux, dans le cadre du contrat social, ne prennent pas des décisions urgentes pour résoudre ce problème. Il y a un consensus général sur la gravité de la situation. Pour ce qui est des solutions, le ministère ne va pas décider tout seul. Les partenaires sociaux (l'Ugtt et l'Utica) auront leur mot à dire sur ce sujet. Certes, il y a des solutions urgentes pour stopper l'hémorragie mais il y aura aussi des réformes globales et drastiques qui pourront s'étendre sur deux ou trois ans. Parmi les solutions urgentes déjà proposées, il y a trois alternatives : soit on proroge l'âge de la retraite, soit on augmente les contributions ou on réduit les privilèges dont bénéficient les retraités. Logiquement, la troisième solution est à exclure car on ne peut priver quelqu'un d'un privilège déjà acquis. Il nous reste alors deux cas de figure. Pour ce qui est de l'augmentation des charges de cotisation, ce serait aussi difficile à appliquer. Vu la baisse du pouvoir d'achat et la situation assez précaire de certains salariés, il serait irrationnel de suivre cette voie. Donc nous n'avons pas le choix. Quand on a évoqué la prorogation de l'âge de la retraite comme solution, on a vu que c'était la solution la plus raisonnable à appliquer. Le gouvernement actuel ne prendra aucune décision à ce niveau de façon unilatérale. Ce n'est qu'une proposition parmi d'autres visant à faire face au déficit des caisses sociales. Tout sera décidé dans le cadre des négociations avec l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), dans une première phase, et avec les composantes de la société civile dans une phase ultérieure. Mercredi dernier, le siège de votre ministère a accueilli la première réunion de concertation consacrée aux négociations sociales sur l'augmentation du salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig). Où en êtes-vous dans ce dossier ? Au cours de cette réunion, nous avons échangé avec les trois partenaires sociaux (l'Ugtt, l'Utica et l'Utap) les données et les indicateurs de notre situation économique. Et chaque partie a donné son avis et sa vision des choses. Et nous nous sommes donné rendez-vous pour une deuxième réunion qui se déroulera aujourd'hui. Ce qui est sûr, c'est qu'il va y avoir une augmentation du Smig. Après la révolution, le pluralisme syndical a repris ses lettres de noblesse. Malheureusement, ces derniers temps, une guerre de positionnement oppose l'Ugtt et la Cgtt autour du principe de la représentativité. Si certains accusent le gouvernement de favoriser l'Ugtt sur les deux autres centrales syndicales en lui accordant l'exclusivité lors des négociations sociales, d'autres pensent qu'il est impératif de réviser le Code du travail tunisien pour mettre fin à cette querelle. Quelle est votre position sur ce sujet ? Ce que vous venez de dire est très important. Les lois tunisiennes reconnaissent le pluralisme et la liberté syndicaux. Le problème se pose au niveau de la représentativité syndicale. Le législateur tunisien est assez clair dans ce cas précis : il dit que les négociations sociales se tiennent avec la centrale syndicale qui est la plus représentée au niveau sectoriel et national. En Tunisie, la centrale qui est la plus représentée dans le paysage syndical est l'Ugtt. Donc c'est à cette dernière de négocier avec le gouvernement dans le cadre du contrat social. Les autres centrales syndicales ont tendance à soutenir le principe de la représentativité proportionnelle. Or ni l'administration, ni le ministère ne peuvent fixer les critères de la représentativité proportionnelle. Il faut qu'il y ait un consensus sur cette problématique. Actuellement, plusieurs experts, surtout au niveau du BIT (Bureau international du travail), sont en train de discuter ces critères et le 11 avril 2014, un séminaire sur le pluralisme syndical va dresser son chapiteau en Tunisie où la question de la représentativité sera abordée.