Par Khaled TEBOURBI Je ne vais pas en rajouter aux vibrants hommages posthumes rendus, depuis ce fort triste et subitement pluvieux jeudi 6 novembre 2014, à Abdelwahab Meddeb. Je le devrais pourtant : c'était un ami de jeunesse, outre qu'un penseur dont j'admirais et partageais profondément les vues autant que les idéaux. J'y renonce, néanmoins, pour une bien meilleure raison : l'ami de jeunesse et penseur modèle a été injustement, même cyniquement, attaqué (jusque sur son lit de mort); je ne veux pas seulement prendre sa défense, je me fais un devoir, et un plaisir, de démasquer une vilenie ! Laquelle ? S'agissant de Abdelwahab Meddeb, aucun secret : l'intellectuel a rompu avec le militant de gauche, depuis fin 80; et l'islamologue, passionné érudit de soufisme, est le plus acharné adversaire de l'islamisme depuis le 11septemre 2001. Résultat : des ennemis à gauche, des ennemis à droite, et tous dans son propre «camp» ! Quand on a milité, écrit, pensé, combattu, choisi et quand on échoue «à distance de ceux-ci comme de ceux-là», on écope, évidemment, de «remous». On écope de «remous», mais on ne contrevient, forcément, ni à la vertu ni à la vérité. Voire, il arrive même qu'on se retrouve «pile-dedans». Ce fut, sans doute, le cas de Abdelwahab Meddeb. Lorsqu'il renonça au «gauchisme», celui-ci (pour reprendre son propos) était «englué dans son prurit identitaire», souvent «associé à la diabolisation de l'Occident». De plus, «le mur» était tombé, et le communisme ne signifiait plus grand-chose. «Le poète est devenu transfrontalier, écrit-il dans son dernier texte de «Leaders», il dépasse l'opposition Orient-Occident, l'antagonisme Nord-Sud...». Le poète, autrement dit, était dans le bon sens de l'histoire, il était «pile-dedans!».Alors que ses détracteurs (ceux d'hier, comme ceux qui fustigent son «vote de Nidaa», aujourd'hui) n'ont d'autre parade que de donner libre cours à leurs rancœurs. Et de même, lorsque l'essayiste consigna son œuvre politique majeure : «La maladie de l'islam», le terrorisme islamiste venait de commettre son pire forfait, plus de cinq mille morts en moins de quinze minutes après l'attentat aux tours de New York. Sans excuses! Abdelwahab Meddeb l'a dit aussitôt, et il l'a vite écrit. Les autres, en revanche, musulmans intégristes, intellectuels arabes de tous bords, jusqu'à la gauche «baatthiste», se sont, volontiers, réfugiés dans le «victimisme» le plus inepte, voire, sans nulle vergogne,(au vu de la gravité du crime)derrière l'«excuse» de «l'islamophobie». Et le poète d'avoir une seconde fois raison, et de le clamer haut et fort, désormais : en 2007, au cours du procès intenté à «Charlie-Hebdo», en 2009, à propos du voile, en 2011 et 2012 lors du «règne» d'Ennahdha, après les assassinats de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, et pour «clore» en totale cohérence, en octobre 2014 (à la veille des adieux), à travers l'appel «JE VOTE» du 5 octobre dernier. Sincérité, lucidité, intégrité, de bout en bout : «l'islamisme est fascisme», et rien, encore, ne vient le démentir ; «l'islam politique est un projet totalitaire», et les expériences des Frères en Egypte et de la «Troïka» en Tunisie le prouvent sans la moindre réserve; « le maintien d'Ennahdha aux commandes est une tragédie à éviter », et le «vote de Nidaa» est «une urgence», car c'est «le DESTINAL d'un peuple» celui «d'une société ouverte, dynamique, adaptée aux mœurs de ce siècle...» contre «une société close, régressive, archaïque, empêtrée dans la confusion de la politique et de la religion...». Abdelwahab Meddeb était déjà vaincu par la maladie, quand une majorité de Tunisiens est allée répondre à son «appel» dans les urnes. J'ai connu les joies de l'adolescent : elles étaient redoutables. Celle du soir du 26 octobre 2014 eut «tranché net dans la meute des détracteurs». Une «tueuse» de vilenies !