Par Khaled TEBOURBI Dans l'ensemble, artistes et journalistes se sont montrés satisfaits du résultat des législatives. Facile à comprendre : avec les divers travailleurs intellectuels, ce sont eux qui avaient, le plus, à craindre d' un prolongement du mandat islamiste. Si cette crainte était, ou non, tout à fait justifiée, si elle avait, elle aussi, résulté de la «diabolisation» ambiante du mouvement Ennahdha, cela reste, bien sûr, à voir, aujourd'hui, au vu notamment du «fair-play» et de l'esprit coopératif manifestés par les «perdants». Dans cette «affaire», néanmoins, il y a ce qui s'est passé réellement sur le terrain, et il y a les discours non encore suivis de faits. Les intellectuels, les artistes et les journalistes tunisiens ont, pour ainsi dire, des arguments au concret : ils ont toujours en tête les incidents de «Persépolis» et d'El Abdellia, les agressions de Hamadi Redissi, Zied Krichen, Nouri Bouzid, Youssef Seddik et bien d'autres, les violences de la «Journée mondiale du théâtre», les irruptions salafistes aux festivals de Kairouan et de Bizerte, l'été 2012, les «fatwas à mort» lancées par des centaines d'imams wahabites à leur encontre, etc. Ils n'oublient pas, non plus, pour être plus lucides que le commun des citoyens, ni le drapeau national arraché, quasiment dans l'impunité, à la faculté de La Manouba, ni le sit-in «sur commande» devant le siège de la télévision publique. Et encore moins, on le devine sans aucun mal, les visites hyper-organisées de prédicateurs moyenâgeux, venus plaider «la mise au voile et la mutilation sexuelle» des petites fillettes, en étant reçus avec les honneurs et force embrassades fraternelles de la part d' officiels de l'Etat. Sans compter les chocs successifs essuyés (on imagine avec quelle sensibilité particulière) à la suite des assassinats de Chokri Belaïd , Mohamed Brahmi, et le lynchage «au grand jour» de Lotfi Nagdh. Le «fair- play» et les discours «coopératifs» des ex-gouvernants et actuels «perdants» ne pouvaient, à l'évidence, effacer d'un seul coup une telle accumulation de «méfaits». Il faudra du temps pour que tout cela soit totalement «digéré», surtout pour que l' élite tunisienne n'en prenne plus ombrage. Il faudra, plus que toute autre chose, que l' Islam politique en Tunisie consente pour de bon, statutairement, sur engagement clairement consigné et assumé, à renoncer, purement et simplement, à l'Islam politique lui-même. C' est-à-dire, précisent bien nombre d' observateurs et de penseurs,à ses références idéologiques extrêmes,aux Mawdoudi, Abdelwahab, à El Banna et autre Saied Quotb, fondateurs de l'Internationale des «Frères musulmans» et prôneurs irréductibles de la résurgence du califat. Cette mutation de fond,à laquelle les récentes législatives tunisiennes invitent en parfaite logique, n'a toujours pas émergé dans l'attitude du mouvement Ennahdha. Rien, absolument rien ne l'indique encore. Et tant que cela ne sera pas fait, les protagonistes de la deuxième République en resteront là où ils sont : les uns à produire leur sempiternel «double langage» en attendant de «retourner la situation», les autres à afficher «bonne volonté» et «triomphe modeste» en sécrétant la pire défiance qui soit. Ce passage d' un parti «islamiste» à un parti civil «musulman»,uniquement à référence éthico-religieuse, à l'instar des démocraties chrétiennes fondées, et encore solidement installées, en Europe, est la seule réelle garantie de l'établissement d'un système démocratique, réunissant conservateurs et modernistes en Tunisie. Tout le reste est illusion, voire utopie. Ou alors, c'est un leurre inventé, pas forcément «à bon dessein», par des chancelleries occidentales et certains médias plus ou moins «en service commandé». Eux ont visiblement intérêt à propager dans nos sociétés immatures cette croyance absurde que les dogmes idéolologiques (charaïques même !)sont «parfaitement compatibles» avec la démocratie. Ainsi, et comme il s'agit d'une impossibilité foncière en tout temps et en tout lieu, nous sommes entraînés, irrévocablement, dans les mésententes et les conflits qui essaiment, en ce moment, dans la presque totalité des pays dudit «Printemps arabe» et qui demeurent tout à fait éventuels, jusque dans la Tunisie de l'après-élections. On n'est pas des fanatiques de la «théorie du complot», ni (qu'à Dieu ne plaise) des émules du bon sieur Abderraouf El Ayadi, mais des «combines» de ce genre existent, tantôt, et , le plus souvent, dans le sens inverse de ce que colportent le sieur Ayadi et ses partisans : simplement dit, en travers de la bonne marche des révolutions, et des démocraties. L'exemple d'« Al Jazeera» n'est plus qu'un secret de Polichinelle. Franchement, honteux. Mais nos confrères de «France 24 » s'en rapprochent visiblement à pas sûrs. Et personne, bientôt, n'en sera plus dupe en Tunisie. Il se susurre de plus en plus (après les couvertures plutôt orientées des évènements d'Egypte et des législatives tunisiennes) qu'il y aurait du «franco-qatari» là-dessous. Pas juré, mais cela en a tout l'air déjà ! contrepoint Tant que durera l'utopie Par Khaled TEBOURBI Dans l'ensemble, artistes et journalistes se sont montrés satisfaits du résultat des législatives. Facile à comprendre : avec les divers travailleurs intellectuels, ce sont eux qui avaient, le plus, à craindre d' un prolongement du mandat islamiste. Si cette crainte était, ou non, tout à fait justifiée, si elle avait, elle aussi, résulté de la «diabolisation» ambiante du mouvement Ennahdha, cela reste, bien sûr, à voir, aujourd'hui, au vu notamment du «fair-play» et de l'esprit coopératif manifestés par les «perdants». Dans cette «affaire», néanmoins, il y a ce qui s'est passé réellement sur le terrain, et il y a les discours non encore suivis de faits. Les intellectuels, les artistes et les journalistes tunisiens ont, pour ainsi dire, des arguments au concret : ils ont toujours en tête les incidents de «Persépolis» et d'El Abdellia, les agressions de Hamadi Redissi, Zied Krichen, Nouri Bouzid, Youssef Seddik et bien d'autres, les violences de la «Journée mondiale du théâtre», les irruptions salafistes aux festivals de Kairouan et de Bizerte, l'été 2012, les «fatwas à mort» lancées par des centaines d'imams wahabites à leur encontre, etc. Ils n'oublient pas, non plus, pour être plus lucides que le commun des citoyens, ni le drapeau national arraché, quasiment dans l'impunité, à la faculté de La Manouba, ni le sit-in «sur commande» devant le siège de la télévision publique. Et encore moins, on le devine sans aucun mal, les visites hyper-organisées de prédicateurs moyenâgeux, venus plaider «la mise au voile et la mutilation sexuelle» des petites fillettes, en étant reçus avec les honneurs et force embrassades fraternelles de la part d' officiels de l'Etat. Sans compter les chocs successifs essuyés (on imagine avec quelle sensibilité particulière) à la suite des assassinats de Chokri Belaïd , Mohamed Brahmi, et le lynchage «au grand jour» de Lotfi Nagdh. Le «fair- play» et les discours «coopératifs» des ex-gouvernants et actuels «perdants» ne pouvaient, à l'évidence, effacer d'un seul coup une telle accumulation de «méfaits». Il faudra du temps pour que tout cela soit totalement «digéré», surtout pour que l' élite tunisienne n'en prenne plus ombrage. Il faudra, plus que toute autre chose, que l' Islam politique en Tunisie consente pour de bon, statutairement, sur engagement clairement consigné et assumé, à renoncer, purement et simplement, à l'Islam politique lui-même. C' est-à-dire, précisent bien nombre d' observateurs et de penseurs,à ses références idéologiques extrêmes,aux Mawdoudi, Abdelwahab, à El Banna et autre Saied Quotb, fondateurs de l'Internationale des «Frères musulmans» et prôneurs irréductibles de la résurgence du califat. Cette mutation de fond,à laquelle les récentes législatives tunisiennes invitent en parfaite logique, n'a toujours pas émergé dans l'attitude du mouvement Ennahdha. Rien, absolument rien ne l'indique encore. Et tant que cela ne sera pas fait, les protagonistes de la deuxième République en resteront là où ils sont : les uns à produire leur sempiternel «double langage» en attendant de «retourner la situation», les autres à afficher «bonne volonté» et «triomphe modeste» en sécrétant la pire défiance qui soit. Ce passage d' un parti «islamiste» à un parti civil «musulman»,uniquement à référence éthico-religieuse, à l'instar des démocraties chrétiennes fondées, et encore solidement installées, en Europe, est la seule réelle garantie de l'établissement d'un système démocratique, réunissant conservateurs et modernistes en Tunisie. Tout le reste est illusion, voire utopie. Ou alors, c'est un leurre inventé, pas forcément «à bon dessein», par des chancelleries occidentales et certains médias plus ou moins «en service commandé». Eux ont visiblement intérêt à propager dans nos sociétés immatures cette croyance absurde que les dogmes idéolologiques (charaïques même !)sont «parfaitement compatibles» avec la démocratie. Ainsi, et comme il s'agit d'une impossibilité foncière en tout temps et en tout lieu, nous sommes entraînés, irrévocablement, dans les mésententes et les conflits qui essaiment, en ce moment, dans la presque totalité des pays dudit «Printemps arabe» et qui demeurent tout à fait éventuels, jusque dans la Tunisie de l'après-élections. On n'est pas des fanatiques de la «théorie du complot», ni (qu'à Dieu ne plaise) des émules du bon sieur Abderraouf El Ayadi, mais des «combines» de ce genre existent, tantôt, et , le plus souvent, dans le sens inverse de ce que colportent le sieur Ayadi et ses partisans : simplement dit, en travers de la bonne marche des révolutions, et des démocraties. L'exemple d'« Al Jazeera» n'est plus qu'un secret de Polichinelle. Franchement, honteux. Mais nos confrères de «France 24 » s'en rapprochent visiblement à pas sûrs. Et personne, bientôt, n'en sera plus dupe en Tunisie. Il se susurre de plus en plus (après les couvertures plutôt orientées des évènements d'Egypte et des législatives tunisiennes) qu'il y aurait du «franco-qatari» là-dessous. Pas juré, mais cela en a tout l'air déjà !