La désignation d'un gestionnaire financier et la présence de mille contrôleurs de l'Isie sur le terrain de la campagne sont les moyens mis en place pour tenter de barrer la route aux escroqueries. S'il y a quelque chose qui intrigue et inquiète les Tunisiens en cette période d'effervescence électorale, c'est bien la question du financement public de la campagne électorale, présidentielle ou législative. Et pour cause : ce financement vient des caisses de l'Etat. En d'autres termes, de la poche du contribuable. La question est d'autant plus inquiétante que le rapport général de la Cour des Comptes relatif aux élections de l'ANC (2011), publié en juillet 2012, a fait état de dépassements, d'irrégularités et d'insolvabilité pour un certain nombre de listes électorales, partisanes et indépendantes. En effet, selon l'article 53 du décret-loi n° 2011-35, les listes qui n'atteignent pas les 3% des suffrages exprimés au niveau de la circonscription électorale doivent rembourser la deuxième tranche de la subvention. Certaines listes ont changé de nom et d'adresse Trois ans après, les Tunisiens sont de nouveau convoqués aux urnes. Plus de 5,3 millions d'électeurs sont appelés à élire, le 26 octobre prochain, un Parlement et, en novembre, un président de la République, en deux tours, pour les cinq prochaines années. Et, de nouveau, on parle de financement public... Mais cette fois pour deux campagnes électorales. L'Isie a déjà annoncé que 50% du financement public seront versés le 27 septembre aux listes électorales en lice pour les législatives, sept jours avant le démarrage de la campagne électorale. La question qui se pose cette fois est la suivante : quelles garanties l'Isie a-t-elle prévu pour assurer le recouvrement des subventions publiques de la campagne électorale ? «Parmi les conditions d'admission du dossier d'une liste électorale, la présentation du récépissé de la recette des finances prouvant le remboursement des dettes de 2011», déclare Lassaâd Ben Ahmed, chargé de la communication à l'Isie. En l'absence du récépissé, que se passe-t-il ? «La liste est rejetée», apprend-on. Seul inconvénient, cité dans le rapport de la Cour des comptes de 2012 : certaines listes ont changé de nom et d'adresse. Ce qui rend impossible toute poursuite ou vérification à propos de leur solvabilité. A noter tout de même que l'Isie a rejeté 192 listes électorales candidates aux prochaines législatives pour divers motifs, dont l'absence du récépissé en question. Du côté de l'Isie, on assure que, cette fois, les mécanismes, ou garde-fous, ont été mis en place pour barrer la route aux escroqueries, toujours possibles, et garantir la transparence et l'intégrité de l'opération de financement. Le 18 septembre, l'Instance supérieure indépendante pour les élections publiait un communiqué informant les listes candidates aux législatives que l'obtention de la première tranche du financement public nécessite notamment l'ouverture d'un compte bancaire unique par lequel passent tous les dépôts et dépenses de la campagne électorale ainsi que la désignation d'un mandataire financier chargé de superviser les finances et la comptabilité de la liste, sachant qu'un mandataire ne peut tenir la gestion de deux listes concurrentes. Confrontation des rapports et comptes de campagne Selon le même communiqué, le compte bancaire en question sera mis à la disposition de l'Irie où ont été déposées la liste et l'identité du mandataire fournie à l'Isie, dont il deviendra «l'unique vis-à-vis», explique Lassaâd Ben Ahmed. Cela dit, comment vérifier que toutes les transactions financières sont passées par le compte en question ? «L'Isie a mis en place un réseau de mille contrôleurs de la campagne électorale, dont la tâche sera de suivre les activités des listes candidates», indique encore notre interlocuteur. Les contrôleurs font le constat de ces activités (meetings...) et des dépenses conséquentes (affichages, dépliants...) qu'ils mentionneront dans des procès-verbaux, lesquels PV seront comparés aux comptes de campagne que les listes — même celles qui n'ont pas été élues — sont tenues de remettre à la Cour des comptes dans un délai de 45 jours à partir de la date de proclamation des résultats définitifs. Du côté de la Cour des comptes également, une opération de contrôle est envisagée. Des magistrats de juridiction et des greffiers sont mandatés lors des opérations de contrôle du financement de la campagne électorale. Les magistrats effectuent des constats sur le terrain au sujet des manifestations organisées par les représentants des listes électorales. La situation économique du pays en 2014 est plus difficile qu'en 2011. Ce critère devra être pris en compte pour que la loi électorale soit respectée dans sa totalité et pour que le moindre denier public soit récupéré.