Phénomène durable ou simple coïncidence, les entraîneurs français ont la cote auprès du «big four» du foot national Le champion en titre a renoué avec la thérapie Sébastien Desabre dans la foulée du fiasco africain face à l'Entente de Sétif et Ahly Benghazi. L'ancien coach de Cotonsport Garoua (Cameroun) revenait ainsi aux affaires après la parenthèse Ruud Krol qui n'a pas fait de vieux os à la tête de l'Espérance de Tunis. Le Club Sportif Sfaxien a choisi cet été de confier ses affaires techniques à un Français à la longue expérience africaine, Philippe Troussier, surnommé le sorcier blanc. Passé par la Côte d'Ivoire, l'Afrique du Sud, le Mali... , il complète au Maghreb son tour d'horizon qui l'a vu exercer au Japon, en Chine... De son côté, le Club Africain a fait signer un contrat de deux ans à un technicien français qui ne possède pas le CV d'un Troussier, par exemple. Tout juste quelques clubs de l'Hexagone, et pas plus loin que ça. Daniel Sanchez vient en tout cas s'inscrire dans la tradition séculaire clubiste qui a vu défiler un tas de techniciens français : de Paul Barthez en 1955-56 à Marcel Husson, Jean Serafin, Henri Stambouli, Charles Rosseli, Pierre Lechantre, Bertrand Marchand, René Exbrayat et le dernier de la lignée, Landry Chauvin qui n'aura pas survécu aux contre-performances enregistrées la saison dernière. L'Etoile Sportive du Sahel aurait pu compléter le carré des grands clubs confiés à un Français si Roger Lemerre avait prolongé son bail pourtant conclu par une coupe de Tunisie. Mais on sait que l'ancien sélectionneur national a préféré mettre un terme à sa collaboration. Du coup, le bureau de Ridha Charfeddine s'est rabattu sur d'autres pistes en France: Hervé Renard, Jacques Santini, Bernard Casoni, Jean Fernandez... Toutefois, la tendance allait, ces derniers jours, au recrutement du Franco-Serbe Dragan Cvetkovic. Une vieille connaissance du public tunisien puisqu'il avait drivé tour à tour le Club Sportif de Hammam-Lif, l'Avenir Sportif de La Marsa et la Jeunsse Sportive Kairouanaise. Ce choix suscite un black-out de la part des supporters étoilés, ce qui semble infléchir la décision des Houcine Jenayeh, Ziad Jaziri et du président du club, Ridha Charfeddine. Y a-t-il encore une école ? Choix fortuit ou véritable tendance répondant à un réel projet sportif ? Il faut se rappeler pourtant que les filières des managers et agents conduisent plus facilement au marché français, tout à la fois proche et plus accessible pour des raisons historiques et linguistiques. Quant à croire qu'il traduit une école prisée et ayant donné la preuve de sa réussite et de son rayonnement, c'est aller un peu vite en besogne. On ne sait d'ailleurs plus s'il faut considérer que telle ou telle école traduit réellement des caractétristiques séculaires qu'on lui connaît : l'école allemande: la rigueur, l'italienne la défense à tout bout de champ et le contre, la brésilienne la fantaisie et la générosité offensives... Le foot est sens dessus-dessous ; il y a confusion des genres, les clichés ont rendu l'âme et il n'y a plus de label distinctif de tel ou tel jeu et style. L'Italie qui se recycle dans un jeu ouvert et débridé, le Brésil qui se met à l'heure de la rigueur du foot européen, l'Allemagne qui s'oriente de mieux en mieux vers un jeu où le spectacle gagne ses lettres de noblesse : c'est le monde à l'envers. Prétendre que les quatre grosses cylindrées du foot national veulent faire la part belle à un projet de jeu qui plonge ses racines dans un jeu à la française serait prétentieux. D'ailleurs, avec la globalisation du football et les effets ravageurs du fameux arrêt Bosman qui a fait voler en éclats toute identité du foot, il n'y a plus lieu de parler d'école rétive aux emprunts et totalement insensible aux influences. Elle n'existe plus. Et les entraîneurs tunisiens? L'hégémonie du cadre technique français et plus généralement étranger, telle que nous la percevons au niveau des clubs, pose la question des difficultés ressenties par les techniciens tunisiens à marquer leur territoire dans le championnat de Tunisie. Nul n'est prophète en son pays, cela est d'autant plus vrai que les entraîneurs du cru exercent un peu partout : au Golfe, au Maroc, en Algérie, en Libye, au Soudan... Sauf qu'ils héritent chez eux de la portion congrue. Plus d'un demi-siècle après l'Indépendance, malgré cinq bonnes décennies de formation des cadres techniques à l'Institut national des sports et à travers les écoles les plus huppées de France, d'Allemagne, de Belgique..., on en est toujours à un rapport largement défavorable aux entraîneurs tunisiens. Lesquels peinent à imposer leur empreinte d'autant plus qu'on ne les traite jamais sur un pied d'égalité. Un entraîneur étranger bénéficie de toutes les commodités et encouragements imaginables et devient seul maître à bord. Son homologue tunisien se retrouve à l'opposé à l'étroit, confiné dans un rôle où il est constamment censuré, les mains liées. Bref, il n'a pas carte blanche. Opposer le bilan des uns et des autres et la qualité du travail qui se fait serait injuste. Cela reste une affaire de personne, et non de nationalité. Il y a toujours de bons et de mauvais entraîneurs. Dans chaque pays. Sous toutes les latitudes.