Un coup de théâtre, une vraie concession, ou un simple geste tactique? Autant de questionnements que l'on peut se poser suite à la décision des autorités chinoises, tant attendue, de laisser le Yuan évoluer librement sur le marché de change. L'histoire a montré que la Banque Populaire a eu toujours la maîtrise complète du «Renminbi», monnaie du peuple. D'ailleurs, les changements des politiques de change opérés ont coïncidé avec des changements profonds de la conjoncture internationale. En effet, après avoir été indexé sur le dollar jusqu'en 1994, c'est un régime de change flottant qui a régi le Yuan. Cette flexibilité a été retenue par la banque centrale chinoise en 1997 pour contrecarrer les effets de la crise asiatique. En 2005, une indexation de la monnaie chinoise sur un panier de devises a été entreprise. Une telle démarche a découlé de l'importance des échanges économiques avec des partenaires autres que les Etats Unis. L'avènement de la crise des « subprimes », et plus généralement la crise financière, a motivé les décideurs chinois de revenir sur l'indexation à la monnaie verte à parité fixe. C'est encore une fois, les intérêts des entreprises chinoises, surtout celles qui opèrent sur le marché américain, qui sont préservés. La devise chinoise est estimée depuis toujours comme étant une variable perturbatrice du commerce international. En fait, avec la consolidation de l'écart entre le niveau de change réel et celui pratiqué par le marché, la monnaie procure aux producteurs de l'atelier du monde une compétitivité artificielle. En juin 2010, à la veille du G20, et dans ce contexte de crise, la Chine a décidé de quitter le régime d'indexation et d'entamer un processus d'appréciation progressif du Yuan. Sans incidences sur les revenus Les producteurs chinois ont été gâtés par les autorités en adoptant des mesures protectionnistes très sévères. En se développant sur un marché de plus d'un milliard de consommateurs, les firmes chinoises accumulent de l'expertise nécessaire pour conquérir le reste du monde. Décidément, un yuan faible est doublement favorable pour ces opérateurs. D'une part, leurs produits, de par leurs prix, sont plus compétitifs que ceux de leurs concurrents sur les marchés extérieurs et, d'autre part, sur le marché intérieur les concurrents étrangers, avec des prix exorbitants, n'ont pas de chance de se développer. La flexibilité du taux de change aura pour effet immédiat l'appréciation de la valeur du Yuan. Dans son acceptation théorique, l'augmentation des prix conséquente est de nature à affaiblir la compétitivité des Chinois. Mais avec un tissu économique solide, parfaitement intégré dans les marchés mondiaux, les fabricants n'auront pas à se soucier. Leurs prix sont tellement compétitifs qu'une hausse administrée sera sans effets majeurs. C'est au niveau des intrants que cette mesure est le plus bénéfique. Désormais, les importations coûteront moins cher. D'ailleurs, les prix de revient seront révisés à la baisse suite à la dégradation des coûts des matières premières. En l'occurrence, les producteurs peuvent réviser leurs prix à la baisse tout en gardant leurs marges commerciales. En résumé, la hausse des prix par l'appréciation de la devise chinoise sera résorbée par la baisse des prix des intrants importés. Le consommateur chinois dispose d'un pouvoir d'achat limité par le niveau de son revenu et les prix pratiqués sur le marché. Une telle mesure est naturellement sans effet sur le revenu, tributaire des niveaux des salaires, mais les produits coûteront désormais moins cher. Cette baisse est accentuée par la dynamique de la concurrence. Les nouveaux entrants sur le marché, et ceux déjà présents, mobiliseront vraisemblablement des tactiques commerciales très accrocheuses, notamment par les prix. Cette métamorphose de la consommation stimulera le niveau de production, le niveau des importations, ainsi que la mise à niveau des circuits de distribution. En d'autres termes, c'est une nouvelle locomotive de la croissance chinoise. On assiste, réellement, à une inflexion du développement économique chinois, le modèle «Made in China» basé sur l'investissement massif, la production qui tiennent compte des grandes séries et l'exportation mondiale soutenue et qui est en train de faire davantage de la consommation un véritable pilier de croissance. Le marché de plus d'un milliard n'est-il pas une vraie réserve en période de crise? Une bouffée d'oxygène pour les pays concurrents de la Chine La Chine, comme étant l'atelier du monde, est davantage présente sur la scène internationale. Les effets de sa politique monétaire, sont très ressentis à l'échelle planétaire, notamment par ses partenaires économiques. Les Etats-Unis d'Amérique sont le premier partenaire de la Chine. D'où, naturellement cette flexibilisation du Renminbi qui permet de réduire le déficit commercial énorme qu'accuse la balance de paiement américaine, rien que par la valeur. D'ailleurs, les décideurs américains ont salué cette décision, mais ils demandent aussi à leurs homologues du continent asiatique de laisser apprécier rapidement le yuan pour que la résorption soit accélérée. De même, cette demande est partagée par les Européens qui jugent, eux aussi, que cette appréciation permet de retrouver un équilibre du commerce mondial. En effet, le yuan sous-évalué, laissait les produits chinois en dehors de toute atteinte concurrentielle. Par ailleurs, c'est une bouffée d'oxygène pour les vraies concurrents de la Chine, à savoir l'Inde, le Brésil, le Pakistan… ces pays émergents, qui adoptent eux- mêmes des devises sous-évaluées, auront des parts de marchés à grignoter. Mais leurs exportations additionnelles seront sans effet notoire sur le classement sur les marchés. A vrai dire, la Chine stimulera la concurrence mondiale, mais elle demeure, et de loin, le leader sur tous les marchés. La flexibilisation donne théoriquement la liberté de fluctuation de la monnaie dans les deux sens : appréciation et dépréciation. Par le premier mouvement d'appréciation, la Chine a échappé à une pression mondiale sur le thème de sa devise. Le deuxième ne serait-il pas attendu sous prétexte de relancer la croissance économique chinoise ?