nous offre un conte moderne hilarant et fantastique où un centenaire en vadrouille nous rappelle un autre héros de fiction (le film Forrest Gump) qui nous a amusés et fait réfléchir sur le trop de sérieux avec lequel nous prenons la vie. Pendant les premières centaines de pages, on est certes transporté par la fraîcheur du ton et la prose inhabituelle, mais une seule interrogation nous taraude : pourquoi Allan Karlsson s'enfuit-il de la maison de retraite où il vit sans souci apparent dans une petite ville suédoise le jour où on fêtait son centième anniversaire ? Après une centaine de pages, n'y tenant plus, nous avons essayé de tricher un peu en jetant un rapide coup d'œil aux dernières pages mais la chose était impossible. Il fallait en faire le tour. Non pas que ce fut désagréable, au contraire, car Jonas Jonasson nous embarque tout de suite dans deux histoires qu'il conte en parallèle ! Mais, pour comprendre le pourquoi de cette ‘fuite', pas d'autre alternative que de suivre Allan à la trace... et pas qu'en une seule histoire mais deux ! Deux histoires en parallèle ! Car l'auteur nous entraîne dans deux sagas distinctes qui ne se rejoignent qu'à la fin de l'ouvrage. Une histoire qui se déroule à partir du 2 mai 2005, jour de l'escapade, et qui suit le parcours du centenaire fugueur. Et une autre histoire, qui commence le 2 mai 1905 quand Allan naît, et qui se trouve truffée à satiété de rebondissements aussi innombrables que burlesques et qui retrace la vie et l'œuvre, si l'on ose dire, d'Allan. Et si la première histoire est le fil conducteur du roman, la seconde en est le sens, le fond et l'âme. Bizarrement, en la lisant, on a de plus en plus l'impression d'un ‘déjà-vu' au fil des pages. On oublie la question : pourquoi Allan a-t-il fugué ? Et on en pose une nouvelle : mais qui donc nous rappelle-t-il ? Parce que Alan, voyez-vous, se trouve être artificier expert en explosifs et c'est en cette qualité qu'il fait une sorte de tour du monde extravagant où, coup sur coup et au fur et à mesure que les années passent, il sauve la vie du général Franco en Espagne, résout le problème de fission de la bombe atomique à Los Alamos aux USA, travaille pour l'épouse de Tchang Kai-check pour renverser Mao en Chine, sauve la 3e épouse de Mao, évite à Winston Churchill de se faire tuer à Téhéran, vend la mèche de la fabrication de la bombe atomique à un physicien russe, rencontre Staline et Béria, est envoyé au bagne à Vladivostok où il devient copain avec le frère d'Albert Einstein, se fait recevoir par Kim Jong Il en Corée du Nord, devient l'ami et interprète de l'ambassadrice de Bali à Paris, dîne avec les présidents de Gaulle et Johnson, devient espion des Américains en Russie... Une bande de boute-en-train Alors, cela vous rappelle-t-il quelqu'un ? Vous avez mis dans le mille ; c'est, bien sûr, Forrest Gump, le film qui a été récompensé par 6 oscars, et qui relate l'histoire mouvementée des Etats-Unis entre les années ‘50 et ‘80 à travers le parcours d'une sorte d'autiste qui semble se laisser porter par les événements. Car, avant de devenir enfin milliardaire, il est champion de football américain, soldat au Vietnam, champion de ping-pong, marathonien hors pair, capitaine d'un crevettier, il inspire à Elvis Presley sa manière de se déhancher, à John Lennon les paroles de ‘'Imagine'', il est reçu trois fois à la Maison Blanche par trois présidents différents, participe à la reprise des relation USA-Chine, révèle le scandale du Watergate... Même l'entourage des deux héros (Allan et Forrest) se ressemble par l'originalité de ses caractères. Autour de Forrest ; il y a sa mère qui croit en lui en toutes circonstances, sa petite amie Jenny qui erre des errements de sa génération et qui finit par avoir un enfant de lui (non autiste), le lieutenant Dan dont la foi vacille avant de se faire une raison, le GI Buba qui est pratiquement le jumeau craché de Forrest et qui le forme aux techniques de la pêche à la crevette... Et autour d'Allan, il y a Julius Jonsson l'ancien criminel, Benny le vendeur ambulant aux 30 ans d'études, Bosse le frère de Benny, Gunilla la fiancée de Benny, Goran Aronsson l'inspecteur de police, Herbert Einstein le frère du physicien, Iouli Borisovitch le physicien russe... Et, dans les deux cas, cela forme une incroyable bande de boute-en-train ne nous laissant pas de répit, nous clouant aussi bien devant le film que devant le livre, nous changeant des ‘lectures' laborieuses et nous entraînant dans le pur plaisir du spectateur : le spectacle! Ceci à vol d'oiseau, si l'on ose dire... mais si vous voulez le fin mot de l'histoire d'Allan, il faut lire. ‘'Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire'', 542 p., mouture française Par Jonas Jonasson Editions Presse de la Cité Pocket 2011