Quelle tristesse ! Les mots ne peuvent exprimer les sentiments de douleur et de compassion. Un film à répétition se déroule à mes yeux de ses qualités de valeur d'un homme sincère dont le sacrifice pour autrui n'est pas un vain mot. Oui, il a été un modèle du genre. Sadikien, il faisait partie de l'élite. Il fut parmi ceux qui ont été élevés dans l'amour de la patrie. A l'Ecole normale, il brillait souvent par ses écrits. Bourguibiste dans sa formation, idéologue dans ses choix, discret dans ses démarches et sérieux dans ses propos. La diplomatie était la carrière qu'il avait choisie. Au Sénégal, son premier poste, j'ai eu à me rendre compte, des années plus tard, de l'amitié et du respect de la classe politique sénégalaise à son égard. Affable, malgré les vicissitudes de la vie, il a, toujours, voulu rendre service à son pays là où le besoin s'en est fait sentir. De retour du Sénégal, appelé à la tête de la direction des informations de la Radio télévision tunisienne, il a été un novateur et un exemple d'abnégation. Puis ce fut une nomination à la tête du journal La Presse, un journal prestigieux. Il a eu la lourde charge de le reprendre en main. Avec une équipe de jeunes journalistes, il a mené un combat sans répit pour le hausser aux cimes de la gloire. Ses compagnons de route sont mieux placés que moi pour témoigner de ses qualités et de ses exigences. A ma connaissance, il avait vocation d'écouter et de convaincre. Tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'il l'avait dirigé avec son sérieux légendaire et son rire parfois narquois. Le sort du pays et l'engagement pour aider à sa construction le préoccupaient. Ses éditoriaux quotidiens sont des références de style. Il collabora par ses écrits à différentes revues et aida à la rédaction de plusieurs discours. Il s'est investi pleinement dans les responsabilités qui lui ont été confiées. Plus que d'autres, il a travaillé dans l'ombre. Défendant toujours ses amitiés, il a même subi des revers de cet engagement. Il aura parcouru la vie au Parti socialiste destourien où il avait des amitiés sincères et n'aura connu que la sensation du bonheur du devoir accompli. Il connaissait également tous les rouages de l'Etat. Plusieurs fois membre du comité central du PSD, plusieurs mandats de député et maire de sa ville natale Jemmal, il a pu mettre ses idées en pratique. Là où le devoir l'appelait, il avait bousculé bien des habitudes, restitué au travail sa noblesse et au sacrifice sa signification. Infatigable à la tâche, l'écriture était sa passion. Il était en fait né pour servir plus que pour se servir. Homme de très grande culture, Amor brillait par sa finesse d'esprit et son humour inégalable. Il portait en lui tout ce que l'histoire du pays avait accumulé de sagesse et d'humilité. Erudit, l'histoire était son fort. Il jubilait du triomphe et souffrait de la souffrance. Il était de la lignée des grands esprits dont la curiosité est toujours en éveil. Commis de l'Etat, il a mis tout son talent au service de la société. Aux responsabilités assumées, il n'a connu que la sensation du bonheur du devoir accompli. La résistance passive à la horde qui s'est emparée du pays, il l'a sentie venir. Il connaissait lui aussi les contradictions de la politique et ses effets pervers, mais jamais la haine et la vengeance. Fidèle à l'amitié, il cultivait l'esprit de méthode et du travail bien accompli. Homme de raison et d'action, il a choisi de revenir vivre dans son village. Ses qualités intrinsèques et sa mémoire vivante lui ont assuré son autonomie. Il a été heureux d'être témoin de son vivant de la disparition des nouveaux prédateurs que la Tunisie a enfantés. Il espérait que la Tunisie, qu'il aimait et qu'il a servie avec ferveur tout au long de sa vie, renaisse de ses cendres en balayant tous les ripoux. La démocratie pour lui n'était pas un vœu pieux mais une issue certaine. Il était, il n'est plus... au plus grand désespoir de tous ceux qui avaient connu et apprécié ses multiples facettes. Comment exprimer toute notre tristesse ? Comment reprendre à vivre sans la retouche de sa plume ? Les mots diront à peine notre souffrance. Ils ne consoleront jamais les siens qui devront être fiers de son parcours de combattant au service de son pays. Amor repose en paix ! Que tes amis et tous ceux à qui tu es venu en aide se souviennent de toi. Que Dieu te bénisse, t'accorde Son infinie Miséricorde et t'accueille dans Son éternel Paradis.