La Tunisie est plus que jamais appelée à mettre en place ou, au moins, à réfléchir sur le contour d'un nouveau modèle de développement. Un modèle post-transitionnel. La révolution a certes libéré le pays, mais bon nombre de problèmes structurels latents, inhibiteurs d'une croissance généralisée, subsistent. Le fait de comprendre clairement et de surmonter les obstacles majeurs à la croissance généralisée dans le pays est un ingrédient essentiel à la réussite de la révision du modèle de développement tunisien. D'où la réflexion engagée par plusieurs départements ministériels afin de définir les contours d'un nouveau modèle de développement à même de préparer l'avenir de la Tunisie. Il s'agit, notamment, du ministère de l'Economie et des Finances, de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des TIC et de la Banque centrale de Tunisie. Des institutions qui se sont retrouvées, hier, dans le cadre d'un atelier stratégique national placé sous le signe «Vers un nouveau modèle de développement pour la Tunisie». Objectif : faire le point sur les différentes études et propositions élaborées, examiner ce qui a été réalisé, ce qui reste à faire et dessiner, le cas échéant, les contours d'un nouveau modèle de développement. L'atelier est une occasion pour engager la réflexion en vue d'une construction stratégique d'un nouveau modèle qui demande, cela va sans dire, un travail de longue haleine qui mériterait un consensus national et une lecture des expériences internationales, afin de faire de la Tunisie un nouveau pôle émergent en Méditerranée », a indiqué Hakim Ben Hammouda, ministre de l'Economie et des Finances. Et d'ajouter, il est clair que notre modèle de développement, des années 70 s'est essoufflé et qu'il nous faudrait définir un programme qui nous mènera, au cours des prochaines années, avec le prochain gouvernement à un nouveau modèle». A ce titre, il a fait appel aux principaux partenaires, bilatéraux, multilatéraux et internationaux, aux responsables politiques, aux acteurs économiques, aux institutions financières nationales et internationales pour contribuer à la définition du nouveau modèle de développement. Car, ce dernier n'est pas le seul apanage du gouvernement ou encore de l'administration. Bien au contraire, un nouveau modèle de développement nécessite la participation de tous, et en première ligne le secteur privé et la société civile. De son côté, Kamel Ben Naceur, ministre de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, a précisé que ce gouvernement est certes un gouvernement de transition appelé à gérer le pays pour une période d'une année. Or, un an, c'est important dans la vie d'un pays et on ne peut pas réfléchir uniquement sur le court terme. D'où l'atelier stratégique national et l'engagement de plusieurs ministères pour dessiner le contour de l'avenir de la Tunisie, tout en analysant les points forts et les points faibles du modèle actuel de développement et construire un nouveau, à la lumière du contexte international. De l'avis des participants à cette rencontre stratégique, le modèle de développement que la Tunisie est appelée à adopter est un modèle résolument tourné vers l'avenir, ouvert sur son environnement, mais qui prend en considération les contraintes sociales. Le contrat social, comme l'a si bien expliqué Jean-Louis Reiffers, économiste et président du Comité scientifique de l'Institut de la Méditerranée France (Femise), doit concerner la jeunesse. Car, en Tunisie, le taux de chômage le plus élevé est parmi les diplômés du supérieur. Ce qui représente autant une bombe de retardement qu'une formidable opportunité à saisir ». Le modèle de développement tunisien, en vigueur actuellement, a certes permis d'atteindre des résultats positifs au niveau économique. En effet, au cours des dix dernières années, la Tunisie s'était hissée à un niveau satisfaisant de croissance économique, de près de 5 % en moyenne par an, qui avait contribué à réduire le taux de pauvreté à moins de 5 % en 2005 (source : statistiques officielles de l'INS). Cependant, ce n'était que l'arbre qui cachait la forêt : un taux de chômage restait obstinément élevé, notamment celui des jeunes qui ne cessait de progresser. Les disparités régionales en matière de croissance économique, de revenu et de richesse ont fait apparaître, pour reprendre les termes de nombreux observateurs, « deux Tunisie », l'une relativement affluente, le long des régions côtières; l'autre, à la traîne, dans les régions situées à l'intérieur du pays. Il est impératif dans le nouveau modèle de développement de trouver une solution au chômage des jeunes, aux inégalités, aux disparités entre les régions tout en améliorant les indicateurs du développement humain. Il est aussi impératif de s'ouvrir sur le monde mais intelligemment, insiste Jean-Louis Reiffers. En d'autres termes, oui pour l'ouverture mais à des conditions favorables pour la population, le développement humain. Il va sans dire que la Tunisie est, actuellement, dans sa dernière phase de transition. Elle achèvera sa transition politique, par l'organisation d'élections législatives et présidentielle, avant la fin de l'année 2014. Néanmoins, pour ce qui est de l'économique, de l'avis de Chedly Ayari, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), la transition se poursuivra. Car elle prendra plus de temps. D'après lui, l'année 2015 serait, également, une année de transition économique. Cela n'empêche, a-t-il expliqué que nous sommes censés ouvrir la Tunisie sur sa nouvelle modernité post-révolutionnaire. Il nous faut aujourd'hui réfléchir sur le modèle post-transitionnel. D'où tout l'intérêt de l'atelier stratégique national placé sous le signe : «Vers un nouveau modèle de développement pour la Tunisie».