Le soir du samedi 7 juin 2014, Eya, une adolescente tunisienne de 13 ans, est décédée des suites des brûlures qui lui ont été infligées par son géniteur : un crime d'honneur que toute la société civile a condamné, hier, à travers une marche blanche et silencieuse Sur initiative de jeunes activistes et blogueurs, une centaine de personne dont plusieurs personnages publics (Mme Basma Khalfaoui Belaïd, Lina Ben Mhenni, Dr Sami Ben Sassi, Zeineb Ben Farhat, etc.) ont rejoint, hier, vers midi, la marche blanche et silencieuse qui a débuté au niveau de la Place des Droits de l'Homme à l'avenue Mohamed V pour finir devant le siège du ministère des Affaires de la femme et de la famille, sise à l'avenue Habib-Bourguiba. «Une bougie brûlée par des esprits obscurs» Devant le siège du ministère, les manifestants ont observé une minute de silence. Ensuite, ils ont récité la Fatiha à la mémoire de la petite Eya. Puis, les présents ont entonné «a capella» l'hymne national tunisien dans une ambiance qui donnait la chair de poule. Plusieurs slogans étaient affichés sur des pancartes durant cette marche blanche et silencieuse : «Non au harcèlement, non à la violence, non au viol !», «Une bougie brûlée par des esprits obscurs», «Si Eya était un garçon, elle serait encore vivante », «Ma fille a droit à l'amitié», «Personne n'est à l'abri», «Tuée à 13 ans, sommes-nous en Afghanistan ?», « You're supposed to be her protecter not her murderer» (Vous êtes supposé être son protecteur non son tueur), « Moi aussi j'ai été violée par «Papa» », «L'ignorance a cueilli la fleur de l'automne», «Pour la culture de la vie, contre la culture de la mort», «Non à la violence contre les femmes et les enfants», etc. La victime, Eya, est une fillette de 13 ans, habitant à la cité Ibn Khaldoun qui, le 28 mai dernier, a été aspergée d'essence et brûlée vive par son père, seulement et uniquement parce qu'elle s'est fait raccompagner par un camarade de classe. L'enfant est décédée le soir du samedi, 7 juin 2014, des suites des brûlures qui lui ont été infligées. Selon Amir Sfaxi, un jeune blogueur tunisien et l'un des organisateurs de cette marche, l'idée de cette mobilisation est née suite à l'indignation générale provoquée par cette sordide affaire. Les réseaux sociaux font le boulot «C'est tout un collectif de plusieurs jeunes qui s'est mobilisé via les réseaux sociaux (Facebook et Twitter). Ensuite, Lina Ben Mhenni, Feten Abdelkefi, Asma Mansour, Wala Kasmi, Amal Amraoui et moi-même, nous avons décidé de créer un événement Facebook intitulée marche blanche et silencieuse pour Eya : Eya sawt edhahaya (Eya est la voix des victimes). Dès l'annonce de l'événement sur Facebook plusieurs artistes, activistes, blogueurs et associations ont apporté leur soutien à notre cause comme en témoigne le nombre des participants à cette marche», a-t-il déclaré. L'activiste et blogueuse, Lina Ben Mhenni a souligné qu'il s'agit d'une marche apolitique, organisée par un groupe de citoyens. « La pauvre petite Eya est décédée au bout de 10 jours, elle a fini par succomber à ses brûleurs à l'hôpital Mohamed-Bouaâzizi des grands brûlés de Ben Arous. Donc, on a décidé d'organiser cette marche pour briser le silence qu'on a remarqué au début de cette affaire. Personne n'a voulu bouger pour Eya. L'événement est passé comme un fait divers de tous les jours alors que ce n'est pas le cas. On n'est pas habitués à ce genre de crime et de comportement étrangers à la Tunisie. Ce crime nous rappelle les crimes dits d'honneur dans d'autres pays de la région arabe et qui, en Tunisie, n'ont pas leur place», a-t-elle précisé. Elle renchérit : «Je tiens à préciser qu'il s'agit d'une action purement citoyenne. On a senti le danger qui guette notre société et on a décidé de bouger. C'est une marche en l'honneur d'Eya, sa mémoire, mais c'est aussi un appel pour concrétiser les articles de la nouvelle Constitution, notamment les articles 46 et 47 qui traitent de la violence à l'encontre des femmes et des enfants. Nous appelons aussi les gouvernants à adopter plus de lois pour protéger davantage les femmes et les enfants. Nous avons besoin de plus d'institutions dans ce genre de protection : des centres d'écoute et des organismes d'accueil des victimes de violences». Un silence politique et médiatique D'après les organisateurs de cette marche pacifique, cette mobilisation a pour but de briser l'omerta « autour des violences faites aux filles, aux femmes et aux enfants et dénoncer les crimes subis par presque la moitié des femmes tunisiennes et la quasi-totalité des enfants tunisiens/tunisiennes. » Toujours selon Melle Ben Mhenni, il faudrait qu'il y ait plus d'actions de la part des décideurs tunisiens au lieu des paroles creuses et des fausses promesses. «Il faut bouger ! Il y a plein de problèmes un peu partout en Tunisie... La situation est vraiment très grave. », a-t-elle conclu. De son côté, le médecin activiste, Dr Sami Ben Sassi, a dénoncé le silence politique et médiatique qui a entouré cette affaire.