Verbaliser sa souffrance, se déculpabiliser et choisir parmi les démarches disponibles qui conviennent le mieux. Les centres d'écoute destinés aux femmes victimes de violences représentent, dans la majorité des cas, l'ultime refuge pour celles qui ne trouvent ni oreille attentive ni réconfort dans leur environnement social. Le centre d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violences, relevant de l'ATFD reçoit, couramment, des femmes battues, maltraitées, humiliées et violées. Ces femmes sont en quête d'attention et d'écoute. Il faut dire que l'écoute revêt à leurs yeux une importance majeure. « Les victimes ont toujours tendance à considérer la violence comme un sujet personnel, voire tabou. En passant du silence à la verbalisation, elles optent pour les confidences entre femmes, d'où notre rôle », indique Mme Emma Hassairi, écoutante et responsable au Centre d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violences. Le centre, régi par des bénévoles, apporte aux femmes victimes de violences ce dont elles ont besoin, à savoir l'accueil, l'écoute, l'orientation vers les différentes formes d'aide et d'appui. Elles y bénéficient d'une assistance psychologique, d'un appui administratif et juridique. Elles peuvent, également, disposer d'une aide à l'autonomisation financière. Mais pour arriver au stade de l'orientation, l'étape de l'écoute est déterminante. « Au début, les femmes ont du mal à verbaliser leur souffrance. Nous leur expliquons que nous sommes là pour les écouter et pour les croire. La solidarité féminine est fondamentale dans notre approche. En aucun cas, poursuit Mme Hassairi, nous ne mettons en doute les propos de la femme violentée. Cette dernière se trouve alors dans une situation rassurante. Certaines nous confient même que nous sommes les premières personnes à lui prêter une oreille attentive ». L'étape de l'écoute est déclenchée par le biais de deux questions simples : De quoi allez-vous nous parler ? Qu'est-ce que vous avez ressenti ? Deux questions qui permettent à la femme de commencer son récit, de verbaliser sa souffrance et de cerner cette trilogie de violence physique, psychique et sexuelle. La femme brise le silence auquel elle était contrainte et vainc sa timidité, surtout lorsqu'il s'agit de violence sexuelle. En parlant, en relatant le drame qu'elle subit depuis des années, elle dévoile une sorte de culpabilisation enracinée dans son être. Une culpabilisation non justifiée mais qui prend de l'ampleur au fil des ans, suite à la dévalorisation croissante de son corps et de son estime de soi. « Après l'avoir écoutée, nous lui expliquons qu'elle n'a pas à se culpabiliser et qu'elle est, bien au contraire, victime de violences. Nous l'informons, par la suite, sur les différentes procédures susceptibles de mettre fin à son malheur. En aucun, cas nous n'incitons la femme au divorce ou à d'autres mesures. C'est à elle de décider de son sort. D'ailleurs, nombreuses sont les femmes qui recourent à nous juste pour être écoutées ». Cependant, c'est en prenant les choses en main et en faisant des choix courageux que les victimes de violences peuvent sortir de la sphère violente et contribuer efficacement à la déconstruction de cette normalisation croissante de la violence sexiste. « C'est au centre d'écoute que le combat anti-violence prend racine, entre femmes et dans un climat fondé sur la solidarité féminine, sur la confiance et sur le respect de la confidentialité », ajoute-t-elle. Après l'écoute, vient le tour de l'orientation. Pour ce, les bénévoles se répartissent les rôles, chacune dans son domaine. Le centre dispose d'une psychologue chargée de l'assistance psychologique, d'une équipe juridique, comptant des avocates qui prennent en charge les dossiers judiciaires, accompagnent les femmes dans les régions et leur apportent le soutien moral nécessaire durant les procès. Par ailleurs, le centre intervient, selon les moyens disponibles, pour aider les femmes à gagner en autonomie économique. L'autonomie financière joue, souvent, un rôle déterminant dans la lutte contre la violence.